Belle-Amie, Harold Cobert (par Sylvie Ferrando)
Belle-Amie, février 2019, 416 pages, 19,90 €
Ecrivain(s): Harold Cobert Edition: Les Escales
Belle-Amie est la très réussie suite du célèbre roman Bel-Ami, publié par Guy de Maupassant en 1885, et qui relate l’ascension sociale, à Paris, d’un peu scrupuleux aventurier d’origine modeste et normande. La fiction de Maupassant se clôt sur le deuxième mariage de Georges Du Roy de Cantel avec la fille de son patron, M. Walter, directeur du journal La Vie française. Comme dans tous les romans d’apprentissage du XIXe siècle, la réussite sociale va de pair avec les succès amoureux et les rencontres érotiques.
« Il était toujours bien fait de sa personne, blond, d’un blond châtain vaguement roussi, avec sa moustache retroussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, troués d’une pupille toute petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne ».
Mais après l’ascension vient la chute, et Harold Cobert s’emploie à faire tomber dans l’excès d’ambition et de prise de risques le nouveau patron de La Vie française, devenu député puis ministre.
« Tant qu’on monte on regarde le sommet et on se sent heureux ; mais lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente, et la fin qui n’est que la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend » (Guy de Maupassant, Bel-Ami).
Très habilement, Cobert reprend au plus-que-parfait ou au discours indirect libre des pans entiers de la diégèse de Bel-Ami et épouse le style de l’écrivain. Il va même jusqu’à faire apparaître celui-ci comme un personnage de son propre roman, deuxième tome dans lequel l’histoire de la jeunesse de Georges Duroy est dévoilée dans la presse, comme une mise en abyme, un roman dans le roman. L’histoire de Belle-Amie s’adosse aux scandales financiers et aux démissions ou destitutions politiques de la IIIe République, du gouvernement de Jules Grévy à celui de Sadi Carnot. L’affaire des fausses décorations et celle de l’emprunt public pour le financement du canal du Nicaragua occupent alors l’Assemblée et la presse, qui n’est pas exempte d’antisémitisme.
Mais qui est Belle-Amie ? Est-ce Suzanne, la jeune épouse de Georges, impliquée dans le combat pour la défense des femmes ? Est-ce Madeleine, première épouse de Georges, fine rédactrice du journal La Plume, qui, sous le pseudonyme de Marie Dereine, peu à peu met au jour les secrets les mieux gardés ? Est-ce Salomé de Latour, la mystérieuse et ensorceleuse amie de Suzanne, cousine du non moins énigmatique Sigfried ? Le secret, levé à la fin du roman, est une parfaite réussite. De fait, le rôle des femmes se révèle primordial, surtout à la fin de l’ouvrage, où s’accomplit une sorte de vengeance morale.
Sylvie Ferrando
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