La Solitude des étoiles, Martine Rouhart
La Solitude des étoiles, Editions Murmure des soirs, octobre 2017, 219 pages, 19 €
Ecrivain(s): Martine Rouhart
La première chose qui vient à l’esprit en lisant ce roman, ce n’est pas ce qu’il raconte mais le ton très « humain » qui ramène au quotidien, à la réflexion sur soi, sur autrui : « Je me demande comment j’ai pu fabriquer une fille pareille, plus fermée qu’une huître. Pas facile d’élever un enfant, d’en faire quelqu’un qui sera heureux ».
Tout en racontant ses personnages, il y a parallèlement, chez la romancière, une sorte de permanent discours intérieur qui est davantage de la réflexion que de l’introspection, une sorte de réflexion intérieure qui traverse le quotidien en effleurant la philosophie globale : « lorsqu’on est au fond du trou, il est difficile d’en sortir si l’on n’a pas de véritable raison de le faire ».
La solitude des êtres confrontée à celle des étoiles très éloignées entre elles motive le choix personnel : « Je me demande ce qui nous empêche de rester nous-mêmes, on se sentirait déjà moins seul ».
La narratrice du début, seule dans sa tête, habite proche d’un zoo décrit et ressenti comme « concentrationnaire ». La proximité de cette image forte d’enfermement suscite, habilement, et aussi chez le lecteur, l’idée même d’évasion, d’échappatoire. L’alchimie des mots est prête pour faire sauter tous les verrous.
L’exil à la campagne sera salutaire. La façon de décrire la nature m’a fait penser à L’église verte d’Hervé Bazin. Martine est une poète du roman philosophique. Les mots sautillent dans sa vivacité comme un coulis de langage. Sa progression dans l’idée maîtresse du livre est elle-même une promenade et l’auteur reflète ce « zen » en mouvement à observer le moindre détail comme un pépiement.
Le roman, entrecoupé de philosophie à consonance astronomique, replace notre vie, dans le jeu universel global, à la bonne place.
Il y a ainsi une sorte d’autorité à dénoncer subtilement la petitesse de nos actes vécus ou manqués.
Le court-circuit d’un inconnu qui frappe à la porte pour une raison inconnue contribue à l’électricité globale du récit, à la fois dans les sentiments et dans les échanges dimensionnels de cet auteur qui n’en est pas à son coup d’essai littéraire et sait donner de l’étrangeté aux circonstances d’un roman réglé, en style, comme du papier à musique. Le surgissement de cet inconnu improbable de façon sans gêne déclenche une intrigue démultipliée en même temps que la réflexion de l’auteur s’universalise : « On n’a jamais fini de devenir ce que l’on est ». De bout en bout, la mystérieuse rencontre est menée avec brio, l’intrigue s’amplifiant, notamment à travers les attitudes finement décantées.
La question générale des relations humaines est enclenchée. Et toute la question des apparences également. Parfois avec un certain humour.
Le préjugé aura-t-il raison de tout ?
Le style est théâtral, mais davantage avec des clignements de paupières que de claquements de portes qui, elles, s’ouvrent plutôt : « Certaines attitudes en disent long et il est des silences et non-dits plus parlants que les mots ». Les acteurs sont estimés à partir d’angles parfois extérieurs jusqu’à ce que, au moment voulu, l’intrigue de leur mouvement s’affirme dans le schéma prévu par l’auteur.
Une série d’entrefilets, reprenant l’une ou l’autre référence cosmologique, oriente le rapprochement des étoiles ou planètes en fonction des personnages dans le récit.
Il y aurait beaucoup à dire sur le non-dit, la solitude, le dialogue, le mystère de l’auteur étant entretenu, dans son histoire, à travers le treillis d’un style précis laissant échapper des soupçons de vérité.
Les questions taraudent. Les réponses ne fusent point. Tout en retenue d’une évolution personnelle très lente, les protagonistes dévoilent peu à peu l’éclatante lumière d’une étoile commune à retrouver parmi d’autres. Même si, entre les étoiles, il faut voyager dans le vide jusqu’à l’ultime rebondissement.
Patrick Devaux
- Vu : 2069