Identification

Les Livres

Ici suivi de Éloge du vent, Max Alhau

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 17 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions La Porte

Ici suivi de Éloge du vent, 2017 . Ecrivain(s): Max Alhau Edition: Editions La Porte

 

Se tenant face au vent, à sa douce immensité (souvent)en caresse, Max Alhau est à « l’écoute de ces paroles qui furent [s]iennes et qui ne sont plus qu’un écho à travers le temps ». Il a fait choix de « prendre la terre telle qu’elle se donne », et de regarder « au plus épais des forêts quelles étoiles les éclairent ». Marchant, marchant, marchant, il cherche à être entraîné « au plus loin d’une vie sans frontière ».

Au plus loin ? Ici.

Ce qui est une manière belle de cheminer au-dedans de soi.

Dans une douceur tremblée qui ne renie rien de la profondeur du noir de fumée, Max Alhau dit la beauté qu’il y a à être là, comme un chuchotis, face aux sources, aux arbres, aux fontaines, à être là pour – déjà – disparaître, pour être – sans nulle douleur – ce frisson de source sur de la mousse, dans une forêt enchantée prenant le temps de venir saluer, de sa main peuplée d’oiseaux et de papillons de nuit (plus particulièrement le Manteau à tête jaune et la Phalène rustique), le mouvant des nuages.

A l’école en Algérie des années 1930 à l’Indépendance, Martine Mathieu-Job

Ecrit par Dominique Ranaivoson , le Lundi, 16 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Histoire

A l’école en Algérie Des années 1930 à l’Indépendance, éd. Bleu autour, mars 2018, 368 pages, 25 € . Ecrivain(s): Martine Mathieu-Job

 

Ce livre collectif rassemble 54 témoignages d’anciens élèves passés par les écoles françaises en Algérie avant 1962 et qui vivent et écrivent actuellement en France. Il suit le même principe que les titres précédents de la collection, qui, sous la direction de Leïla Sebbar, rassemblaient des textes sur l’enfance juive (Une enfance juive en Méditerranée musulmane, 2012) puis sur l’enfance pendant la guerre (Une enfance dans la guerre. Algérie 1954-1962, 2016). Une grande partie des contributeurs (33), sous la direction de Martine Mathieu-Job originaire de Blida, sont les mêmes. Hommes et femmes, issus de familles juives, arabes, kabyles, métropolitaines, de colons, scolarisés à Alger, Constantine, Oran, en campagne, sont invités à dérouler la « pelote des souvenirs » (Alain Vircondelet, 317) pour inscrire ensemble la « trace mémorielle » (Noureddine Saadi, 285) de ce temps perdu resté si vivant en eux. Ils évoquent tous leur entrée dans l’institution, la place de l’école dans leur milieu, les éventuels autres lieux éducatifs (école coranique et talmudique, cinéma), leurs autres langues, la pédagogie, les programmes, les jeux. Ils égrènent les noms des rues, des écoles, des enseignants, des camarades, s’arrêtent sur l’anecdote qui les a marqués.

Chronique d’un meurtre annoncé, David Grann

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Récits, Allia

Chronique d’un meurtre annoncé (A Murder Foretold), trad. américain Damien Aubel, 110 pages, 3,10 € . Ecrivain(s): David Grann Edition: Allia

 

Voilà un livre (presque) minuscule. 110 pages dans un mini-format. Il n’en faut pas plus à David Grann pour nous coller à notre fauteuil. Il nous raconte, par le menu, l’incroyable, l’improbable affaire Rosenberg survenue au Guatemala en 2009. Si vous connaissez l’affaire, rassurez-vous, l’art narratif de David Grann la rend quand même passionnante. Si vous ne la connaissez pas, attendez-vous à sauter en l’air quand les clés de l’intrigue vous seront révélées.

Tout commence par un double assassinat, celui de Khalil Musa, riche industriel guatémaltèque et de sa jolie fille, Marjorie (tuée par « accident » lors du meurtre de son père). Or un célèbre avocat, Rodrigo Rosenberg, ami des Musa, était follement amoureux de Marjorie et comptait l’épouser bientôt. Rosenberg sombre dans une dépression terrible, puis se convainc rapidement de la culpabilité du pouvoir guatémaltèque qui aurait fait abattre Musa pour empêcher des révélations sur des malversations au ministère de l’intérieur.

Vers la beauté, David Foenkinos

, le Jeudi, 12 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Vers la beauté, mars 2018, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): David Foenkinos Edition: Gallimard

 

C’est avec La Délicatesse que David Foenkinos signait son premier grand roman et c’est avec délicatesse justement qu’il nous invite à entrer dans l’univers pourtant tragique de Vers la Beauté.

Camille est une lycéenne un peu particulière, très solitaire et peu encline à partager les activités communément prisées par les adolescentes de son âge. Mais l’on comprend rapidement qu’elle est dotée d’une sensibilité artistique exceptionnelle, qui l’entraîne loin de l’effervescence qui devrait être celle de ses jeunes années. Sa mère, Clara, et son père, plus en retrait, tous deux profondément aimants, l’encouragent dans cette voie, à la fois contemplative et créatrice, puisqu’elle semble être la seule à même de garantir son épanouissement personnel. Et en effet, elle se transforme, se révèle, aussi bien à elle-même qu’à son entourage, à  compter du jour où elle s’initie à la peinture. Et puis survient le drame : deux minutes de violence irréversibles qui font basculer toute sa vie dans la béance de la terreur et du non-dit. Camille s’effondre, se terre dans le silence, s’abîme dans le désir de s’effacer, de disparaître, de ne plus être-au-monde.

Une fille d’Alger, Jean-Michel Devésa

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mercredi, 11 Avril 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Une fille d’Alger, éditions Mollat, mars 2018, 143 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Devésa

 

Comme dans Bordeaux la mémoire des pierres, son précédent et premier roman, Jean-Michel Devésa livre dans Une fille d’Alger– avec la même qualité d’écriture et d’atmosphère – un mélancolique exercice de mémoire.  Hier, c’étaient des vies et des amours en proie au franquisme ; dans ce deuxième roman, ce sont d’autres déchirements tout aussi douloureux, ceux de la fin de l’Algérie française dans laquelle l’auteur est né. Jean-Michel Devésa ne choisit pas – si tant est qu’on soit libre à ce propos – des périodes pour ainsi dire légères. Dans Une fille d’Alger, le romancier semble lui-même très impliqué. Le narrateur nous fait le récit autour de 2015. Il est interne au roman d’une manière particulière – par ses souvenirs d’enfant à Bab El Oued puis d’adulte revenu en Algérie dans les années 80 – double coïncidence avec la biographie de l’auteur. Mais cette voix qui conte n’est nulle part nommée autrement que par « le narrateur » ou « le scripteur ». Il n’est du reste pas le seul qui nous rapporte les faits. Hélène Samia Lapérade, « bâtarde d’une Française et d’un bicot », ladite fille d’Alger sans doute, complète régulièrement ce récit de la fin d’un monde en terre algérienne. Question de cohérence. Si le narrateur-auteur est lui-même présent dans le roman, c’est à Hélène Samia de dire mieux son intimité de prostituée et… d’amoureuse de Raymond Rossi, un parrain du milieu plutôt placide.