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Les Livres

Personne ne gagne, Jack Black

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 08 Février 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Monsieur Toussaint Louverture

Personne ne gagne (You can’t Win, 1926), mai 2017, trad. américain, Jeanne Toulouse, Nicolas Videnc, 470 pages 11,50 € . Ecrivain(s): Jack Black Edition: Monsieur Toussaint Louverture

 

Quand on sort à peine de la lecture torrentueuse de Un Jardin de Sable d’Earl Thompson pour plonger dans ce livre édité par la toujours excellente maison Monsieur Toussaint Louverture, l’impression dominante est la continuité. Les points de jonction entre ces deux romans sont frappants : le parcours initiatique d’un jeune garçon au milieu des gens violents, des putains, des voleurs, des prisons. De fait, il faut inverser l’ordre de ces deux livres : Personne ne gagne est écrit en 1926 (Un jardin de sable date de 1970). Thompson a-t-il lu Jack Black ? Le doute n’est pas permis, jusqu’au prénom du jeune héros, Jack. Sachant ici que le Jack de Jack Black est totalement autographe ; son roman est largement inspiré par sa propre vie.

Les convergences – importantes – s’arrêtent néanmoins là. Autant le monde romanesque de Thompson est terrible, dur, monstrueux souvent, autant celui de Jack Black est étonnamment chaleureux, généreux, humain jusque dans les recoins les plus sombres d’une humanité marginale, hors-la-loi, dangereuse souvent. C’est la ligne de crête de ce livre, tenue en équilibre de bout en bout : tout est sombre, violent, misérable mais les hommes, les femmes, sont tous des humains, des êtres de cœur, qui, du fond de leur trou noir tendent la main à leurs semblables.

Jamais, Véronique Bergen (2ème critique)

Ecrit par Guy Donikian , le Jeudi, 08 Février 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Tinbad

Jamais, novembre 2017, 118 pages, 16 € . Ecrivain(s): Véronique Bergen Edition: Tinbad

 

Il en va de la vie et de ses souffrances comme de la folie ; qui ne les a pas approchées ne peut comprendre les affres de ceux qui les subissent, qui n’a jamais été au bord du gouffre ne peut en saisir l’insondable profondeur. Véronique Bergen, qui n’en est pas à son coup d’essai, fait partie de ces écrivains qui se situent délibérément dans le camp de ceux qui sont capables d’une « vraie littérature », pas celle qui se contente de raconter des histoires, mais qui s’accroche désespérément au « vivre », dans tout ce que le terme galvaudé véhicule d’ambivalent, « la vie est comme un pendule, elle oscille… » pour reprendre Schopenhauer.

Jamais est un récit qui débute à 18 heures, on imagine entre chien et loup. C’est l’heure des angoisses chez les plus fragiles, et chez les plus âgés a fortiori. Sarah est cette personne âgée, elle a nonante ans dit-elle en fin de récit, elle va sur ses nonante et un. Sarah, c’est son nom, débute ainsi un soliloque qui va nous conduire dans les méandres d’une mémoire qui s’effrite, et qui pourtant est capable de remonter relativement loin dans son enfance.

Une vie comme les autres, Hanya Yanagihara

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 07 Février 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Buchet-Chastel

Une vie comme les autres, janvier 2018, trad. anglais (USA) Emmanuelle Ertel, 816 pages, 24 € . Ecrivain(s): Hanya Yanagihara Edition: Buchet-Chastel

 

Publié en 2015 aux États-Unis, Une vie comme les autres (A little life) a déjà conquis plus d’un million de lecteurs de par le monde. Best-seller traduit dans une vingtaine de pays, ce livre s’inscrit dans une longue tradition littéraire américaine d’épopée romanesque. On y suit sur plus de trois décennies les parcours personnels et professionnels d’un quatuor d’hommes unis depuis les bancs de la faculté par une profonde amitié.

Point commun : ils sont tous talentueux et finiront par exceller dans leurs métiers respectifs. JB, le jeune haïtien homosexuel ambitieux, couvé par une mère et des tantes convaincues de son génie, gagnera la notoriété en tant que peintre. Malcom, le métis discret élevé dans un milieu aisé et progressiste, mènera une brillante carrière d’architecte. Le beau et timide Willem, d’origine scandinave, fils d’ouvriers agricoles du Wyoming, percera en tant qu’acteur, et enfin Jude, l’homme à la personnalité secrète et magnétique, deviendra un avocat d’affaires célèbre et redouté.

Lieu de vie commun : un New-York très centré sur les quartiers sud de Manhattan et de Soho en particulier.

Les Routes de la traduction. Babel à Genève, Barbara Cassin, Nicolas Ducimetière

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 07 Février 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Les Routes de la traduction. Babel à Genève, Coédition Gallimard/Fondation, novembre 2017, 336 pages, 39 € . Ecrivain(s): Barbara Cassin, Nicolas Ducimetière Edition: Gallimard

 

Bibliophile zurichois, Martin Bodmer (1899-1971) avait réuni une extraordinaire collection, très étendue dans le temps et dans l’espace (contrairement à d’autres bibliophiles qui se spécialisent dans une seule langue et une période précise – par exemple, le livre à estampes du XVIIIe siècle français). Cela ne signifie pas que l’ancien vice-président de la Croix-Rouge internationale fut un brouillon touche-à-tout. Il s’était proposé de réunir les témoignages les plus marquants du génie humain en matière littéraire, articulés selon cinq domaines, cinq « phares » : la Bible, Homère, Dante, Shakespeare et Goethe. Leur étude approfondie suffit déjà à remplir une vie ; à plus forte raison si on se met à en rassembler les multiples éditions et traductions (qui pourrait se flatter de posséder un exemplaire de chaque Bible jamais imprimée ?). Les traductions occupent une place de choix dans le projet de Martin Bodmer (la Bible étant elle-même un texte plurilingue. L’évangile selon saint Matthieu, que nous possédons en grec, est la traduction d’un original hébreu, perdu pour le moment).

Quatre lettres d’amour, Niall Williams

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 06 Février 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Héloïse D'Ormesson

Quatre lettres d’amour, janvier 2018, trad. anglais (Irlande) Josée Kamoun, 395 pages, 20 € . Ecrivain(s): Niall Williams Edition: Héloïse D'Ormesson

 

Dans ce roman, qui fut le premier pour l’auteur de théâtre Niall Williams, l’écriture est remarquable, un très beau travail de création littéraire, très inventif, très poétique, les mots sont comme une pâte à pétrir chaude sous la plume de l’auteur et la traduction le rend sans doute admirablement bien, mais aurait-on perdu quelque chose dans ce passage entre les deux langues ? Car il y a tellement d’évanescence dans ce roman malgré une intense dramaturgie, comme un paysage de brumes permanentes qui entourerait les personnages et leur vie. Cela aurait-il à voir avec une particularité du climat irlandais ou bien l’auteur nous aurait-il à notre insu fait pénétrer dans une sorte de grand tableau mouvant et évoluant ? C’est difficile à expliquer en tout cas. Le lecteur lit, imagine, mais il y a comme une distance avec le ressenti. Il y a une profusion de détails pourtant, la mécanique des personnages est précise, il y a oui quelque chose de l’horlogerie, la grande horlogerie divine, et d’ailleurs le questionnement sur la place du hasard ou de Dieu dans la destinée des uns et des autres est au centre de la narration qui prend ainsi une évidente dimension métaphysique.