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Les Livres

Le Grand Cercle, Conrad Aiken (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Le Grand Cercle, Editions La Barque, octobre 2017, trad. américain Joëlle Naïm, 316 pages, 26 € . Ecrivain(s): Conrad Aiken

 

Le vertige qui saisit le lecteur de ce roman, peu à peu, page à page, goutte à goutte n’est pas seulement littéraire. Il est aussi… topologique : cette histoire se construit comme déroulée sur une bande de Moebius – vous savez cette bande qui se retourne, où l’extérieur devient l’intérieur puis redevient l’extérieur mais dans un circuit clos – cette bande rendue célèbre par Jacques Lacan qui y voyait une figuration symbolique de l’inconscient. C’est probablement ce que Aiken a voulu dire dans son titre, Le Grand Cercle (The Great Circle), sauf que ce n’est pas tout à fait un cercle parce qu’il se retourne sur lui-même.

D’emblée, le nom de Jacques Lacan est venu. On pourrait évidemment y associer celui de Sigmund Freud, parfait contemporain de ce roman publié en 1933. La boucle constituée par ce livre est une métaphore appliquée de l’inconscient. Le héros, Andy (Andrew Cather), y traverse une vie balisée par ses figures du Destin, sur les sentes d’événements dont le retentissement symbolique noue son monde réel. On pense alors à Baudelaire : « La Nature est un temple où de vivants piliers/ Laissent parfois sortir de confuses paroles/ L’homme y passe à travers des forêts de symboles/ Qui l’observent avec des regards familiers ».

Par-delà les glaces, Gunilla Linn Persson

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 21 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Les Escales

Par-delà les glaces, novembre 2017, trad. suédois Martine Desbureaux, 314 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Gunilla Linn Persson Edition: Les Escales

 

Envisagés au strict et exclusif point de vue numérique, et avec la sûreté du coup d’œil rétrospectif, sept morts, le 14 février 1914, ce n’est pas un chiffre considérable, surtout si l’on pense aux forces qui, au même moment, s’éveillaient lentement dans l’ombre, comme un chat étirerait ses griffes ; forces qui feront bientôt en Europe des dizaines de milliers de morts chaque jour. Mais, pour une petite île faiblement peuplée, perdue au large de la Suède, sept morts font un bilan énorme, surtout quand il s’agit d’une partie de l’avenir de l’île, d’enfants et d’adolescents partis faire la fête dans l’île voisine et qui choisirent de rentrer chez eux en passant par la mer gelée. Malheureusement, c’est aussi le moment que choisit, pour se déchaîner, la pire tempête de neige qu’on ait vue d’insulaire mémoire. Aucun des sept jeunes gens n’en réchappera et tous seront retrouvés morts de froid ou de fatigue. Dans ce petit monde isolé, où tout le monde se connaît, où tout le monde se déteste, où chacun a un vieux litige en cours avec tout le monde, la famille de l’adolescent qui menait ses camarades et avait eu l’idée insensée de vouloir rentrer en pleine nuit (il fut retrouvé mort, tenant dans sa main gelée une boussole dont il n’avait pas su se servir), cette famille fut désignée à la vindicte générale. Et, dans ce type de communauté, les haines sont tenaces.

Le jour où Beatriz Yagoda s’assit dans un arbre, Idra Novey

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 20 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Les Escales

Le jour où Beatriz Yagoda s’assit dans un arbre, octobre 2017, trad. anglais (USA) Caroline Bouet, 272 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Idra Novey Edition: Les Escales

 

Que l’auteur soit américaine et traductrice du Portugais, spécialiste de l’œuvre d’une romancière brésilienne, n’a sans doute pas rien à voir avec cette histoire de traductrice américaine qui vole au secours de son auteur brésilienne, Beatriz Yagoda, soudainement disparue.

Idra Novey nous fait entrer dans la peau de cette traductrice qui elle-même, au bout de toutes ces années à traduire sa romancière carioca, ne sait plus trop dans quelle peau elle vit. Rajoutons à cela les enfants de la romancière, un peu égarés eux aussi dans son sillage de mystère, dont le très beau Marcus qui a les mêmes yeux vert électrique que sa mère.

Laissant derrière elle chats, pavillon, future belle-mère et futur mari adepte de la course chronométrée, Emma prend le premier avion pour le Brésil où elle s’est déjà rendue de nombreuses fois dans le cadre de son travail. Sitôt débarquée, la traductrice montre tous les symptômes de cette douce maladie, que connaissent bien tous les amoureux du Brésil, ce virus brasiliensis dont on ne peut plus jamais se défaire.

Ecrit dans le noir, Essais sur la littérature, Michel Schneider

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mardi, 19 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Buchet-Chastel

Ecrit dans le noir, Essais sur la littérature, septembre 2017, 348 pages, 22 € . Ecrivain(s): Michel Schneider Edition: Buchet-Chastel

 

Lire Michel Schneider c’est d’emblée entrer dans les arcanes du langage et la réflexion sur la littérature et les écrivains. Depuis Voleur de mots qui m’avait déjà subjuguée, il y a une vingtaine d’années, c’est toujours avec délectation que j’approche un nouveau livre de Schneider. Mêlant littérature et psychanalyse, chacun de ses essais est une plongée au cœur de la chose littéraire, ses affres et ses tourments, à lui comme à tant d’écrivains qu’il convoque dans ces essais et ailleurs.

Ecrit dans le noir s’ouvre sur une dédicace à Jean Starobinsky et se clôt sur un essai dédié à celui qu’il admire et qui, dit-il, lui a appris à apprendre. Vibrant hommage pour signifier la redevance et l’amitié. L’ouvrage compte treize essais tous passionnants, consacrés plus ou moins, ensemble et en particulier à Henry James, F. Kafka, Elias Canetti, Musil, Flaubert, Baudelaire, Melville, Colette, Platon, Malraux, Châteaubriant, V. Hugo et Starobinsky.

Goat Mountain, David Vann

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 19 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Goat Mountain, octobre 2017, trad. américain Laura Derajinski, 224 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): David Vann Edition: Gallmeister

 

Près de quarante ans après les faits, David Vann, né en 1966, relate dans ce roman des faits terrifiants. L’adolescent de onze ans, narrateur, raconte son entrée dans le monde des chasseurs, automne 1978, en Californie.

David Vann nous plonge dans une littérature de filiation et d’initiation : comment un grand-père et un père très sévères « éduquent » ce jeune de 11 ans et l’initient à la chasse et aux armes dans des montagnes désolées… Les enfants des années 50/60 ont eu des pères autoritaires mais à ce point, c’est à se flinguer ! Bien sûr, ils n’étaient pas Américains (et l’on sait ce que les armes…) ni Indiens cherokee… Le livre est dédié à « mon grand-père cherokee Roy Ivory Vann, 1904-1991, qui chassait chaque année dans Goat Mountain, et à tous ses ancêtres, dont les chefs David Vann, James Vann et Joseph Vann » (p.7).