Identification

La Une Livres

Sens d’ssus d’ssous, Œuvres romanesques (2010, 2020), Patrice Trigano (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 16 Juin 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions Maurice Nadeau

Sens d’ssus d’ssous, Œuvres romanesques (2010, 2020), mars 2022, 884 pages, 28 € . Ecrivain(s): Patrice Trigano Edition: Editions Maurice Nadeau

Sur le modèle de La Pléiade, les éditions Maurice Nadeau ressortent en un précieux volume sur papier Bible de 900 pages la série des œuvres romanesques de Patrice Trigano publiées de 2010 à 2020. L’ensemble, introduit par une riche préface de Sarah Chiche, recueille, tenons-nous bien, cinq romans dont deux ont été recensés dans les pages de notre magazine :

La Canne de saint Patrick

Le Miroir à sons

L’Oreille de Lacan (recension de Philippe Chauché en 2015)

Uburébus

L’Amour égorgé (ma recension en 2020)

La Canne de saint Patrick

Roman consacré à Artaud.

L’Infini, n°148, Printemps 2022, Collectif (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 15 Juin 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Revues, Gallimard

L’Infini, n°148, Printemps 2022, Collectif, Gallimard, mai 2022, 128 pages, 22 € Edition: Gallimard

 

« Ce ne sont pas les bonnes actions qui rapprochent les hommes des dieux ; mais quelque chose de plus rare et de plus difficile : la capacité à être heureux » (Le divin avant les dieux, Roberto Calasso).

« Les morts, en quelque sorte, nous parlent continuellement, sans phrases mais par des sentiments, par de fugaces émotions, imprévues et très vives, et en retour il faut parler aux morts, ou du moins les servir, agir pour eux, leur faire secrètement des offrandes » (L’enterrement de Poquelin Molière, Marc Pautrel).

« Plus la diversification spectaculaire et publicitaire augmente, et plus le langage concentré, médité, de la littérature peut le traverser en acte » (1), et cela fait près de quarante ans que la littérature, la pensée philosophique, la science, et les arts sont ainsi mis en lumière, près de quarante ans que les écrivains au langage concentré et précis irriguent L’Infini. Le vaisseau amiral, Gallimard, a armé une goélette, L’Infini, son capitaine, Philippe Sollers, l’écrivain le plus reconnu et le plus combattu, le plus sollicité et le plus secrètement haï (2), et à ses côtés un autre romancier, écrivain d’art, poète, Marcelin Pleynet.

Correspondance (1901-1922), Marcel Proust, Anna de Noailles (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 15 Juin 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Correspondance, Rivages poche

Correspondance (1901-1922), Marcel Proust, Anna de Noailles, 352 pages, 9,50 € Edition: Rivages poche

 

Le mondain et l’aristocrate : deux grandes figures de La Belle Epoque. C’est l’époque où l’on écrit des lettres à tout rompre, pour un repas réussi, pour un livre reçu, pour une soirée en ville. Les occasions ne manquent pas. Les deux auteurs – gloires littéraires – se sont écrit des centaines de lettres.

Proust a écrit à propos de Les Eblouissements ; la comtesse, Un souvenir de Marcel Proust. Si le génie des deux est aisément reconnu, la plume de ces deux-là a permis alors de reconnaître les mérites littéraires de ces deux figures. L’un et l’autre sont partis à un âge encore jeune, ils ont laissé d’eux, et la correspondance le prouve, une œuvre.

L’intérêt de cette correspondance est de percer les mystères des « correspondances », des affinités entre ces deux-là, de leur amitié aussi. Ils s’évoquent mutuellement et l’on peut suivre ainsi la réception de leur œuvre au fil de missives qui s’inscrivent dans la genèse de l’œuvre romanesque de l’un et poétique de l’autre. On plonge dans l’époque hautement mondaine. On est reçu chez les Guiche. On parle des voyages. On commente l’actualité littéraire. On dîne au Ritz, dans un salon privé.

La Femme de Villon, Dazai Osamu (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 14 Juin 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Japon

La Femme de Villon, éditions Sillage, 2017, trad. japonais, Paul Anouilh, 61 pages, 6,50 € . Ecrivain(s): Osamu Dazai

 

Ce tout petit volume contient une magnifique nouvelle, un condensé époustouflant de fiction littéraire. La narratrice n’est jamais là où nous l’attendons et la puissance de ce court récit émane de ce décalage de l’histoire, des personnages, des énonciations. C’est ravissant, tonique, et c’est par-dessus tout un vibrant hommage à la poésie et à la littérature. Et encore Huzza ! pour les éditions Sillage qui ne cessent de nous dénicher des joyaux, de Thomas Wolfe à Cassola ou à Zamiatine.

Notre héroïne et narratrice a épousé un brillant poète, universitaire, conférencier. Toutes raisons pour être heureuse de son sort sauf que le bonhomme Otani est un joyeux luron, ivrogne, voleur, coureur, adepte du couteau à cran d’arrêt. Le lecteur français voit déjà une ombre se découper, celle d’un voyou bien aimé, poète et bandit. Nous apprenons d’ailleurs que Otani donne des conférences sur l’œuvre de François Villon.

De pauvres taverniers – spoliés par ce diable – viennent se plaindre à l’épouse et surprennent le mari chez lui.

La Route de Suwon, Élie Treese (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 13 Juin 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Rivages

La Route de Suwon, Élie Treese, avril 2022, 136 pages, 15 € Edition: Rivages

Écrire « pour ce qui est de Dante, j’emmerde cette vieille taupe, avec sa couronne de laurier et son air de tapir libidineux » (p.66) est au moins irrévérencieux et tient de la mauvaise blague de potache, d’autant plus que, Dante n’étant pas étudié en France dans le secondaire, celui qui tient ce propos n’a pas l’excuse (au demeurant très relative) des mauvais souvenirs scolaires pour justifier sa hargne. On acceptera que c’est un personnage qui prononce cette phrase et qu’au moment où il le fait, à une heure avancée de la nuit (ou du matin), il est copieusement imbibé d’alcools variés, ce qui ne constitue jamais une bonne condition pour exercer l’art de la critique littéraire.

Si l’on devait imaginer un dialogue entre le personnage et l’auteur, sur le modèle de Providence d’Alain Resnais, celui-ci serait fondé à dire que la remarque de celui-là est d’autant plus malvenue que le Florentin lui a fourni, comme à tant d’autres avant lui, une source d’inspiration capitale. En effet, au cours de leur longue beuverie, le personnage et un sien ami en sont venus à empiler les unes sur les autres des pièces de monnaie, de la plus petite en bas à la plus grande en haut, afin de schématiser l’entonnoir renversé que constitue l’enfer du poète italien. Comme dans la Divine Comédie, l’histoire que raconte celui qui « emmerde » Dante tient de la révélation progressive et de la descente vers l’abîme de l’Histoire.