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Les Chroniques

Petit hommage aux éditions des Busclats

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 05 Décembre 2015. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

 

Frédéric Fredj, ami de longue date de La Cause Littéraire, anime bénévolement depuis 1998 Les Mille-feuilles, association qui a comme visée d’être un soutien infaillible à la littérature et aux maisons d’éditions indépendantes. Il organise des soirées mensuelles d’échanges avec des écrivains contemporains dans un restaurant de la rive gauche.

C’est lors d’une de ces soirées que j’ai rencontré les deux créatrices et responsables des éditions des Busclats, Marie-Claude Char et Michèle Gazier, consacrée à Annie Ernaux lors de la sortie de son livre L’atelier noir. Je les ai retrouvées avec plaisir pour la présentation de leurs trois dernières publications. Chantiers de Marie-Hélène Lafon, Comme une image de Tiffany Tavernier et Signoret ou la traversés des apparences de Chantal Pelletier. Elles ont parlé de leur travail avant de laisser la parole aux trois femmes écrivains du jour.

La voix des morts - à propos de Mère de guerre de Adolphe Nysenholc

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 03 Décembre 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Mère de guerre de Adolphe Nysenholc, éd. Lansman, 2006, 8 €

 

L’auteur belge, Adolphe Nysenholc, qui a été le premier à soutenir une thèse de cinéma en Belgique, écrit aussi pour le théâtre. Mère de guerre a été créé aux Ecuries de la Maison Haute, en 2006 à Bruxelles, dans une mise en scène de Jacques Neefs, et a fait l’objet d’une publication chez Lansman, la même année. Mais avant d’en venir à mon propos, c’est-à-dire le sujet de la pièce, je voudrais préciser que j’ai rencontré l’auteur à Bruxelles en octobre dernier et qu’il m’a, dans la confiance, livré son histoire personnelle, celle d’un enfant sauvé de l’extermination nazie par un couple de belges néerlandophones. Ses parents, juifs polonais, se sont ainsi tragiquement sacrifiés pour le sauver (quand il était petit), en le remettant entre les mains de ce couple de flamands, avant d’être gazés à Auschwitz. Adolphe Nysenholc est donc un miraculé de la Shoah.

L’Algérien peut-il être touriste ?, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 01 Décembre 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

L’Algérien peut-il être touriste ? « Non », répond le voyageur, à l’amie écrivaine assise à côté dans l’avion du retour. Pour être touriste il faut avoir accès à de l’euro sans passer par la contrebande, puis avoir des droits devant le guichet et pas une collection de névroses et d’inquiétudes, ensuite il faut avoir un pays pour souhaiter en voir d’autres. Et non fuir son pays pour souhaiter le remplacer par d’autres. Ensuite, il faut sentir le monde comme promesse et pas comme délivrance, l’univers comme une interrogation et pas comme une salle d’attente. Ensuite il faut aimer la route et pas la craindre, attendre la nouveauté et non pas répéter qu’elle est après la mort, espérer l’Autre et non le craindre, chercher à le comprendre et pas à le convertir, songer à rêver avec lui et pas à le contourner parce que impie, différent, nu ou priant de gauche à droite. Ensuite, il faut être libre chez soi pour que le reste du monde augmente votre liberté et ne serve pas à éclairer votre prison par son jardin de contrastes et ses villes de lumières. Ensuite il faut réparer en soi la curiosité qu’ont tuée les religions, les certitudes, le ciel qui pèse, la fatwa, la peur et les ancêtres et la guerre et la méfiance. Il faut que l’Autre devienne un monde et pas une menace, que la terre soit vaste et pas étroite comme un avis, que la mer ne fasse pas peur et que le but soit l’air d’ici et pas les rivières au paradis et que cesse la terreur de se voir voler sa terre si on la quitte un moment ou que les siens n’oublient votre nom qui est votre seule adresse faute d’autres lieux de tendresse et d’appartenance.

Terrorisme islamique : 1+1+1+1+1+1 = 1, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Lundi, 23 Novembre 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

 

1+1+1+1+1+1 = 1, telle est l’équation qui définit la structure pyramidale du terrorisme islamique.

Les organismes islamistes terroristes se ressemblent tous. Ils sont identiques : les fronts, les groupes, les troupes, les partis, les armées, les clubs, les associations, les fondations. Ils changent ou s’échangent d’appellation mais tout en gardant les actes intacts. Changent la langue mais conservent le même esprit. Reproduisent les mêmes violences dans le discours comme dans la réalité. Changent de géographies tout en se partageant, héritant l’amour du sang et la culture de la haine de l’autre, le différent.

Daech (État islamique) + Ennousra + Takfir wa el-Hijra + Taliban + Jounoud Achcham + El-Fath+ GIA, Boko Haram + al-Qaïda = El-Ikhwane el mouslimine (les frères musulmans).

Que dire ?, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 19 Novembre 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

La nouvelle est tombée de nuit, sur ma tête, à Brooklyn. Une peur noire, étouffante, sèche. Car j'étais algérien, et je savais ce que cela signifiait, une guerre : la ruine de l'humain, la rupture, le triomphe des aveuglements. Quelque chose que je vois se dessiner depuis des années au coeur du monde pour le tuer. Je me suis donc senti traqué, acculé, pestiféré à cause de ma géographie : j'étais entre le monde qui tue et le monde qu'on assassine. À quoi pouvaient servir désormais des gens comme moi en temps de guerre ouverte ?

Ma première inquiétude, après le choc des morts, était la nationalité des tueurs. Car, aujourd'hui, le tueur tue sa victime mais aussi son pays d'origine.

Le plus dur était de réagir. Et il ne resterait rien à dire justement. La condoléance est usée et proclamer son indignation était insuffisant, banal, comme serrer la main d'un mort. L'humanité n'avait pas ma peau et le barbare avait mon visage. Toute la tragédie de l'otage. J'étais un homme brun entre deux rives, vendeur d'une vision du monde que démentait la déflagration. Ce cri, je l'entendrais souvent et il me terrorisait, « Allahou akbar », Dieu est grand. Et là, il venait encore de retentir, dans la bouche des tueurs, pour faire rétrécir le monde, apportant accusations, racismes, méfiance, insultes et cadavres. « Dieu est grand » vous fait sentir petit et présage la mort, pas l'extase face à une divinité.