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Les Livres

Le Crépuscule du monde, Werner Herzog (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 09 Juin 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Séguier

Le Crépuscule du monde, Werner Herzog, avril 2022, trad. allemand, Josie Mély, 144 pages, 18 € Edition: Séguier

 

Amateur de destins hors du commun, réalisateur d’Aguirre ou la colère de Dieu, de Fitzcarraldo et de Kaspar Hauser, Werner Herzog reste à ce jour un des très rares metteurs en scène à avoir menacé un de ses acteurs à l’aide d’un fusil chargé. Que l’acteur en question ait été un personnage aussi antipathique que Klaus Kinski, avec son faciès de gargouille gothique, n’enlève rien à la gravité du geste.

Lors d’un séjour au Japon, on demanda à Herzog qui il souhaiterait rencontrer au Pays du Soleil levant. La réponse du cinéaste désarçonna ses interlocuteurs : Hiroo Onoda. « Qui ? ». En réalité, c’eût été la question d’un Occidental connaissant mal l’Empire. Les Japonais savaient qui était Onoda et lui témoignaient la révérence ambiguë qu’on accorde aux héros d’hier.

Les Wagons rouges, Stig Dagerman (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 09 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Pays nordiques, Roman

Les Wagons rouges, Stig Dagerman, Ed. Maurice Nadeau, Poche, mai 2022, trad. suédois Gustaf Bjurström, Lucie Albertini, 212 pages, 9,90 €

 

Les Editions Les Lettres Nouvelles (Maurice Nadeau) n’ont pas lésiné sur la qualité de finition des volumes de la Collection de Poche qu’ils viennent de lancer : couverture à l’esthétique attrayante qui constituera la « marque distinctive » de la collection, et papier élégant pour les pages intérieures, à savoir un Fabriano Palatina ivoire 80 gr.

Parmi les premières œuvres que Nadeau réédite dans cette collection prometteuse, figure ce recueil de neuf nouvelles du Suédois Stig Dagerman qui, précise Bjurström dans l’Avertissement, « ont été écrites à des dates différentes mais suffisamment rapprochées, cependant, pour qu’il n’ait pas semblé indispensable d’adapter un ordre strictement chronologique ».

 

1/ Les Wagons rouges

Grand Canyon, Vita Sackville-West (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 08 Juin 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Autrement

Grand Canyon, Vita Sackville-West, mai 2022, trad. anglais (Royaume-Uni) Mathilde Helleu, 296 pages, 21,90 € Edition: Autrement

 

« Tiens, voici un beau roman vibratoire, lis-le, n’en parlons pas, je saurai à ton regard quand tu l’auras lu ». Voilà ce qu’on voudrait dire à une personne aimée en déposant sur une table chez elle l’exemplaire de Grand Canyon dont on vient de tourner la dernière page, ému, touché en un noyau stable au fond de soi, comme à chaque fois qu’on lit un roman de Vita Sackville-West. Mais ce serait un peu court, comme critique – alors qu’au fond elle dirait l’essentiel.

Tâchons donc de nous plier à l’exercice, pour partager Grand Canyon avec tout le monde. La vie de Vita Sackville-West est bien documentée, la vie celle qui inspira Orlando à Virginia Woolf, et fut son Orlanda, que ce soit par ses propres écrits autobiographiques (dont un remarquable et apaisant Journal de mon jardin) ou par sa correspondance, et nul doute qu’on pourrait y trouver la raison de ces romans et nouvelles quasi tous traduits en français, au contraire de sa poésie.

Lente dérive de sa lumière, Arnaud Delcorte (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 08 Juin 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Lente dérive de sa lumière, Arnaud Delcorte, L’Arbre à paroles, mars 2022, 126 pages, 14 €

Selon les saisons mais inversées, le poète décrit au fil de brefs poèmes (entre le quatrain et le septain), le désir nomade de l’autre, de sa lumière, de son corps, de ses gestes.

Le plus japonais des auteurs belges aime glaner les signes de l’amour aux confins des nuits et des « rumeurs vieilles », ceindre « la pourpre du matin », « planer pieds nus dans l’onde ».

La sensualité des approches et des textes – « entre tes mains », « dans les draps », « dans l’arène souterraine » – entretient à coups d’ellipses et de brèves phrases la splendeur des attentes. Vaincre le temps (morsure) et hisser haut la chorégraphie des plaisirs.

Ta peau

Une autoroute de plaisir

Vers les embruns du midi

Un devenir très sérieux pour ma main

Qui pèche encore éblouie

Dans tes tresses arc-en-ciel (p.23)

Manuel de Réisophie pratique, Laurent Albarracin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 08 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Arfuyen

Manuel de Réisophie pratique, Laurent Albarracin, éd. Arfuyen, 252 pages, mai 2022, 18 €

 

Un peu de courage et d’humour pour ne pas aussitôt fuir ce titre égarant et glacé, mais patience et attention récompensées, à loisir, par la lecture, en 224 brefs chapitres, d’un (étonnant, éclatant, complet) chef d’œuvre, comme on va voir, un des plus forts livres de poésie française récemment parus. C’est d’abord un manuel, non un traité : il s’agit de mettre sous la main (plutôt que directement devant les tempes) les notions essentielles d’un art. Quel art ? L’art, ni plus ni moins, de considérer véritablement les choses, ou, plus précisément – dit le néologisme réisophie (res : chose ; sophia : sagesse) – de saisir leur sagesse propre ; l’art de contempler le travail (inaperçu) fourni par les choses pour, chacune pour soi et entre elles, devenir, demeurer, et même disparaître, choses. Réisophie pratique, enfin, pour dire qu’en la matière, l’exercice vaudra seule observance, l’effort sur soi sera seule compréhension réussie de cet effort des choses sur elles-mêmes. Voilà, abstraitement, l’argument.