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Les Livres

Zabor, ou Les psaumes, Kamel Daoud (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Babel (Actes Sud)

Zabor, ou Les psaumes, 330 pages, 21 € . Ecrivain(s): Kamel Daoud Edition: Babel (Actes Sud)

 

« Le vieillard était devenu une poignée de chair dans la main froissée du drap »

Zabor ou Les psaumes est d’abord un splendide livre d’images écrit dans les parages de la mort. L’histoire de Zabor, pauvre de tout sauf de ses mots, est celle d’une défaite triomphalement équivoque. Même le nom du village où Zabor vit, Aboukir, est beau de l’éclat de ses trois syllabes en branches, soleil dessiné par l’enfance dans des odeurs et des bruissements dont l’angoisse et les rêves se nourrissent.

Mais l’histoire de Zabor est aussi celle de l’émancipation par une langue que l’on décide de faire sienne. Car « Tout baiser se fait dans le silence de la langue ».

 

« L’orgasme n’est pas un complot occidental »

L’Homme trans, Variations sur un préfixe, Bruno Chaouat (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Léo Scheer

L’Homme trans, Variations sur un préfixe, mars 2019, 152 pages, 16 € . Ecrivain(s): Bruno Chaouat Edition: Léo Scheer

 

La quatrième de couverture de L’Homme trans nous apprend que son auteur enseigne la littérature à l’université du Minnesota. Il est de prime abord surprenant qu’un professeur de littérature s’empare de questions comme celles dont traite ce volume (le transhumanisme, les concepts de transgenre et de transparence), toutes notions à cheval sur la science, la philosophie et la sociologie, mais dont peu d’écrivains se sont jamais saisi. Non que ces trois objets manquent d’intérêt, mais les problèmes variés qu’ils soulèvent sont récents (moins de quinze ans), alors que l’apparition et la reconnaissance des grands écrivains résultent d’une alchimie lente et mystérieuse. De surcroît, hors du domaine de la science-fiction, les romanciers répugnent souvent à s’emparer des questions scientifiques (« il n’est rien de plus négligé par les humanités que la technologie et les sciences du vivant », p.18), Siri Hustvedt et Michel Houellebecq formant des exceptions. Mais, compte tenu de la vocation totalisante de la littérature, de sa capacité à former « une mathesis, un ordre, un système, un champ structuré du savoir » (Roland Barthes par lui-même, 1975, pp.122-123), il est évident qu’elle peut être appelée à éclairer les transformations en cours.

Cette voix d’un ailleurs, Danusza Bytniewski (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Cette voix d’un ailleurs, éd. Samizdat, 2013, 96 pages . Ecrivain(s): Danusza Bytniewski

 

Comment appréhender cet autre soi-même, une sorte de double en un lieu autre ? : « La voix/goutte à goutte elle chemine en moi/Me lave de la poussière/ Tel un oiseau qui voudrait voler, cogne contre les bourreaux de mon impuissance ».

L’échappatoire mène à la conclusion de faire partie d’un tout « autre » : « Je suis plus loin que l’exil. Je n’ai pas quitté mon corps, c’est lui qui m’a quitté… Je suis… sans tout ce qui donne à vivre ».

Le mystère de la vie jaillit dans tout son éclat avec une sorte de touche incantatoire non dénuée d’absence : « Mon corps semble en repos éternel, car je suppose que j’ai un corps. Il est si loin de moi, dans une zone où je ne suis pas ».

Au désert mental se substitue le souvenir du paysage ressenti :

Ainsi parlait Gustave Flaubert, présentation Yves Leclair (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ainsi parlait Gustave Flaubert, présentation Yves Leclair, Arfuyen, mai 2019, 166 pages, 14 €

Réfléchir avec Flaubert

J’ai découvert, à travers ce nouveau livre de la collection Ainsi parlait chez Arfuyen, un Gustave Flaubert dont je n’avais pas assez cerné le côté sombre, ni le pessimisme profond de sa nature. Je le savais « ours », mais je ne soupçonnais pas ses oscillations entre un cynisme philosophique, disons, doux, et des conceptions comme le stoïcisme ou le scepticisme, qui mettent en lumière un écrivain dégoûté de la réalité sociale et de ses conventions, presque touché par le goût de mourir. Durant cette lecture, j’ai pensé à une citation que l’on prête à Georges Sanders, l’acteur, qui avant son suicide, s’est exprimé ainsi : « Je vous abandonne à vos soucis dans cette charmante fosse d’aisance. Bon courage ». Je trouve que cette citation correspond en un sens à l’univers littéraire de Flaubert. En tous cas, à celui qu’exprime sa correspondance – qui est aussi précise et harmonieuse que l’est son œuvre romanesque, à mon sens (sans doute pas travaillée au gueuloir) –, épîtres d’une très haute tenue, notamment au sujet des idées qu’elles avancent. De cette façon j’ai vraiment rencontré « l’ours de Croisset ». Noirceur, pessimisme, mélancolie, désespoir, irritabilité, une sorte de mise en demeure d’un caractère neurasthénique, mais d’une neurasthénie intellectuelle, l’intellection d’un dépressif, qui ne subit pas le malheur et le tient en respect grâce au langage et à l’art.

Annoncer la couleur, Ernest Pignon-Ernest, André Velter (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 10 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Actes Sud, Arts

Annoncer la couleur, mars 2019, 96 pages, 29 € . Ecrivain(s): André Velter et Ernest Pignon-Ernest Edition: Actes Sud

 

« Tenir Parole à bras le corps dans La Lumière et dans La Force ».

« Toujours & Toujours Attiser le Feu qui nous jette en Avant ».

« C’est le même Corps dans le Décor qui joue sa peau sans y penser ».

Ernest Pignon-Ernest et André Velter sont deux archers. Leurs flèches : pour l’un le fusain, la plume et le pinceau, pour l’autre la phrase et les mots acérés, ils se croisent, se lient et fécondent la poésie et le dessin. L’image chante dans son mouvement et la phrase l’illumine. C’est une main ouverte comme une offrande – on pense évidemment à celle du torero José Tomás (1) –, un pied ailé, un œil fermé de femme ombré de noir, un corps nu aux bras ouverts, comme une divine présence, un voilier dans le lointain, suspendu sur l’océan, comme les mouettes qui l’accompagnent : « Pour annoncer la couleur rien ne vaut le noir et blanc ».