En sortant de l’école, Jacques Prévert (par Yasmina Mahdi)

Les enfants pourront déchiffrer les notes de solfège – bleues sur jaune clair – et chanter le poème de la partition, datant de 1946. Jacqueline Duhême a découpé les stances de Prévert en leur adjoignant des représentations, des visions personnelles sensibles et gaies, sous forme de tableaux aux couleurs limpides et harmonieuses. L’histoire est magique : de petits écoliers de toutes les couleurs (peut-être frères et sœurs), sortent de leur école et s’élancent dans une ronde endiablée autour de la terre.

L’espace est librement retranscrit, l’apesanteur a disparu et divers éléments gravitent en haut, en bas, à droite et à gauche, dans le ciel, sous terre et dans les fonds marins. Les espèces florales et animales sont au rendez-vous, un train de fantaisie suit les circonvolutions de ce monde enchanté. Que d’étranges créatures y rencontre-t-on ! Un poulpe à pois mauves, un saumon géant, d’immenses coquillages, des habitants d’îles lointaines, des danseuses japonaises en kimono, la lune et son équipage, jusqu’aux mousquetaires et leurs fameux chapeaux à plumes… Les quatre saisons se catapultent devant « une maison qui fuyait / fuyait tout autour de la terre / tout autour de la mer / fuyait devant l’hiver (…) ». Prévert use de l’anaphore et de la rime en composant ce voyage extraordinaire. Le printemps et l’hiver sont anthropomorphisés, le printemps en charmant jeune homme couronné d’une tresse fleurie.

La double page au fond vert émeraude est particulièrement réussie, avec les fleurs et les papillons géants, les enfants libres volant au sein d’un paysage féerique, les wagonnets de la locomotive noire à vapeur ressemblant à des jouets, ainsi que la page du sous-marin en forme de baleine se faufilant au-dessus d’une végétation d’aquarium peinte dans une gamme de mauve, de parme, de violet, d’orange corail, de rose tyrien, de facture très contemporaine. Le style figuratif plastique se rapproche de l’art naïf par des effets de perspective géométriquement erronés donnant un caractère ingénu aux illustrations, une ressemblance avec des dessins d’enfants par l’emploi de couleurs vives, souvent traitées en aplats sur tous les plans de la composition, sans atténuation à l’arrière-plan, et une égale minutie est apportée aux détails, y compris ceux de l’arrière-plan. Une certaine fraîcheur d’expression, la simplification et l’aspect conteur des sujets ne sont pas sans évoquer les œuvres de Matisse – traits en spirale, taches, reflets schématisés. Également, la perspective plane et l’adéquation de l’image avec l’écrit rappellent l’iconographie des miniatures arabo-persanes et musulmanes, voire la grande vague dentelée des « îles parfumées » qui submerge l’horizon à hauteur d’yeux d’enfant, révélant une nature de rêve.

Cet album jeunesse est recommandé par le ministère de l’Éducation nationale.

Dès 3 ans.

Yasmina Mahdi