Identification

Les Livres

Le Modèle oublié, Pierre Perrin (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 10 Juillet 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Modèle oublié, Pierre Perrin, Robert Laffont, avril 2019, 234 pages, 20 €

Après huit ans de silence romanesque, les éditions Robert Laffont, profitant d’une opportunité, le bicentenaire de la naissance de Courbet, décide de publier Le Modèle oublié de Pierre Perrin. En choisissant ce titre, l’auteur fait un pari risqué : écrire un ouvrage romanesque en détournant le sujet attendu, qui aurait dû être la célébration du peintre, pour mettre à l’honneur un personnage pratiquement effacé des livres d’histoire de l’art et des nombreuses biographies consacrées au peintre. Elle se nomme Virginie Binet. Pierre Perrin va partir en quête des minces traces qu’il pourra saisir de cette femme. Quand les faits seront absents, il l’inventera pour lui offrir une épaisseur, une ampleur, une densité, une dignité méritée car elle a joué un rôle estimable dans la trajectoire de Courbet. Elégante façon de rendre hommage à toutes les « femmes de l’ombre ».

Mais l’auteur n’a pas pour autant évincé le peintre. Il prend toute sa place dans ses mots, son œuvre et sa terre. Cette décision d’approcher cet homme est d’autant plus tentante pour l’auteur qu’il connaît très bien cette région puisqu’il y est né et qu’il l’a lui-même beaucoup arpentée. La visée de Pierre Perrin est de le dévoiler dans toutes ses contradictions, dans son épaisseur humaine, entre lumière et ombre, entre sa vie intime et sa vie sociale, entre sa dévotion à son art et son engagement politique dans un socialisme finalement accessoire.

Un chien sur la route, Pavel Vilikovsky (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 09 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Phébus

Un chien sur la route, mars 2019, trad. slovaque Peter Brabenec, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Pavel Vilikovsky Edition: Phébus

 

Remettre à l’honneur la Slovaquie, sa capitale Bratislava et sa littérature, Livre Paris l’a fait en mars 2019 avec ce roman de Pavel Vilikovsky, à la fois récit d’un exil et de la reconnaissance de son pays et de son identité de Slovaque. En voyage de promotion culturelle de la littérature slovaque après la chute des régimes communistes, dans des pays voisins comme l’Autriche, la Pologne, la Hongrie, l’Allemagne, le narrateur, écrivain slovaque retraité, y cherche des points de convergence et des points de divergence d’avec son peuple. Il remarque que les Slovaques ont tendance à transgresser les règles dans leur pays, mais s’adaptent aisément à la vie en pays étranger. L’Europe demeure un espoir pour lui.

S’il y a un peu du Voyage sentimental à travers la France et l’Italie (1768), écrit et publié à la fin de la vie de l’écrivain irlandais Laurence Sterne, c’est Thomas Bernhard que Vilikovsky prend pour modèle, auteur autrichien internationalement célébré, qui dénigre son pays. Le narrateur est accompagné de Gabo et Dusan, poètes et écrivains slovaques avec lesquels il entretient des conversations littéraires et se livre joyeusement à la boisson.

Sucre noir, Miguel Bonnefoy (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 09 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages poche

Sucre noir, avril 2019, 192 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Miguel Bonnefoy Edition: Rivages poche

 

Mâtiné d’exotisme, d’âpreté et de plongée sociale, le roman du très jeune romancier français, aujourd’hui en résidence d’écriture à la Villa Médicis sur le Pincio romain, éblouit par son sens de la narration, son écriture très soignée et des personnages hauts en couleurs qui donnent chair à l’histoire.

En pays caribéen, la quête d’un trésor, perdu trois siècles plus tôt, celui abandonné par Henry Morgan, anime soudain la vie de Severo Bracamonte et de ses proches.

Dans un village, où étonnamment une vieille dame vient faire office chaque année en poussant une porte qu’elle ouvre et ferme seule, Severo, Serena Otero, sa femme, leur « fille » Eva Fuego fouillent les alentours pour découvrir ce « trésor » tant vanté.

La plantation des Bracamonte fournit le meilleur rhum de la région et elle s’épanouit au fil des années.

Ferme du bois clair, Céline, Danemark, 1948-1951, Pierre Grouix (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 09 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Biographie

Ferme du bois clair, Céline, Danemark, 1948-1951, éditions du Bourg, février 2019, 252 pages, 24 € . Ecrivain(s): Pierre Grouix

 

 

Des pans de la vie de Céline, l’âge danois est, de toute évidence, le moins exploré. « Cette absence de curiosité renvoie à une question : aimons-nous assez Céline ? » demande Pierre Grouix. Son travail sur les trois années que Céline a passées chez son avocat, Thomas Mikkelsen, à Klarskovgaard, en compagnie de Lucette et de son chat, s’apparente davantage à une méditation sur l’intimité d’un écrivain esseulé et épuisé qu’à une biographie au sens strict du terme. Grouix ne tombe pas dans le piège qui guette toute littérature secondaire sur Céline, à savoir de se livrer à une plaidoirie plus qu’à une étude littéraire. Céline n’a besoin ni de vigiles ni d’avocats, mais de lecteurs fidèles et de quelques exégètes, tel Pierre Grouix, pour guider la lecture.

Apôtres, Sur les pas des Douze, Tom Bissell (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 09 Juillet 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Apôtres, Sur les pas des Douze, Tom Bissell, Albin-Michel, septembre 2018, 542 pages, 25,90 €

 

Est-il fréquent que des personnes qui, dans leur enfance, ont pratiqué les rites d’une religion avec l’innocence et le sérieux propres à cette période de la vie, s’en détachent une fois venu l’âge adulte ? Sans doute. Qu’éprouvent-elles alors vis-à-vis de la foi qu’elles ont abandonnée ? De la nostalgie ? De l’indifférence ? De la rancœur ? Ressentent-elles le besoin de régler des comptes avec cette religion qui fait partie de leur passé et de leurs souvenirs ? Peut-être. Il est toutefois rare – heureusement – qu’un règlement de comptes prenne la forme d’un volume de plus de cinq cents pages, consacré aux douze hommes inégalement célèbres regroupés sous le nom d’« apôtres ». On raconte qu’Ernst Robert Curtius, le grand romaniste allemand, aimait taquiner les ecclésiastiques qui s’aventuraient dans son séminaire, en leur demandant de lui énumérer les noms des douze apôtres. Rares étaient ceux qui parvenaient au bout de la liste.