Identification

La Une Livres

Les Saisons et les jours, Caroline Miller (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 11 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Belfond

Les Saisons et les jours, Caroline Miller, mars 2022, trad. de l’anglais (USA) Michèle Valencia, 437 pages, 14 € Edition: Belfond

Paru un an avant Autant en emporte le vent, Les Saisons et les jours (1933) avait une réputation à tout le moins flatteuse, mais souffrait d’une singulière absence en librairie : un roman dont on entendait parler bien plus qu’on ne le lisait, malgré son succès colossal aux Etats-Unis durant plus de trente ans – puis un oubli lié probablement à l’arbre qui cachait la forêt : Autant en emporte le vent. L’ironie de la chose est que Margaret Mitchell fut découverte suite au succès du roman de Caroline Miller, qui reçut en 1934 le Prix Pulitzer : le roman du Sud des Etats-Unis, ce Sud perdant de la guerre de Sécession, c’est elle qui l’a inventé (ou presque), elle qui naquit en Géorgie et mourut en Caroline du Nord.

Ces lieux se retrouvent dans Les Saisons et les jours, mais inversés : la famille de Cean Carver est partie de Caroline pour arriver en Géorgie avant sa naissance, et sa mère qui « était née dans les collines rouges […] ne s’habituait pas aux bancs de sable, aux plaines boisées, immenses et solitaires, chichement ombragées par des pins aux longues aiguilles, qui soupiraient sans cesse, gémissaient par temps orageux et que les forts vents d’automne déracinaient et laissaient se dessécher au fil des saisons ».

Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find), Flannery O'Connor (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 10 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find, 1953), trad. américain, Henri Morisset, 231 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Flannery O'Connor Edition: Folio (Gallimard)

La signature de Flannery O’Connor est reconnaissable entre toutes : dans un style proche de la langue des paysans du Sud, dans des situations qui frisent le burlesque, avec des personnages éminemment drôles, elle nous raconte des histoires terribles, proches de l’épouvante parfois. Comment lire le massacre d’une famille entière – de la grand-mère aux jeunes enfants – par des psychopathes sanglants, tout en ne cessant de rire ou sourire ? Eh bien en lisant la première nouvelle de ce recueil, éponyme du recueil, Les braves gens ne courent pas les rues. Le burlesque macabre accompagne toute l’œuvre de O’Connor, comme il accompagne les profonds de la culture sudiste, faite de haine et d’amour dont on ne sait quoi de l’un ou de l’autre est le pire. Faite aussi d’un rapport débile et violent à Dieu, à la religion, dans lequel les cœurs se perdent sans trop savoir où est le bien, où est le mal. Ajoutez à cela les freaks, inévitables dans les pratiques consanguines et incestueuses largement répandues dans le Delta et ses environs : corps malingres, difformes, esprits idiots, égarés, et vous aurez le tableau complet qui fait fond à ces nouvelles. Une mise en scène d’un Sud miséreux, vaincu, perdu.

Mes instantanés, Beyrouth-Paris, 1990-2021, Ninar Esber (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 09 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Mes instantanés, Beyrouth-Paris, 1990-2021, Ninar Esber, éditions du Canoë, mars 2022, 160 pages, 15 €

 

La Libanaise Ninar Esber propose ici, après deux autres livres, son premier livre de poèmes. C’est un recueil, dense, fort, hallucinant de réalité réinterprétée et revécue, dans le sillage d’un Zrika, celui des Bougies noires.

Livrer, de Beyrouth, une image qui ne soit pas seulement historique, ethnographique ou simplement humaine, mais la matière même d’un regard qui a percé le réel de toutes parts pour y mettre la guerre, la faim, la ruine, la peur, la blessure. On sent le souffle, le soufre, la hantise des lieux, le bruit des balles, des obus, des corps.

De Beyrouth à Paris, où elle vit et travaille, la poète nomme toutes les tensions qui traversent un corps dans une ville qui tremble. Faire l’apprentissage de la mort dans son propre corps, ressentir aussi la progression des blattes, humer et détester la poussière, parler du corps ankylosé par la peur : tout cela figure bien ici au sein de poèmes dont l’instant est garant en matière de ressenti et de vécu :

Vanité de Duluoz, Jack Kerouac (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 06 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Récits, Folio (Gallimard)

Vanité de Duluoz, 518 pages . Ecrivain(s): Jack Kerouac Edition: Folio (Gallimard)

 

Un dernier livre donne envie de relire l’ensemble. Pour avoir apprécié Avant la route, Sur la route (dans ses deux versions), Le Vagabond solitaire et Big Sur, j’avoue avoir retrouvé dans cet ultime ouvrage de l’auteur qui ne lui survivra qu’un an (Kerouac est mort en 1969, à quarante-sept ans) tous les atouts d’une œuvre se démarquant par sa dose d’instantanéité romanesque, sa stylistique imparable tissée de vitesse, de poésie et de culture, et surtout par le tableau ethnographique que Kerouac donne de la société de son temps, au filet de sa conscience et de son vécu.

Ce livre, donc, relate ses expériences multiples entre 1935 et 1946, soit le temps d’une « éducation aventureuse » (sous-titre qu’il s’est choisi pour l’œuvre de 1968), entre foot américain, expériences de marin en guerre, découvertes universitaires (à la Columbia), plus divers petits métiers pour que Ma et Pa ne terminent pas dans la misère, entre déménagements et emménagements (avec sa première femme Johnnie), entre beuveries et initiation à la vie réelle, laborieuse.

Carnets secrets du Boischaut, Catherine Dutigny (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 05 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions Maurice Nadeau

Carnets secrets du Boischaut, mai 2022, 275 pages, 19 € . Ecrivain(s): Catherine Dutigny Edition: Editions Maurice Nadeau

 

 

Sur un village rural ordinaire du Berry profond plane dans les années cinquante la menace diffuse et permanente de la révélation d’une vérité fort dérangeante pour les uns ou les autres du rôle qu’aurait joué un membre de la communauté villageoise quant à la dénonciation calomnieuse de collaboration avec les Allemands, au moment de l’épuration, du mari de Marthe, la propriétaire d’une exploitation agricole dont les terres sont avidement convoitées par certains de ses voisins. Ledit époux, dont l’innocence ne sera reconnue qu’après qu’il aura été fusillé, avait le tort, pour nombre de villageois, d’être Alsacien, donc étranger à la région, marqué comme proche des Teutons par son fort accent germanique, et d’avoir marié, à la place d’Untel qui ne l’aura pas digéré, la belle et riche Marthe.