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Les Livres

Le désespoir avec modération, Paul Lambda / Lassitudes, Frédéric Schiffter (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 11 Mai 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le désespoir avec modération, Paul Lambda, Cactus Inébranlable éditions, octobre 2021, 74 pages, 10 €

Lassitudes, Frédéric Schiffter, Editions Louise Bottu, décembre 2021, 112 pages, 14 €

 

À quatre-vingt-quinze ans elle sortait tous les matins pour apprivoiser la mort. Elle rentrait deux heures plus tard, dépitée, et soupirait : « Il n’y a rien à faire, elle a encore peur de moi ».

« – Lui aussi est parti ?

– Oui, il est parti vivre sa vie.

– C’est une épidémie ! »

« – T’es où ?

– Je ne sais pas très bien… quelque part entre l’Iliade et l’Odyssée ».

Le désespoir avec modération

Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find), Flannery O'Connor (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 10 Mai 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find, 1953), trad. américain, Henri Morisset, 231 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Flannery O'Connor Edition: Folio (Gallimard)

La signature de Flannery O’Connor est reconnaissable entre toutes : dans un style proche de la langue des paysans du Sud, dans des situations qui frisent le burlesque, avec des personnages éminemment drôles, elle nous raconte des histoires terribles, proches de l’épouvante parfois. Comment lire le massacre d’une famille entière – de la grand-mère aux jeunes enfants – par des psychopathes sanglants, tout en ne cessant de rire ou sourire ? Eh bien en lisant la première nouvelle de ce recueil, éponyme du recueil, Les braves gens ne courent pas les rues. Le burlesque macabre accompagne toute l’œuvre de O’Connor, comme il accompagne les profonds de la culture sudiste, faite de haine et d’amour dont on ne sait quoi de l’un ou de l’autre est le pire. Faite aussi d’un rapport débile et violent à Dieu, à la religion, dans lequel les cœurs se perdent sans trop savoir où est le bien, où est le mal. Ajoutez à cela les freaks, inévitables dans les pratiques consanguines et incestueuses largement répandues dans le Delta et ses environs : corps malingres, difformes, esprits idiots, égarés, et vous aurez le tableau complet qui fait fond à ces nouvelles. Une mise en scène d’un Sud miséreux, vaincu, perdu.

Elena Ferrante, A la recherche de L’Amie prodigieuse, Salomon Malka (par Jeanne Ferron Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 10 Mai 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Elena Ferrante, A la recherche de L’Amie prodigieuse, Salomon Malka, éditions Ecriture, février 2022, 228 pages, 18 €

 

Elena Ferrante. Répétez-le tel un mantra et songez un instant à quel point un nom, qu’il soit fictif ou réel, créé de toute pièce ou incarné, peut générer autant de commentaires, d’articles, de pages sur internet. D’échos. Songez un instant à sa musique. À ses livres que vous aurez lus, ou peut-être pas, aimés ou pas, là n’est pas la question.

A-t-on le droit de malmener la volonté d’une auteure de disparaître au profit de son œuvre ou de se cacher derrière, de créer la distance, ce livre-enquête questionne l’identité d’une œuvre liée, ou pas, à celle d’une auteure. Elena Ferrante. Formidable inconnue qui dissèque les relations humaines, les autopsie, les instille entre Naples et l’Italie, Naples ce n’est pas l’Italie. Livre-enquête sans plan véritable, Salomon Malka s’ingénue à retrouver un à un les personnages des romans d’Elena Ferrante, à les faire sortir des pages pour les animer à nouveau, une sorte d’ancrage passant du noir et blanc à la couleur.

Mes instantanés, Beyrouth-Paris, 1990-2021, Ninar Esber (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 09 Mai 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Mes instantanés, Beyrouth-Paris, 1990-2021, Ninar Esber, éditions du Canoë, mars 2022, 160 pages, 15 €

 

La Libanaise Ninar Esber propose ici, après deux autres livres, son premier livre de poèmes. C’est un recueil, dense, fort, hallucinant de réalité réinterprétée et revécue, dans le sillage d’un Zrika, celui des Bougies noires.

Livrer, de Beyrouth, une image qui ne soit pas seulement historique, ethnographique ou simplement humaine, mais la matière même d’un regard qui a percé le réel de toutes parts pour y mettre la guerre, la faim, la ruine, la peur, la blessure. On sent le souffle, le soufre, la hantise des lieux, le bruit des balles, des obus, des corps.

De Beyrouth à Paris, où elle vit et travaille, la poète nomme toutes les tensions qui traversent un corps dans une ville qui tremble. Faire l’apprentissage de la mort dans son propre corps, ressentir aussi la progression des blattes, humer et détester la poussière, parler du corps ankylosé par la peur : tout cela figure bien ici au sein de poèmes dont l’instant est garant en matière de ressenti et de vécu :

L’Os dans le nez, Aure Meury (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 09 Mai 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

L’Os dans le nez, Aure Meury, éditions Milagro, mars 2022, 116 pages, 16 €

 

Voyage

C’est à un voyage dans la psyché auquel nous convie le poème de Aure Meury. Car on voit par transparence dans le texte, un paysage accidenté, fragmenté et épars. C’est bel et bien une circumnavigation à laquelle nous livre cet épithalame, celui de la noce de la poétesse avec son écriture. Le monde en tout cas questionne, cette création questionne. Mais je n’arrive pas à me départir de cette idée du périple intérieur. Ce monde reste sujet aux flux psychologiques, à des porosités entre le réel et l’imagination, monde ambigu donc, fait de parallèles entre différentes images inexplicables, en somme de la poésie. Ce monde instable arrive à se dire dans une prosopopée individuelle et originale, celle de l’écrivaine comprise comme absente à elle-même.