Identification

Les Livres

Un dédale de ciels, Benoît Reiss (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 28 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, Arfuyen

Un dédale de ciels, Benoît Reiss, Arfuyen, juin 2022, 120 pages, 13 €

 

« Je marche en compagnie de mon arrière-grand-père

sur un chemin de terre dans la plaine du Forez

dans mon pays dit-il

avec cette drôle de fierté

mon ombre enveloppe la sienne

ses sandales sont couvertes de poussière

il me montre sur ses jambes ses avant-bras ses joues les éraflures

mes médailles mes blessures gagnées dit-il

contre l’écorce l’ongle des arbres dans le verger voisin

Précis de Foutriquet, Pierre Boutang (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 27 Juin 2022. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres

Précis de Foutriquet, Pierre Boutang, éditions Les Provinciales, mars 2022, 190 pages, 18 €

 

La campagne présidentielle de 1981 opposa, le tri étant fait des candidats plus ou moins fantaisistes dont personne, pas même eux, ne pensait qu’ils pussent atteindre le second tour (Huguette Bouchardeau, Arlette Laguiller, Marie-France Garaud, Michel Crépeau, Brice Lalonde, etc.), le président de la République sortant, Valéry Giscard d’Estaing, à son adversaire socialiste, François Mitterrand. Dire que l’un était de droite et l’autre de gauche eût été aller vite en besogne tant, à cette époque déjà, ces repères idéologiques a priori simples avaient commencé à se brouiller. Mitterrand était parvenu à s’imposer comme le champion des socialistes, en faisant oublier qu’il n’était pas issu de leurs rangs et en jetant le voile de l’oubli (qui se déchirera plus tard) sur les amitiés et les engagements de sa jeunesse. Quant à Giscard, aucun droitard digne de ce nom ne pouvait le considérer comme un des siens. Droitard, maurrassien, monarchiste, Pierre Boutang le fut autant qu’on pouvait l’être, qui dirigea jusqu’en 1967 un hebdomadaire, La Nation française, où s’exprimèrent des écrivains aussi doués qu’Antoine Blondin, Roger Nimier, Philippe Ariès ou Louis Pauwels.

Aorte adorée, Christophe Esnault (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 27 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Aorte adorée, Christophe Esnault, éditions Conspiration, avril 2022, 42 pages, 7 €

 

Faut-il survivre ?

Ce nouvel opus de Christophe Esnault se construit entre la douleur et la mort, et plus précisément, comme une ode morbide du suicide. L’on en retient une forme ambiguë de la notion de vivre, de survie. La vie est donc stupide, elle ne sert à rien, elle n’est qu’absurdité. Telle est la déclaration de ce recueil des 32 manières de mettre fin à ses jours. Et si l’on pousse le trait un peu plus loin, l’on voit le constat d’une existence faite d’un grand désespoir, et qui justifie de sa noblesse justement par ce dessein, imaginé 32 fois, du suicide. Et s’il n’y avait l’humour, tout deviendrait insupportable, le quotidien resterait étouffant, car seule peut-être la littérature a-t-elle le pouvoir de faire plier l’angoisse avec le rire.

 

Le mythique fusil de chasse

Il faut tuer Wolfgang Müller, Thierry Poyet (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 24 Juin 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Ramsay

Il faut tuer Wolfgang Müller, Thierry Poyet, mars 2022, 286 pages, 19 € Edition: Ramsay

 

Pourquoi ?

Oui, pourquoi faudrait-il tuer Wolfgang Müller ?

Wolfgang Müller, au moment où il entre en scène en ce roman, est, nonagénaire ayant toute sa tête, l’un des pensionnaires les plus âgés d’un EHPAD du Berry qui porte l’enseigne « Les Jours Tranquilles ». Mais cette tranquillité vient à être dérangée par les visites de plus en plus inquisitrices de Julienne Bancel, jeune journaliste ayant pour dessein de rédiger une série d’articles sur le parcours a priori original de cet ancien militaire allemand qui, après la capitulation du Troisième Reich et après avoir été, en tant que prisonnier de guerre, ouvrier agricole forcé dans des fermes du Cantal, a fait le choix, une fois libéré, de rester en France, d’abord comme ouvrier chez Michelin, puis comme professeur d’allemand jusqu’à sa mise à la retraite en 1983.

« Il avait toujours été un grand lecteur, et s’il préférait les biographies, les récits historiques retenaient son attention […] a fortiori les romans consacrés à la seconde guerre, qui faisaient la part belle aux grandes figures du régime nazi ».

Les frères noirs, Lisa Tetzner, Hannes Binder (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 24 Juin 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Jeunesse, La Joie de lire

Les frères noirs, Lisa Tetzner, Hannes Binder, éd. La Joie de Lire, mars 2022, 14,90 € / 19,90 CHF

 

Assombrissement de la condition humaine

Lisa Tetzner (1874-1963), fuyant l’Allemagne nazie avec son mari Kurt Held, tous deux réfugiés en Suisse dans le canton de Tessin, près de leurs amis Herman Hesse et Bertolt Brecht, est devenue dans les années 1950 un des maîtres de la littérature fantastique pour la jeunesse. Les frères noirs (Die schwarzen Brüder) est repris par Hannes Binder (né en 1947, diplômé de l’École des Arts appliqués de Zurich), ici, en roman graphique, au format 14x21 cm, admirablement illustré avec les techniques de la gravure et de la carte à gratter.

Le récit de Lisa Tetzner, très connu en Allemagne, est l’histoire vraie qui témoigne des difficultés des Italiens contraints de vendre leurs forces vives. C’est ainsi que leurs enfants furent réduits par d’ignobles patrons à l’ilotisme, la misère, l’exploitation, la déchéance physique et psychologique. Le texte fait penser à la fois à Oliver Twist et à Germinal, œuvres relatant la condition ouvrière, le labeur forcé, le sort effarant du prolétariat, soumis à la cruauté et aux abus en tous genres, jusqu’à l’épuisement et la mort. Liza Tetzner et son mari, écrivains prolétariens allemands, ont témoigné de la situation du peuple de la Suisse italienne.