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Les Livres

Kahawa, Donald Westlake (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 02 Septembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Rivages/noir

Kahawa, Donald Westlake, Rivages Noir, juin 2019, trad. anglais (USA) Jean-Patrick Manchette, 640 pages, 10,70 € . Ecrivain(s): Donald Westlake Edition: Rivages/noir

 

L’action de ce roman se déroule en 1977 en Afrique orientale. Il s’agit de détourner un train et sa cargaison de café, principale exportation du pays, d’une valeur de 36 millions de dollars. Ce hold-up est fomenté par un proche, conseiller blanc, d’Idi Amin Dada, le capitaine baron Chase. Ce dernier est associé à des Indo-Pakistanais, anciens habitants et commerçants d’Ouganda chassés par le régime du président sanguinaire, et vivant au Kenya. L’opération sera menée entre autres par deux mercenaires américains, anciens « bérets verts », Lew Brady et Frank Lanigan ainsi qu’Ellen la compagne de Lew.

Cette histoire abracadabrante, qui consiste à faire disparaître au nez et à la barbe de l’armée du président d’Ouganda son train de café, est totalement inventée même si un certain nombre de personnage sont réels, tel l’archevêque Janani Luwum. Elle est néanmoins une formidable illustration de l’état d’esprit qui régnait à cette époque-là dans ce pays et de l’humour de Westlake.

L’Arbre-Monde, Richard Powers (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Lundi, 02 Septembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’Arbre-Monde, Richard Powers, Cherche Midi, septembre 2018, trad. anglais (USA), Serge Chauvin, 550 pages, 22 €

 

Une symphonie à la gloire de l’arbre fondateur. Pour thème, la déforestation et ses méfaits : un sujet fait pour me plaire. J’attaque donc ce livre avec un a priori favorable. De belles heures en perspective.

Eh bien, non, à l’arrivée, je suis flouée.

Au tout début, il y a cependant de grands moments et des idées prometteuses comme celle du jeune châtaignier qui sera photographié chaque année au même endroit, à la même date et sur plusieurs générations, par la famille Hoel. Cet arbre qui deviendra « arbre sentinelle » […], phare unique d’une mer gonflée de grain ».

Alors, l’écriture est fluide et l’on rentre bien dans la première histoire de cette famille d’émigrés Norvégiens. On commence à s’y attacher et voilà qu’il faut s’en extraire pour un autre personnage, un autre contexte, et cela neuf fois de suite. Neuf personnages vont ainsi défiler, chacun associé à une essence d’arbre [1].

Pourquoi pas. Belle idée. Bien que j’aie eu l’impression chaque fois d’une cassure qui m’obligeait à repartir à zéro.

Départ volontaire suivi de Kadoc, Rémi De Vos (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 02 Septembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Départ volontaire suivi de Kadoc, Rémi De Vos, Actes Sud Papiers, mai 2019, 208 pages, 18 €

 

Le travail, la folie

Kadoc pour K.doc

Le genre de l’écriture théâtrale est un domaine plastique qui accueille, au moins depuis Shakespeare, une nomenclature variée de thèmes et de formes. Ici, avec cette commande faite de la Comédie Française à l’auteur dunkerquois, on pourrait ranger ce texte sous l’étiquette de la comédie, mais d’une comédie grinçante et implacable à la manière de cette folie douce qui déborde dans les Chaises de Ionesco là où les personnages sont censés exister, mais ne sont que des émanations de l’esprit morbide d’un couple de curieux marginaux. Ou encore, dans l’absurdité de l’imaginaire de Kōbō Abe qui, dans une de ses pièces met en scène une famille qui envahit le tranquille appartement d’un japonais moyen, et qui prend le pouvoir sur sa vie.

L’éternel printemps, Marc Pautrel (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 30 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

L’éternel printemps, août 2019, 128 pages, 13 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

 

« Nous nous décrivons nos royaumes respectifs, et chacun de ces pays est un délice pour l’autre. Nous nous faisons la cour mutuellement. La conversation française est bel et bien une forme de pratique érotique ».

L’éternel printemps est un roman d’amour et de séduction. Un roman parfait, une vie princière, un voyage humain, l’écrivain possède, comme son éditeur, l’art rare de savoir choisir les noms qu’il donne à ses livres. Comme il possède celui de composer ses romans, et c’est bien de cela dont il s’agit, de composition, comme on le dit pour la musique et la peinture. Marc Pautrel possède cet art d’écrire avec la précision d’un artisan joaillier, chaque geste est pesé, chaque phrase millimétrée, chaque mot choyé. L’éternel printemps est un roman qui mise sur l’amour et la littérature, comme l’on mise sur la vie. L’éternel printemps est le portrait à la plume d’une femme aimée, aimée sur l’instant, pour le timbre de sa voix, cette intonation, cette tessiture, pour ses doigts fins comme des crayons-mines, la grande mèche de cheveux qui lui barre le front, avec ce mouvement réflexe adorable dont je ne me lasse pas, mais aussi pour ses pertes d’équilibre – Je guette ses secondes de folie, les éclairs durant lesquels elle quitte la route et s’envole pour quelques minutes –, et sa conversation, cet art de vivre si Français. L’éternel printemps est un roman de la conversation, de la fréquentation.

La Route de Lafayette, James Kelman (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 30 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié

La Route de Lafayette, janvier 2019, trad. anglais (Ecosse) Céline Schwaller, 384 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): James Kelman Edition: Métailié

Se remettre du deuil en s’activant de voyager n’est-ce pas mieux se souvenir ? Le jeune Murdo prévoit ce départ, accompagné de son père, après la disparition de sa mère et de sa sœur. Tentative de communication entre deux générations différentes et le « retour des absents dans le geste des vivants ».

De cette façon, « il pouvait y avoir une présence. Avant il sentait quelque chose quand par exemple il mangeait une nectarine ».

Traduite, la langue de base (l’anglais) donne, en français, un rythme bien rendu par la traductrice, Céline Schwaller, tant dans l’action que dans une observation soutenue. On vit dans le roman comme dans un film tant c’est scénarisé avec une sorte de perpétuelle réflexion du protagoniste principal :

« …Tu te demandais à qui il appartenait (réflexion à propos d’un accordéon). Quelqu’un de plus tout jeune. Un vieux. Sans doute écossais, ou irlandais, un immigré ; il jouait peut-être dans un groupe ».

La motivation de vivre et de faire autre chose est transcendée par le souvenir d’un décès : « Les gens avaient prié à l’enterrement. Pourquoi ? Pour ne pas mourir ? Oh Seigneur, je t’en prie, fais-moi vivre éternellement ».