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Les couleurs du ghetto, Aline Sax, Caryl Strzelecki (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 13 Juillet 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Jeunesse, La Joie de lire, Albums

Les couleurs du ghetto, Aline Sax, Caryl Strzelecki, trad. néerlandais, Maurice Lomré, 176 pages, 14,50 € Edition: La Joie de lire

 

« L’ennemi veut nous enlever, à nous Polonais et Juifs, tout ce qui est art et science. Il se peut que nous périssions, mais si nous devons périr, faisons-le avec dignité » (Ludwik Hirszfeld)

 

Témoignage d’un pogrom

Les couleurs du ghetto est le nom du terrible récit des pogroms d’Europe de l’Est dont témoigne ce roman graphique magistral. Le scénario est écrit par Aline Sax, née en 1984 à Anvers, titulaire d’un Doctorat en Histoire et illustré par Caryl Strzelecki, né en 1960 d’un père polonais et d’une mère néerlandaise. Le titre est surmonté d’une discrète étoile de David, les images ne sont traitées qu’en noir, gris et blanc – le noir, la nuit profonde de l’horreur, du deuil et de la néantisation de toute chose ; le gris et le blanc comme le brouillard et l’horizon parti en fumée dans un vide aveugle.

Conspiration du réel, Grégory Rateau (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 13 Juillet 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Unicité

Conspiration du réel, Grégory Rateau, mars 2022, Préface, Catherine Dutigny, 82 pages, 13 € Edition: Unicité

« Des vies alignées

Verticalité de bâtons de chaise

Sentir cette petite solitude de groupe

cette fraternité de pourboires

sur le chemin rancunier du retour à soi » (Solitudes groupées).

 

Le réel saute aux yeux de l’auteur dans ce recueil, un réel qui frappe comme un boxeur, des directs de la gauche et de la droite, un réel qui ne s’esquive pas, qui s’agrippe aux phrases et ne les lâche pas. Il s’agit de visages – Les mêmes gueules d’échoués dans le miroir éventré –, un éclat gris de nature – La campagne éteinte / La pluie claque / souffrent les arbres tordus et suppliants –, un cimetière – les gamins courent entre les pierres tombales / indifférents aux inscriptions carbonisées / aux supplications des veuves éplorées – saisis par une plume noire et blanche, granuleuse, comme échappée d’un film muet, où rôdent des fantômes et des ombres.

Nos premières fois, 30 (pré)histoires extraordinaires, Nicolas Teyssandier (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 12 Juillet 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Flammarion, Histoire

Nos premières fois, 30 (pré)histoires extraordinaires, Nicolas Teyssandier, mai 2022, 240 pages, 8 € Edition: Flammarion

 

Où Nicolas Teyssandier a-t-il connu une première fois essentielle dans sa formation et son parcours de préhistorien ? La réponse se trouve à la page 132 de Nos premières fois, dans la présente réédition dans une collection de poche d’un ouvrage originellement publié en 2019 : « dans une région de grottes du sud-ouest de l’Allemagne, dans le Jura souabe », et d’expliquer : « j’ai eu la chance visiter toutes ces grottes et même d’y faire certains de mes premiers pas en recherche puisque ces sites archéologiques souabes ont servi de base documentaire à ma thèse de doctorat, au tout début des années 2000 ». Cela peut sembler anecdotique de mentionner cette « première fois », mais elle est importante car elle explique la tonalité des trente notices ici rassemblées : vive, pleine d’allant, donnant envie d’aller plus loin, d’en savoir plus, et surtout de s’intéresser à nos ancêtres – ne fût-ce que pour nous comprendre et constater que la distance, culturelle ou cognitive en particulier, entre eux et nous n’est pas si importante qu’il y paraît.

Je suis le dernier, Emmanuel Bourdieu (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 12 Juillet 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Polars, Rivages/noir

Je suis le dernier, Emmanuel Bourdieu, février 2022, 172 pages, 18 € Edition: Rivages/noir

 

Madeleine Verdun est experte psychiatre auprès des tribunaux. Madeleine Verdun va mal. En impressionnant par sa rhétorique et la rigueur de son jugement un jury vite acquis à ses thèses, elle a contribué à la libération d’un homme, J. G., condamné pour avoir tenté d’étrangler sa voisine et qui dès sa libération va décapiter sa belle-fille.

J. G., de nouveau déclaré irresponsable, elle va être traînée dans la boue par les médias et devenir persona non grata. Le public va déserter son cabinet de psychanalyste et elle va sombrer dans une profonde dépression qui l’amènera à être hospitalisée. Émergeant à peine de son état mais ayant retrouvé son domicile, elle vit une période de doute qui l’amène à refuser tout dossier concernant un justiciable. Elle se contente de deux patients, la vieille madame Rodin et un petit Jules traversant la puberté pour occuper son temps. Jusqu’au jour où un collègue, ex-amant encore un peu amoureux, Volkov, va lui glisser un dossier, celui de Charles Blancard, agriculteur, accusé d’avoir dépecé une joggeuse, Stéphanie Lacroix.

Récoltes et semailles, Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien, Alexandre Grothendieck (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 11 Juillet 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Biographie, Gallimard

Récoltes et semailles, Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien, Alexandre Grothendieck, Gallimard, Coll. Tel, janvier 2022, 1932 pages, 29,50 € Edition: Gallimard

 

 

Dans sa biographie (Alexandre Grothendieck, Sur les traces du dernier génie des mathématiques, Allary, 2016) alerte et bien écrite, Philippe Douroux plaçait le grand mathématicien sous l’invocation de Baudelaire (« Tout le chaos roula dans cette intelligence, / Temple autrefois vivant, plein d’ordre et d’opulence, / Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui. / Le silence et la nuit s’installèrent en lui, / Comme dans un caveau dont la clef est perdue ») et formulait un jugement peu amène sur Récoltes et semailles : « Il a jeté les mots, les a empilés sans se soucier de savoir si ces bouffées de textes aux dimensions gargantuesques, ces orgies monstrueuses de mots, restaient accessibles à un lecteur normalement outillé. Il a oublié que jamais il n’avait travaillé seul. Il avait été guidé et il guidait une cohorte de compagnons. Quand il s’enferme, il se perd » (p.241). Il est désormais possible d’en juger sur pièces.