Du fond de l’abîme, Walter de la Mare (par François Baillon)
Du fond de l’abîme, Walter de la Mare, trad. anglais, Dominique Bertrand, Marianne Tomi, 264 pages, 9,15 €
Edition: Rivages poche
Walter de la Mare, mort en 1956, immense de talent, est injustement méconnu en France. Or, les œuvres de cet écrivain devraient, ou auraient dû s’avérer incontournables. Parce que Walter de la Mare a un style – outre le fait qu’il en ait un propre lui appartenant – travaillé au cordeau et non moins muni de grande fluidité (en cela, il faut saluer les traductions françaises dont nous disposons). Parce que ses nouvelles, précisément dans ce recueil Du fond de l’abîme, se révèlent chaque fois des rêves prégnants, puissants, ahurissants, qui nous font prendre part largement à la vie intérieure des protagonistes, dont les inquiétudes se manifestent souvent par l’effet d’hallucinations dangereusement merveilleuses, aux effets de claire-voie qui ne sont pas sans rappeler les meilleures atmosphères rendues par Rembrandt ou, si le jour est plus présent, par Friedrich (entre autres exemples). A tel point que, sans user d’événements nécessairement riches en rebondissements, le nouvelliste fait naître des ambiances (liées à de profonds questionnements) qui semblent imprimées en nous pour longtemps.
En effet, les lieux, les propriétés, et même les moindres objets, les attitudes plus ou moins équivoques des interlocuteurs dépassent toute impression que nous laissent habituellement les rêves, et nous plongent cependant dans une spirale onirique juste étourdissante et positivement enivrante. L’univers qui est le sien, d’ailleurs, ne peut échapper à la sensibilité des poètes ou des amateurs de poésie. A vrai dire, tout amoureux proclamé de la littérature a à gagner en s’immergeant dans l’œuvre de cet auteur maître de son art. Les plus curieux devraient se délecter tout autant du recueil L’Amandier, paru chez Rivages poche en 1993, de son roman hypnotique Le retour, ou de cet autre roman considéré comme son chef-d’œuvre, Miniature ou les Mémoires de Miss M.
Evelyne Pieiller, critique à La Quinzaine Littéraire, a écrit : « Walter de la Mare est un sourcier du trouble, dont l’élégance est plus perturbante que tous les effets spéciaux ». Eminent résumé du pouvoir littéraire de cet écrivain.
François Baillon
Walter de la Mare (1873-1956) est l’auteur de nouvelles, de contes et de nombreux poèmes, en partie à destination des enfants. En 1911, son roman The Return (publié en 1910) reçoit le prix Polignac. En 1921, son roman Memoirs of a Midget, préfacé par Mario Praz dans l’édition française, reçoit le James Tait Black Memorial Prize.
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