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Les Livres

La balade des perdus, Thomas Sandoz

, le Jeudi, 24 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

La balade des perdus, avril 2018, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Thomas Sandoz Edition: Grasset

 

Quatre adolescents handicapés, chaperonnés par une éducatrice quelque peu hystérique, se retrouvent embarqués bien malgré eux dans une aventure rocambolesque, à la recherche de leur Castel, l’institution spécialisée qui les héberge. A travers le regard de Luc, tour à tour sévère et indulgent, le lecteur se familiarise avec cette équipée « boiteuse », et l’accompagne dans un voyage très mouvementé, sur les routes sinueuses des massifs alpins.

La grande originalité de ce roman tient à sa galerie de personnages, pour le moins peu banale dans le paysage romanesque, et à sa manière crue et sans complaisance d’aborder le handicap. Non que le thème de la différence n’ait pas déjà été traité de façon remarquable (pensons seulement aux chefs-d’œuvre que sont Des souris et des hommes et Le Bizarre incident du chien pendant la nuit), mais dans La balade des perdus, Luc, le narrateur, adopte volontairement la posture de l’anti-héros, de l’observateur lucide et objectif de ses propres calamités et de celles de ses camarades d’infortune :

Déchirance, Hans Limon

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 23 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Bateau Ivre

Déchirance, octobre 2017, 22 € . Ecrivain(s): Hans Limon Edition: Le Bateau Ivre

 

« Contre la mort écrire, mourir, décrire, sourire du cri d’écrire. Sodomiser la Faucheuse, lui faire un petit roman dans le dos. Un récit naîtra, frémissant, me survivant. Il me faut du temps. Disloqué loquace » (Au commencement).

Déchirance s’invite en littérature, comme une comète traverse un ciel d’été, un petit corps céleste aux traînées lumineuses constitué de phrases étincelantes et hypnotiques, de souvenirs, de poèmes incendiaires, et dont le noyau en mouvement permanent n’est autre que le corps de l’auteur. Un corps meurtri, bouleversé, changeant, aimant, se transformant, jeune corps heureux et souffrant. Le corps ici fait le roman et Déchirance le consacre. Déchirance est roman monde qui semble avoir été écrit sous les terribles protections de Lautréamont – Cette nuit, j’ai vu la mort, et j’aurais presque pu la toucher– et d’Artaud – Vois-tu, voyant trop allumeur cinglé des vents d’antan, il n’y a que toi qui puisse faire justice à mes turpitudes –, un roman à fleur de peau et qui effleure les nerfs, roman où à chaque page Hans Limon se livre et livre son corps aux flammes romanesques du récit, non pour disparaître, mais pour ressusciter, par la grâce de l’art du roman, par les manières de la matière en fusion qui hantent les pages de Déchirance.

Søren Kierkegaard, Œuvre I et II en la Pléiade

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 22 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Pays nordiques, La Pléiade Gallimard

Søren Kierkegaard, Œuvre I et II, La Pléiade, Gallimard, mai 2018, sous la direction de Jean-Louis Jeannelle et Michel Forget, 62 et 63 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

Redéfinir l’existentialisme

Søren Kierkegaard n’a eu cesse (dans ce qu’on a assimilé à tord à l’existentialisme à la française) à une défense de la foi contre l’église. En particulier la Danoise qu’il tourne en dérision au nom de son conformisme crasse que le père lui infligea avant qu’il ne se révolte. Cette religion de bas étage ne fait que gommer le paradoxe de la foi qui pour ce nouveau Pascal résulte du rapport et de l’incommensurabilité absolue entre la vérité éternelle et l’existence humaine.

Chez le philosophe du XIXème siècle mais dont le propos demeure d’actualité, l’existence impose de comprendre que les choses les plus opposées doivent et peuvent se réunir dans le processus de la naissance à soi-même. Cela demande un « effort » non seulement intellectuel mais de tous les instants dans le métier de vivre et bien loin d’une pure essentialisation. « L’individu, s’il ne devient pas possesseur de la vérité en existant, dans l’existence, ne la possédera jamais », écrit le philosophe. Le paradoxe, c’est donc l’expérience vivante et existentiellement vécue de cette vérité.

Comme résonne la vie, Hélène Dorion

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 22 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Comme résonne la vie, éd. Bruno Doucey, février 2018, 80 pages, 13 € . Ecrivain(s): Hélène Dorion

 

Le dernier recueil d’Hélène Dorion a été publié en France quelques mois seulement avant que ne soit à l’honneur le Québec au 36è Marché de la Poésie.

Les premières pages déjà parues en livret aux éditions du Petit Flou sous le titre également de Tant de fleuves seront relues avec bonheur.

Avant de développer ce qu’annonce l’incipit :

et comme résonne étrangement l’aube

à l’horizon, enfin résonne la vie

la poète, au moyen des groupes verbaux anaphoriques « on voudrait » et, plus loin dans le texte, « on consacre », exprime l’interaction forte entre le rêve et la réalité sous le signe à la fois du désir et de la possession. La douleur puis la renaissance qui souvent lui succède n’empêchent pas le paradoxe que les mots lus et écrits font surgir :

Derrière le Cirque d’hiver, Xavier Person

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 18 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Verticales

Derrière le Cirque d’hiver, mars 2018, 143 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Xavier Person Edition: Verticales

 

Xavier Person a beaucoup écrit sur les autres. Dans son recueil d’articles de 2014, Une limonade pour Kafka, il posait la question : « Sur quoi écrit-on vraiment en écrivant sur le texte d’un autre ? Sur le fait de n’avoir pas écrit soi-même ce qu’on rêvait d’écrire ? ». Mais dès la page 51 se glissait au mode conditionnel l’ébauche d’un projet d’écriture plus personnelle : « (…) Oui, mon livre serait ainsi fait de courts récits insignifiants, minces événements que je ne saurais pas interpréter ».

Ce souhait contribue à définir la soixantaine de récits d’une à six pages qui constituent quatre ans plus tard Derrière le Cirque d’hiver. Xavier Person ne campe plus entre les maisons des autres comme cet homme du premier récit qui « vit dans un mur », mais s’installe dans ses quartiers à lui, au sens géographique (il demeure effectivement derrière le Cirque d’hiver), comme au sens littéraire, seul à seul avec lui-même.