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Les Livres

Serena, Ron Rash

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Le Livre de Poche

. Ecrivain(s): Ron Rash Edition: Le Livre de Poche

 

Se faire une place dans la littérature du Sud aux Etats-Unis relève de l’exploit depuis le passage époustouflant de William Faulkner dans le Delta. Peu y sont parvenus. Serena est la preuve que Ron Rash compte parmi ceux-là, au plus haut niveau.

Ce roman est d’une puissance, d’une violence, d’une grandeur de tous les instants. Le portrait de Serena Pemberton entre dans les plus grandes figures de femmes de la littérature. Si le cynisme de Scarlett O’Hara – emblème s’il en est des femmes du Sud – était déjà marquant, celui de Serena repousse toutes les limites de l’ambition personnelle jusqu’aux terres de la folie, jusqu’aux meurtres en série.

La violence de ce roman n’attend guère pour nous saisir. Elle déferle sur nous dès la 9ème page. A l’arrivée de Pemberton en gare de Waynesville (Caroline du Nord), accompagné de sa toute nouvelle épouse, Serena, connue depuis peu à Boston, une altercation tourne au drame. Harmon, un vieil homme qui veut défendre l’honneur de sa fille engrossée par Pemberton, est poignardé en public sur le quai de la gare.

Sans lendemain, Jake Hinkson

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 15 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Sans lendemain, février 2018, trad. De l’américain par Sophie Aslanides, 222 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Jake Hinkson Edition: Gallmeister

Á la fin des années 1940, à bord d’une station wagon Mercury bourrée de boites de films, Billie Dixon parcourt le Midwest. Elle (puisque Billie est une jeune femme, même si elle porte le pantalon) est chargée par la PRC, l’une des maisons de production de la Poverty Row, de la distribution de films série B, dans les villages les plus reculés. Un jour elle s’enfonce dans les Ozarks, à la limite du Midwest et de l’Arkansas et débarque à Stock’s Settlement. Là, trône, avec sa façade Beaux Arts marron, le cinéma Eureka. Claude Jeter dit Claude, le propriétaire de la salle, serait prêt à projeter les films de Billie si le pasteur Obadiah Henshaw maître de l’Église baptiste du tabernacle rachetée par le sang ne veillait, ô combien, à la pureté des âmes de ses ouailles ! Sa vision fanatique de la religion et de ses pratiques s’oppose à tout ce qui se rattache à la perverse Hollywood ! Les arguments de Billie resteront lettres mortes face à l’intolérance de l’exalté frère Henshaw. Mais, notre démarcheuse, peut-être, plus sensible aux plaisirs de la chair que son interlocuteur a remarqué chez Amberly, l’épouse de l’ecclésiastique, que les liaisons gomorrhéennes (comme l’eût dit Proust) ne semblent pas effaroucher, des charmes qui font naître de douces pensées et de délicieux vertiges. C’est l’équation de départ de ce livre. Un beau thriller, dont l’éclatante noirceur nous mène insidieusement dans un style classique et précis sur les rives de l’inconscient où (le sait-elle ?) la pauvre Billie va échouer avant qu’on ne la conduise devant la justice des hommes, au tribunal.

Esquisse de la Kabbale chrétienne, texte traduit, présenté et annoté par Jérôme Rousse-Lacordaire

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 15 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Les Belles Lettres

Esquisse de la Kabbale chrétienne, texte traduit, présenté et annoté par Jérôme Rousse-Lacordaire, janvier 2018, 266 pages, 35 € Edition: Les Belles Lettres

 

La Kabbale est une construction intellectuelle extrêmement subtile et complexe, élaborée sur près de deux millénaires, mais qui ne fut formalisée qu’à partir du XIIIe siècle. Les maîtres kabbalistes chassés de la péninsule ibérique en 1492 s’établirent à Safed – une des plus belles villes israéliennes – où ils développèrent leur pensée. Ce moment coïncide avec la période féconde et brouillonne que fut la Renaissance européenne, au cours de laquelle des esprits ouverts et inquiets, comme Pic de la Mirandole ou Reuchlin (l’anti-Luther) éprouvèrent de l’attrait pour cette vision ésotérique du monde et de la création. Leurs études les conduisirent à dégager une interface entre judaïsme et christianisme, un terrain d’entente. Pour la première fois depuis très longtemps, on était attentif à ce qui réunissait les Juifs et les chrétiens, non à ce qui les distinguait. Ce mouvement de la Kabbale chrétienne, magistralement étudié par François Secret, allait se prolonger très avant dans le XVIIe siècle, surtout dans le monde anglo-saxon et germanique.

Double fond, Elsa Osorio

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 14 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Métailié

Double fond, janvier 2018, trad. espagnol Argentine, François Gaudry, 400 pages, 21 € . Ecrivain(s): Elsa Osorio Edition: Métailié

 

« L’ananké. L’impossibilité d’échapper au destin ».

Nous sommes en 2004, sur la côte bretonne à La Turballe, proche de Saint-Nazaire, un pêcheur a retrouvé le corps d’une femme noyée. On découvre qu’il s’agit de Marie Le Boullec, un médecin apprécié, épouse d’Yves le Boullec, un photographe décédé quelque temps auparavant et issu d’une famille de notables locaux connue et respectée. La thèse du suicide semble la plus évidente et sans doute la plus arrangeante aussi pour cette famille sans histoire qui n’apprécie pas qu’on parle d’elle, si ce n’est pour en faire l’éloge, mais cette thèse ne satisfait pas Muriel, la jeune journaliste chargée d’écrire des articles sur la « femme de La Turballe » dans le journal local, depuis qu’elle a eu une conversation avec le commissaire Fouquet. Outre que le but d’un journal est forcément de capter et conserver l’attention des lecteurs, Muriel a un goût pour l’investigation et la vérité et Fouquet en lui révélant les origines argentines de la noyée, a aussi évoqué des assassinats jamais élucidés pendant la dictature, il la met sur une piste que lui-même, proche de la retraite, ne va pourtant pas creuser. Elle va donc mener sa propre enquête, même si elle ne pourra révéler publiquement toutes ses découvertes et encore moins quand l’affaire sera déclarée classée.

Retour à Séfarad, Pierre Assouline

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 14 Mars 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Gallimard

Retour à Séfarad, janvier 2018, 426 pages, 22 € . Ecrivain(s): Pierre Assouline Edition: Gallimard

 

Retour à Séfarad met en scène un candidat, juif séfarade, à l’obtention du passeport espagnol, démarche rendue possible par une déclaration du roi d’Espagne Sa Majesté Felipe VI qui affirme dans un discours prononcé en 2015 en guise de conclusion : « Comme Vous nous avez manqué ! ». Hommage rendu à la participation des séfarades à la vie espagnole, à la transmission à leurs enfants de l’amour de cette patrie espagnole, ce discours interpelle Pierre Assouline, qui prend au mot le discours du roi. Il sera candidat au passeport, à la nationalité espagnole. Seulement voilà : cinq siècles ont passé depuis l’expulsion de 1492, et bien des changements ont eu lieu. Pour Pierre Assouline, les tentatives de retrouvailles de la maison familiale, du cimetière, de l’ancien quartier juif, la juderia, peut-être rasée, sont vouées à l’échec ; il lui suffit de « savoir que notre mémoire précède notre naissance. De mon expédition dans ce passé-là où je suis parti retrouver des paroles, des voix, un souffle gelés dans l’hiver des livres, je n’espère pas rapporter des vérités mais tout au plus des effets de vérité. Non des preuves mais des traces puisque, comme le dit René Char je crois, seules les traces font rêver ».