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La Revenue, Donatella di Pietrantonio

Ecrit par Philippe Leuckx 04.04.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Roman, Seuil

La Revenue, janvier 2018, trad. italien Nathalie Bauer, 240 pages, 20 €

Ecrivain(s): Donatella di Pietrantonio Edition: Seuil

La Revenue, Donatella di Pietrantonio

 

La romancière de Mia madre è un fiume(2011) a placé son troisième roman, paru en Italie en 2017 sous le titre L’Arminuta(Einaudi), sous la bannière épigraphique de la grande Morante. La mémoire, en effet, celle des étés perdus, court dans ce roman qui trouve chœur et résonnance dans les Abruzzes natales de l’auteur. L’argument est tout simple : une adolescente de treize ans, placée en famille d’accueil, « revient » dans le nid familial, au village. « La revenue », entre deux familles, deux mères, deux pères, se met à apprivoiser doucement ce milieu nouveau, ce réseau familial dont elle a été retirée, découvre ses frères, Vincenzo, Sergio, Giuseppe (attardé), sa sœur Adriana. La plongée est radicale pourtant : d’une famille (d’emprunt) à l’autre, le fossé est large, tant à propos des usages qu’à celui de la culture. La pauvreté a ici valeur ancrée, et elle vient d’une « mère » des villes, soignée, délicate. Elle réapprend la mesquinerie, l’étroitesse des vies, les bouts de vie raccommodée. Adalgisa, la mère qui a élevé l’enfant, poursuit, même de loin, l’aide qu’elle a toujours accordée à cette petite parente, accueillie pour de bonnes raisons. Fratrie trop grande, misère du village… et d’autres motivations que la chute du roman éclairera.

Avec un grand réalisme, qui doit bien sûr au regard néoréaliste tant de pages chères de Cassola, Arpino, Pavese, Brancati, Vittorini et Morante, la romancière restitue ces vies comme mises entre parenthèses, celles que le délaissement, le manque, l’avanie condamnent à n’être qu’étroites, murées et désolantes. On sent avec le cœur d’une adolescente, « revenue » de tout, de son confort, d’une éducation, de la ville pour rejoindre une fratrie, parfois bien amère. Heureusement, à côté d’un frère méchant et lourd, il y a, effet positif de la balance, une sœur attentionnée, un aîné protecteur et bienveillant. Les deux, Adriana et Vincenzo, font tout pour accueillir au mieux cette adolescente trop polie, trop bien éduquée, trop loin d’eux. La revenue a aussi une amie de toujours, Patrizia, à qui elle épanche tous ses déboires.

Le roman de Di Pietrantonio, pour être un révélateur de société, comme on le dit d’une photographie, va loin dans l’ethnographie de certains comportements et usages de sociétés très éloignées les unes des autres, à force de culture, tradition, langage. On en sort à la fois éclairé et peiné, de voir qu’ici comme ailleurs pèse le lourd tribut atavique ; on est redevable très loin, très intimement de l’ancrage familial et Di Pietrantonio n’a pas gommé l’aspect zolien de ce roman, bien écrit, portant haut les couleurs de filles et de femmes gainées de contraintes et soufflant fort un certain vent de révolte. Revenir, c’est aussi découvrir une part de soi négligée, ou ardente.

 

Philippe Leuckx

 


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A propos de l'écrivain

Donatella di Pietrantonio

 

Donatella Di Pietrantonio, née dans un petit village des Abruzzes, en 1963, est l’auteur de trois livres :Mia madre è un fiume(211), Bella mia (2014) et L’Arminuta(2017). Ce dernier roman (trad. La Revenue) a été récompensé du Super Campiello 2017.

 

A propos du rédacteur

Philippe Leuckx

 

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Philippe Leuckx est un écrivain et critique belge né à Havay (Hainaut) le 22 décembre 1955.

 

Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature française, italienne, portugaise, japonaise

Genres : romans, poésie, essai

Editeurs : La Table Ronde, Gallimard, Actes sud, Albin Michel, Seuil, Cherche midi, ...