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Les Chroniques

Journal - Nuit du 25 janvier par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Vendredi, 27 Février 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

… Je vis parfois comme si j’avais raté quelque chose. Comme si j’avais raté un rendez-vous, une rencontre. Une obligation. Cela me fait souffrir parfois. Atrocement. Je me sens coupable. Presque traitre à quelqu’un. J’aurais dû le chercher, le trouver aussi et lui dire quelque chose dont j’ai oublié le sens et la langue. Parfois, quand j’écoute les vieilles musiques des années 80 cela me tort le cœur : quelque chose manque. J’ai beau essayer, je me creuse la mémoire à mains nues, je supplie presque. Mais rien ne vient. Juste de la culpabilité. Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? J’ai essayé d’être le meilleur et de briller et de faire de mon mieux mais cela ne suffit jamais à atténuer le sentiment de culpabilité et d’échec. Je revois les anciennes années, ma grand-mère avec qui je vivais, la cheminée de la maison coloniale, le village pauvre et j’essaye presque de crier derrière une vitre : c’est là, sous mes yeux. C’est là que j’aurais dû faire quelque chose. J’avais je crois huit ans et je n’avais pas compris qu’il n’y avait pas d’éternité. J’ai envie de supplier un Dieu de me donner une deuxième chance, de recommencer car là je SAIS.

Poèmes à la musique - À propos de La troisième main, de Michèle Finck

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 25 Février 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

À propos de La troisième main, de Michèle Finck, éd. Arfuyen, 2015, 13€

La relation de la poésie avec les autres arts, est une affaire vive et forte. Et c'est bien là l'effet, vif et fort, de ce livre de Michèle Finck, que je voudrais souligner. Car à partir de ces textes, on est plongé dans la profonde essence de la musique, c'est-à-dire, l'agrandissement, ou plus précisément la dilatation du temps. Et la poésie est assez vaste pour accueillir ce monde augmenté.

 

Dans ses mains le violoniste porte le monde

Passé et présent. Mais d'où venue la troisième main,

L'invisible, main de la grâce, qui se pose sur les fronts ?

Elle porte l'espoir d'une arche future de lumière. Bach

A écrit pour cette troisième main. Menuhin le sait.

Je suis Kurde !

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 24 Février 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED, Côté actualité

Souffles…

 

La fierté est kurde. Le courage aussi. J’ai toujours adoré la littérature kurde, la musique et la nature pittoresque. Quand j’ai lu il y a de cela quelques mois Foukahaou adhalam (Fekihs de l’obscurité) ou Hiyyaj el-iwaz (Furie des oies), deux romans de Salim Barakat, je me suis demandé : d’où puisent-ils ces écrivains kurdes leurs forces et leur magie des mots, leur courage inégalé ?

Aujourd’hui, avec ce qui se passe en terre des Kurdes et sur ses frontières arabes, j’ai parfaitement compris le génie de ce peuple forgé dans la tragédie historique. Cette belle littérature tire son secret de la femme et de l’amertume de sa tragédie historique.

Kobané, plutôt le combat dans cette ville extraordinaire, nous a bien expliqué, nous a bien indiqué l’origine de ce feu sacré qui alimente la littérature kurde. Le combat de Kobané est une leçon pour Arabes, pour Turcs et pour les Iraniens qui perpétuent dans leur mépris envers les Kurdes. Qui continuent dans l’exclusion d’un peuple avec tout ce qu’il a d’histoire et de géographie. En somme ils persistent dans leur colonisation du pays des Kurdes.

# 2 - le pull orange

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 20 Février 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

 

J’ai revu Un Batman dans ta tête au Théâtre Ouvert. Mathieu ou Thomas dans la baignoire matricielle de sa mère ogresse : celle qui crie les cris. Il y eut un entracte, une pause durant laquelle on bavarde, on prend un verre, encore tout habités par ce que l’on a vu et écouté. Après Batman, il y a Sauver la peau ; même auteur (David Léon), même metteure en scène (Hélène Soulié), même solitude du monologue et presque même durée (1h15 environ), symétrie entraînant d’ailleurs des coupures dans le texte de David Léon. Mais Mathieu, l’enfant en short, qui parlait depuis sa mort, ses cendres, a laissé la place à son grand frère. Manuel Vallade a succédé à Thomas Blanchard, sous la coupole de métal. Adulte en pantalon noir et pull-over orange aux traits apaisés, presque souriant.

Roland Barthes nous manque

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Février 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED, Côté Philo

 

En cette année anniversaire, il nous faut bien constater que Roland Barthes nous manque. Terriblement. C’est là un manque qui fait béance, tant notre époque – disons celle qui débute avec ce XXIème siècle qui s’annonce chaotique et illisible – aurait un besoin immense des outils de sa pensée et de l’acuité de son regard. Les outils, on peut penser que nous les avons. Mais que sont-ils sans son regard ?

C’est là le propre de la pensée de Roland Barthes : ce n’est pas un prêt-à-porter. Ce n’est pas non plus un « système » de lecture. C’est une myriade de pistes, de directions, de méthodes pour voir le monde, le langage et les analyser. La genèse linguistique du travail de Barthes a laissé le champ ouvert aux syntagmes, paradigmes, morphèmes d’une œuvre polymorphe et éclatante d’inventivité. Il n’y a pas de pensée-Barthes, il y a une intelligence-Barthes et c’est à la fois sa grandeur et sa difficulté.

Quand on lit S/Z ou Mythologies ou Fragments d’un discours amoureux, on sent bien que l’on n’a pas à faire à des œuvres de « philosophe », c’est-à-dire de faiseur de monde clos. L’écriture de Barthes est traversée par l’élégance poétique, par des illuminations littéraires, par un souffle qui se situe bien au-delà de la raison raisonnante.