Identification

Les Livres

Je t’écris de Bordeaux, Giuseppe Conte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 16 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Italie, Arfuyen

Je t’écris de Bordeaux, Guiseppe Conte, éd. Arfuyen, Coll. Neige, avril 2022, édition bilingue, trad. italien, Christian Travaux, 240 pages, 18,50 €

 

Le seuil

Écrivain italien, Guiseppe Conte s’arc-boute à la poésie comme s’il s’agissait d’une porte, d’un seuil, et devant ce caravansérail le poète jette son regard, ses mots, son corps dans la maison même du poème. Il guette à la lisière de la pensée, l’image, les rythmes, le chant. C’est une poésie de la frontière entre la beauté et l’inquiétude. Que cela soit le corps, la frontière du corps physique, ou une passe vers l’énigme du langage, l’auteur interroge tout aussi bien le souvenir que le caractère organique qui le lie à lui-même. Qu’il s’agisse de suivre avec lui la floraison d’un amandier ou encore de parcourir les effets physiques de l’âge sur sa personne, le poète révèle son secret et sa capacité à se tenir droit devant le point initial de son imagination.

L’Infini, n°148, Printemps 2022, Collectif (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 15 Juin 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Revues, Gallimard

L’Infini, n°148, Printemps 2022, Collectif, Gallimard, mai 2022, 128 pages, 22 € Edition: Gallimard

 

« Ce ne sont pas les bonnes actions qui rapprochent les hommes des dieux ; mais quelque chose de plus rare et de plus difficile : la capacité à être heureux » (Le divin avant les dieux, Roberto Calasso).

« Les morts, en quelque sorte, nous parlent continuellement, sans phrases mais par des sentiments, par de fugaces émotions, imprévues et très vives, et en retour il faut parler aux morts, ou du moins les servir, agir pour eux, leur faire secrètement des offrandes » (L’enterrement de Poquelin Molière, Marc Pautrel).

« Plus la diversification spectaculaire et publicitaire augmente, et plus le langage concentré, médité, de la littérature peut le traverser en acte » (1), et cela fait près de quarante ans que la littérature, la pensée philosophique, la science, et les arts sont ainsi mis en lumière, près de quarante ans que les écrivains au langage concentré et précis irriguent L’Infini. Le vaisseau amiral, Gallimard, a armé une goélette, L’Infini, son capitaine, Philippe Sollers, l’écrivain le plus reconnu et le plus combattu, le plus sollicité et le plus secrètement haï (2), et à ses côtés un autre romancier, écrivain d’art, poète, Marcelin Pleynet.

Correspondance (1901-1922), Marcel Proust, Anna de Noailles (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 15 Juin 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Correspondance, Rivages poche

Correspondance (1901-1922), Marcel Proust, Anna de Noailles, 352 pages, 9,50 € Edition: Rivages poche

 

Le mondain et l’aristocrate : deux grandes figures de La Belle Epoque. C’est l’époque où l’on écrit des lettres à tout rompre, pour un repas réussi, pour un livre reçu, pour une soirée en ville. Les occasions ne manquent pas. Les deux auteurs – gloires littéraires – se sont écrit des centaines de lettres.

Proust a écrit à propos de Les Eblouissements ; la comtesse, Un souvenir de Marcel Proust. Si le génie des deux est aisément reconnu, la plume de ces deux-là a permis alors de reconnaître les mérites littéraires de ces deux figures. L’un et l’autre sont partis à un âge encore jeune, ils ont laissé d’eux, et la correspondance le prouve, une œuvre.

L’intérêt de cette correspondance est de percer les mystères des « correspondances », des affinités entre ces deux-là, de leur amitié aussi. Ils s’évoquent mutuellement et l’on peut suivre ainsi la réception de leur œuvre au fil de missives qui s’inscrivent dans la genèse de l’œuvre romanesque de l’un et poétique de l’autre. On plonge dans l’époque hautement mondaine. On est reçu chez les Guiche. On parle des voyages. On commente l’actualité littéraire. On dîne au Ritz, dans un salon privé.

La Femme de Villon, Dazai Osamu (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 14 Juin 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Japon

La Femme de Villon, éditions Sillage, 2017, trad. japonais, Paul Anouilh, 61 pages, 6,50 € . Ecrivain(s): Osamu Dazai

 

Ce tout petit volume contient une magnifique nouvelle, un condensé époustouflant de fiction littéraire. La narratrice n’est jamais là où nous l’attendons et la puissance de ce court récit émane de ce décalage de l’histoire, des personnages, des énonciations. C’est ravissant, tonique, et c’est par-dessus tout un vibrant hommage à la poésie et à la littérature. Et encore Huzza ! pour les éditions Sillage qui ne cessent de nous dénicher des joyaux, de Thomas Wolfe à Cassola ou à Zamiatine.

Notre héroïne et narratrice a épousé un brillant poète, universitaire, conférencier. Toutes raisons pour être heureuse de son sort sauf que le bonhomme Otani est un joyeux luron, ivrogne, voleur, coureur, adepte du couteau à cran d’arrêt. Le lecteur français voit déjà une ombre se découper, celle d’un voyou bien aimé, poète et bandit. Nous apprenons d’ailleurs que Otani donne des conférences sur l’œuvre de François Villon.

De pauvres taverniers – spoliés par ce diable – viennent se plaindre à l’épouse et surprennent le mari chez lui.

La Destruction libératrice, H. G. Wells (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 14 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Iles britanniques, Roman, Le Cherche-Midi

La Destruction libératrice, H. G. Wells, avril 2022, trad. anglais Patrick Delperdange, 336 pages, 19 €

 

L’œuvre de Herbert George Wells (1866-1946) se résume en français à quatre romans : La Machine à explorer le temps (1895), L’Île du Docteur Moreau (1896), L’Homme invisible (1897), et La Guerre des mondes (1898). Quiconque est observateur en aura conclu que Wells a dit l’essentiel et, au passage, été le cristallisateur de la science-fiction moderne et de certaines de ses préoccupations, en moins de cinq années. Le même observateur en vient à se demander comment l’auteur anglais a bien pu occuper le reste de son temps sur Terre. En cherchant un peu, il découvre un autre Wells, ou plutôt un Wells qui va plus avant dans les idées sous-jacentes dans ces quatre romans essentiels : Une Histoire des temps à venir (1899, une nouvelle), Les Premiers hommes dans la Lune (1901), Miss Waters (1902), Au temps de la comète (1906), ou La Guerre dans les airs (1908), présents dans quelques anthologies en français (mais sommet d’un iceberg de romans, nouvelles et essais publiés à foison, montrent un Wells prospectif, inquiet de l’avenir de l’espèce humaine, désireux d’un grand renouvellement social, fin connaisseur de l’Histoire de l’humanité – bref, un Wells polygraphe dont l’obsession semble être éviter à l’Homme de foncer droit dans le mur. D’ailleurs, dans la préface de 1941 à La Guerre dans les airs, il écrira : « Je vous l’avais dit. Foutus imbéciles ».