Lente dérive de sa lumière, Arnaud Delcorte (par Philippe Leuckx)
Lente dérive de sa lumière, Arnaud Delcorte, L’Arbre à paroles, mars 2022, 126 pages, 14 €
Selon les saisons mais inversées, le poète décrit au fil de brefs poèmes (entre le quatrain et le septain), le désir nomade de l’autre, de sa lumière, de son corps, de ses gestes.
Le plus japonais des auteurs belges aime glaner les signes de l’amour aux confins des nuits et des « rumeurs vieilles », ceindre « la pourpre du matin », « planer pieds nus dans l’onde ».
La sensualité des approches et des textes – « entre tes mains », « dans les draps », « dans l’arène souterraine » – entretient à coups d’ellipses et de brèves phrases la splendeur des attentes. Vaincre le temps (morsure) et hisser haut la chorégraphie des plaisirs.
Ta peau
Une autoroute de plaisir
Vers les embruns du midi
Un devenir très sérieux pour ma main
Qui pèche encore éblouie
Dans tes tresses arc-en-ciel (p.23)
L’être qui s’épanche là, entre fièvre et alarme, sait nommer la tension, l’attente, le désir plein débordant, la retombée un peu triste et fatiguée, la beauté qui passe, l’immobilité des corps ravis (heureux ou volés à eux-mêmes). Cette petite chanson se répète de livre en livre, sans doute plus ferme, plus osée, plus mélancolique puisque la « dérive » est proche ou déjà là. On souffre du « manque » de l’autre, et l’été même n’a que faire de rêves où « tu ne peux me voir ».
L’autre est un antre, un abîme, un trésor, souvent inaccessible.
Ces poèmes – couchés dans des tensions inverses – le rappellent : au nomade qui part reste un cœur lourd.
Philippe Leuckx
Arnaud Delcorte, né en Hainaut en 1970, est surtout un poète. Plusieurs ouvrages publiés à L’Arbre à paroles, chez M.E.O, chez Maelström. Citons : Méridiennes ; Ogo.
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