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L’esclave libre, Robert Penn Warren (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 24 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Libretto

L’esclave libre (Band of Angels, 1955), trad. américain, Jean-Gérard Chauffeteau, G. Vivier . Ecrivain(s): Robert Penn Warren Edition: Libretto

A mille lieues des grands flots romantiques de Autant en emporte le vent, L’esclave libre en est néanmoins le pendant, l’autre versant. Une jeune femme en est la narratrice et le roman traverse l’immense bouleversement qui marqua l’histoire américaine, de la fin des années 1850 à la fin des années 1860, la guerre de Sécession. On a souvent comparé ces deux ouvrages, on a même dit que le roman de Margaret Mitchell a « fait de l’ombre » à celui de Penn Warren. Et pourtant – hors la période historique – rien ou presque ne les rapproche. Et à y regarder de près, même la période historique diffère. L’esclave libre se passe essentiellement dans l’immédiat après-guerre, surtout de 1866 à 1870, et ce focus légèrement décalé change tout. Nous ne sommes plus dans une Amérique ravagée par une guerre fratricide mais dans un pays qui – en plein traumatisme – ne parvient pas à se remettre debout, laminé par la haine, la rancœur, les nouvelles ambitions de politiciens douteux plus préoccupés de carrière et de profit personnel que de bien commun. Une Amérique en quête d’une identité perdue, d’une unité qui semble compromise à jamais. Pour le Sud et ses Blancs, c’est le début d’une méfiance structurelle à l’égard des Yankees, image pour eux du pouvoir honni, de l’affairisme et de la corruption. Il est étonnant et pourtant constant de constater que ceux qui, pendant des siècles, ont tenu en esclavage des millions d’hommes occupent une position morale dans leur critique de leurs pendants nordistes.

Petite encyclopédie du génocide arménien, Denis Donikian (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 24 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Histoire

Petite encyclopédie du génocide arménien, Editions Geuthner, décembre 2021, 661 pages, 75 € . Ecrivain(s): Denis Donikian

 

« A l’origine de ce livre constitué de fiches présida l’idée d’apporter aux profanes autant qu’aux intéressés eux-mêmes, un éclairage précis et fiable sur les événements qui ont préparé, marqué et suivi le génocide des Arméniens en 1915. Comme les travaux universitaires épousant la complexité des faits pouvaient conduire à décourager même les plus curieux, il parut opportun de les rendre assimilables sans pour autant amoindrir leur violence. » Ce sont deux phrases extraites de l’introduction écrite par l’auteur qui précisent la volonté et le contenu de l’ouvrage. Denis Donikian a entrepris la création de fiches, initialement prévues pour Internet, en commençant par celle consacrée au mot génocide. Les fiches se sont ensuite accumulées, abordant les différents aspects d’un génocide demeuré impuni et dont les causes et les conséquences méritaient une approche synthétique.

Allons-nous continuer la recherche scientifique ?, Alexandre Grothendieck (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 23 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Allons-nous continuer la recherche scientifique ?, Alexandre Grothendieck, Éditions du Sandre, mars 2022, 102 pages, 9 €

 

Une silhouette voûtée par l’âge appuyée sur une canne de bois. Une longue barbe blanche, des yeux d’enfant derrière des lunettes à monture métallique, l’ébauche peut-être d’un sourire. Un vêtement qui ressemble à une robe de bure, le capuchon relevé sur la tête. L’homme parlait aux plantes, distillait de l’eau-de-vie et rédigeait dans la solitude des milliers de pages dont il brûla une partie. Un personnage à mi-chemin entre Merlin et un rabbin de l’ancienne Russie, d’où était venu son père (disparu dans les chambres d’Auschwitz). Ainsi apparaissait, sur une des dernières photos qui aient été prises de son vivant, Alexandre Grothendieck (disparu en 2014), médaille Fields (le Prix Nobel des mathématiciens) 1966.

Comme le sont les recherches des mathématiciens de premier plan, les travaux scientifiques d’Alexandre Grothendieck demeurent obscurs au profane. Son évolution intellectuelle fut en revanche limpide, à défaut d’être linéaire. Né en 1928, il grandit dans un milieu libertaire et marginal.

Tout ce qui est à toi brûlera, Will Dean (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 20 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Polars, Roman, Belfond

Tout ce qui est à toi brûlera (The last thing to burn), Will Dean, mars 2022, trad. anglais, Laurent Bury, 267 pages, 20 € Edition: Belfond

 

Un roman de l’horreur, qui semble tout droit sorti de la sinistre cave d’un Dutroux, ou inspiré par ce qu’a vécu la jeune autrichienne Natascha Kampusch pendant huit ans. Si l’auteur a eu le dessein de montrer un exemple de la monstruosité qui peut animer un individu dans son rapport à certains de ses semblables sur lesquels il lui est permis circonstanciellement de s’arroger un pouvoir absolu, il y a réussi.

La narratrice, Thanh Dao, qui parle à la première personne, obligeant ainsi le lecteur à ressentir conjointement les horreurs de sa captivité, est une jeune Vietnamienne, arrivée clandestinement dans un conteneur en Angleterre avec sa sœur Kim-Ly dans un « lot » de migrantes attirées par la promesse d’un travail correctement rémunéré leur permettant de poursuivre des études universitaires tout en faisant parvenir une aide financière à leur famille. A leur arrivée, les passeurs les louent puis les vendent en catimini à divers « patrons » – ici un propriétaire terrien vivant reculs dans une ferme isolée – qui ont tout loisir de les exploiter à leur gré de façon évidemment totalement occulte. Alors se met en place l’emprise, alors commence un long, un terrifiant calvaire.

Le Bal des cendres, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 20 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Plon

Le Bal des cendres, avril 2022, 300 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Plon

 

Le Bal des cendres de Gilles Paris profite du décor extraordinaire de l’île volcanique pour chorégraphier les relations sentimentales, intimes, amoureuses, filiales et amicales d’un vrai chœur de personnages liés ou étrangers. Le talent de l’auteur consiste à donner à chacun la voix narrative à même de dérouler les pans d’une histoire au pied du volcan à contempler, à gravir. Toute relation peut très vite être déstabilisée et le romancier prend plaisir à épicer ce « Stromboli » des cœurs.

A l’ombre du film de Rossellini, l’ouvrage romanesque à souhait nous invite à tresser une belle dizaine d’histoires, sous l’angle même des protagonistes : Guillaume, le directeur de l’hôtel, Matheo, son ami de toujours, sa fille Giulia, adolescente attachante à laquelle s’attachent nombre de personnages. Les couples se forment ou se reforment sous nos yeux. C’est la sensualité ordinaire, tactile ou éphémère des corps en désir, en attente. Thomas, toujours en deuil d’Emilio a trouvé en Lior un nouveau compagnon de vie. Eytan a repris place auprès de sa maîtresse. Elena pleure la perte d’Enzo. Abigale se rapproche de Guillaume.