N’oublie jamais la saveur de l’aube, Parme Ceriset (par Patrick Devaux)
N’oublie jamais la saveur de l’aube, édition BOD, juin 2019, poèmes-textes, 368 pages, 11,99 €
Ecrivain(s): Parme Ceriset
« Damnée de vie », la poète a défié la mort, l’a côtoyée de près.
Avec force et courage, elle a lutté avec une rage de loup, oiseau fragile mais avec la force d’un aigle.
Les textes passionnés se précipitent d’eux-mêmes dans leur élan suscitant autant de larmes de joie à rappeler l’instant qui suscite le moment, l’évènement.
Il s’agit de ne brusquer ni le souvenir permanent de l’Amour inoubliable, ni cet acquis grandi en soi au sens figuré certes, mais aussi au sens propre, même avec une certaine insouciance perdue.
L’épreuve rend la lutte tangible, la visualise, l’étreint dans chaque mouvement respiratoire dilatant, dans la poitrine, la force de cette présence accompagnatrice qui, à partir d’une vie perdue, a motivé un nouvel élan jumeau sur un corps autre. L’auteur se sent double, accompagnée fraternellement dans sa lutte où le lecteur, sollicité d’émotions, trouve son humaine place.
Parme a le sens de l’éphémère pour servir de marque-page à l’Eternité.
Le livre a, à la fois, quelque chose de la nostalgie d’un passé ressemblant presque à un monde disparu malgré le jeune âge ressenti de l’auteur et, en même temps, force de retrouvailles dans n’importe quel paysage où la moindre vague peut servir à évoquer.
Il y a, bien sûr, et forcément après une épreuve de santé, et d’autant plus que l’auteur a fait partie elle-même du corps médical, cette très belle prise de conscience de l’éphémère, de la fugacité de l’existence. Fidèle a la continuité de son serment, Parme a cette volonté persuasive, voire insistante, de communiquer cette volonté à autrui.
Devenue multiple à plus d’un titre, elle assimile en elle toute une Humanité à partir du moindre regard puisque « les herbes, ce sont des existences volées ».
Ce monde à la fois disparu et retrouvé fait, à juste titre, la part belle au côté positif de l’être, au corps médical extrêmement dévoué, à l’Amour où les nuages laissent rayonner l’être aimé.
Parme sait mieux que quiconque que « la mort vaincra comme l’exigent les lois du monde » mais elle aura (j’aurai) jusqu’à son (mon) dernier souffle embrasé le chaos d’une rage de vivre insolente, d’une éternelle éternité ».
Pour celles et ceux qui ne l’avaient déjà, c’est une foi communicative afin de ne « jamais oublier la saveur de l’aube ».
Le style est d’une pureté absolue entre journal presque quotidien, évocations mémorisées tels de très courts films poétiques où le détail illumine l’évocation d’un « clap » d’images à l’autre.
Son propre corps fait office de metteur en scène. Derrière chaque mot filtre une sorte de lueur tenant du bout des rêves une souriante et pourtant grave réalité. Force d’Humanité transcendée par l’aube éternisée.
A plus d’un titre le livre m’a fait penser à cette autre merveille du genre, Si Dieu nous prête vie, le roman d’Intissar Haddiya, également médecin.
Parme éveille en elle sa propre aube en la partageant : « Chaque grain de lumière est un émerveillement » avec en toile non de fond mais d’écran géant l’Amour : « Je te dévore comme un livre/ Je te lis tu tournes mes pages ».
Retrouvée, l’aube se veut souriante.
D’une expérience personnelle, l’auteur universalise son propos : « Être une rose humaniste/ Ce n’est pas croire au pouvoir des fleurs/…/ C’est croire qu’au-delà des conflits/ On se fout bien des différences ».
L’aube, en effet, se lève chaque matin pour chacun. Pour Parme, elle illumine sa victoire : « Dans mon cœur ténébreux saigne une rose parme/ Je suis née différente et elle a survécu ».
Pour cette sorte de survivance, bien des mots manquent mais les mots vrais, comme au « scrabble », comptent double ou triple avec la Vie pour enjeu.
Oui ! « On peut sauver une vie avec un sourire ». Parme le démontre.
Patrick Devaux
- Vu : 4256