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Les Livres

Tu écris des poèmes, Murièle Modély

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 04 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

Tu écris des poèmes, novembre 2017, 95 pages, 12 € . Ecrivain(s): Murièle Modély Edition: Editions du Cygne

« Tu écris des poèmes », écrit l’auteur, s’adressant à elle-même en usant de ce tu, ce tu qui résonne comme une affirmation ou une accusation, une violence ; aussi bien un silence épais qui vient boucher la sortie des mots qu’un débordement de mots pour recouvrir le silence. Le volcan revient souvent dans l’écriture de Murièle Modély, on pense bien sûr à l’ile de la Réunion, un volcan peut-être « vibrant et lumineux comme le mot racine/dissimulé dans ta première dent de lait ». Volcan métaphore aussi de ce qui couve dans les entrailles, sous la croûte du quotidien, ce qui brûle et déborde par la moindre fissure, tantôt montagne solide, muette et impassible, tantôt menace d’explosion quand le solide pris de fièvre intense se fait liquide, salive, sueur, sperme, cyprine, alors tout tremble et les mots dévalent « dans tous les sens/à bride abattue/jusqu’à respirer sur la table/l’odeur de langue coupée ».

Le poème sourd de l’intérieur, il vient dire quand dire est trop difficile, voire impossible. « Tu écris des poèmes/lorsque tu sens le réel se dérober/dès l’instant où personne ne te comprend/et vice et versa où tu ne comprends personne ». Alors le poème jaillit du cratère, du gouffre : « comme le poème, tu as un trou au milieu de la phrase ». Chez Murièle Modély, les poèmes suintent de ce trou, forment le corps du poète. « Tes poèmes sont n’importe quelle partie de ton corps/n’importe laquelle (…) sauf la tête ».

Chère Brigande, Lettre à Marion Du Faouët, Michèle Lesbre

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 01 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Sabine Wespieser

Chère Brigande, Lettre à Marion Du Faouët, février 2017, 77 pages, 12 € . Ecrivain(s): Michèle Lesbre Edition: Sabine Wespieser

Parfois, des êtres croisent notre chemin non par hasard mais par une sorte d’évidence qui transforme notre vie.

Au retour « d’un long voyage », la narratrice rencontre une femme : « Cette femme, je l’avais aperçue lors d’une soirée à Paris… une femme aux cheveux d’un roux flamboyant, assise sur un canapé, seule aussi perdue que moi dans le bruit et la fumée ». Un jour, cette femme va disparaître de la vie de la narratrice. Mais elle va éveiller en elle un souvenir, celle d’une autre femme, celle qu’elle appellera dans ce nouveau roman « sa chère brigande ».

Pour ceux qui suivent l’œuvre de Michèle Lesbre, ils connaissent déjà cette brigande puisqu’elle est longuement évoquée dans un autre de ses romans, Le Canapé rouge, publié en 1997. « Marion du Faouët, la petite effrontée et son armée de brigands… Une meneuse d’hommes, une vengeresse de la Bretagne affamée des années 1740. Illettrée, aux bonnes manières, elle préférait rejoindre en cachette les marins irlandais et trinquer avec eux sur le port. Enfant, elle suivait sa mère dans les foires pour vendre lacets et rubans. Plus tard, Marion l’avait engagée dans sa troupe ainsi que son frère Corentin et bientôt son amoureux, Henri, son « seigneur malheureux », qui en se faisant prendre avait entraîné sa chute.

Alma, J-M G. Le Clézio

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 30 Novembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Alma, octobre 2017, 343 pages, 21 € . Ecrivain(s): J-M G. Le Clézio Edition: Gallimard

 

Alma s’inscrit dans le droit fil de la plupart des romans de J-M G. Le Clézio, dans leur thématique obsédante, celle du voyage, de la quête, de la trace perdue de ce qu’il faut retrouver. Lire Alma, c’est se replonger dans cette atmosphère à la fois intime et étrangement décalée au sein de l’espace-temps du Chercheur d’or ou plus particulièrement du Voyage à Rodrigues, longue pérégrination solitaire sur les pas effacés/reconstitués du grand-père de l’auteur, ce grand-père lui-même chercheur solitaire sur les chemins secrètement parcourus par les pirates de l’Océan Indien dont la légende veut qu’ils aient enterré leur fabuleux butin dans cette petite île des Mascareignes perdue dans l’océan.

Alma, c’est cette autre île des Mascareignes, Maurice, pays où ont migré au XXVIIe siècle, où ont vécu, où ont procréé les ancêtres de J-M G. Le Clézio, où résident toujours bon nombre de leurs descendants, d’où sont repartis, au fil des générations, d’autres membres de la lignée, les uns vers d’autres horizons, les autres pour un retour en France, terre des origines.

Le Goût des jeunes filles, Dany Laferrière

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Jeudi, 30 Novembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

Le Goût des jeunes filles, octobre 2017, 384 pages, 9,95 € . Ecrivain(s): Dany Laferrière Edition: Zulma

 

Dany Laferrière nous a habitués à ses titres provocateurs et dès son premier roman, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, l’insolence, l’humour et l’ironie amère étaient au rendez-vous, des traits que l’on retrouve chez nombre d’auteurs haïtiens, un peu comme pour souligner la nécessité de prendre la vie dans sa « générosité » avec une insouciance et un réel appétit de vivre, qui tient sans doute à la lucidité de ce peuple soumis régulièrement à des épreuves et des traumatismes et à leur force de vie aussi. Dans Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, avec une intrigue centrée sur la drague, Dany Laferrière mettait en scène l’abstinence sexuelle de Bouba, colocataire du narrateur qui cite le Coran à tout bout de champ pour s’interdire de faire l’amour (« Allah est grand et Freud est son prophète »). Ce texte irrésistiblement drôle cache comme toujours chez Laferrière un discours beaucoup plus politique sur la négritude, et est délibérément basé sur les rapports exogènes entre noirs et blanches et celui des classes et des races ; il était le pendant de celui-ci.

Carson McCullers, Un cœur de jeune fille, Josyane Savigneau

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Novembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Le Livre de Poche

Carson McCullers, Un cœur de jeune fille, 500 p. 8,10 € . Ecrivain(s): Josyane Savigneau Edition: Le Livre de Poche

 

Carson McCullers fait assurément partie des écrivains dont on ne peut parler sans passion. Cette grande gigue sudiste, aux allures de garçon, aux romans abyssaux, aux personnages improbables, ne peut pas laisser indifférents les heureux lecteurs de son œuvre. La passion est la première qualité qui anime Josyane Savigneau dans cette biographie. Passion pour une grande auteure mais – et c’est indissociable chez Carson – pour une femme peu commune.

Le portrait qui se dessine au long de cette biographie est celui d’une écrivaine qui marqua son temps, à la fois par son œuvre audacieuse et transgressive et par le personnage – non moins audacieux et transgressif – qu’elle imposa dans les cercles littéraires américains, dans sa famille, dans sa vie. Dès 23 ans, la jeune sudiste entame tambour battant une carrière littéraire reconnue par tous dès le début. Le Cœur est un Chasseur solitaire (The Heart is a Lonely Hunter. 1940), roman choral aux personnages improbables, paumés de la vie, connaît un succès immédiat. Et, malgré quelques hauts et bas, ce succès ne se démentira jamais vraiment, ni auprès du public, ni auprès de ses confrères et consœurs en littérature.