Dans un langage simple, direct, un langage parlé avec des tournures qui peuvent parfois dérouter le lecteur, mais parsemée de fulgurances poétiques, Sybille Claude dans ce premier et court roman laisse entrevoir la naissance d’un écrivain qui va compter. Cette île on le sait est ô combien riche de poètes, d’écrivains, dont les désormais célèbres sont majoritairement masculins. Pourtant il y a bien des voix de femmes aussi dans la littérature haïtienne, aussi saluons cette plume nouvelle qui est celle d’une toute jeune femme, tout comme le personnage central et narrateur du roman.
Après l’assassinat du père adoré, poète, intellectuel et militant politique, un accident cardiovasculaire cloue la mère inconsolable de Sarah Aurore Barreau dans un fauteuil et toute leur vie avec, qui dégringole au plus bas. Un grand frère, adoré lui aussi, a tenté le tout pour le tout en s’embarquant clandestinement sur une de ces embarcations lancées en vain vers une hypothétique Amérique. « L’eau a eu raison de la ténacité de mon frère ». Sarah Aurore Barreau s’est retrouvée seule avec une mère qui ne la regarde plus et dont elle doit cependant s’occuper à Lanfèpam, nom dans lequel on ne peut qu’entendre le mot « enfer », quartier de tôles et de mouches, d’eaux puantes où « le soleil te cherche et te trouve à l’intérieur de ces trous crasseux » et « où il n’y a pas d’espace entre deux taudis lézardés pour insérer même une plante ».