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Les Chroniques

L’Algérien peut-il être touriste ?, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 01 Décembre 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

L’Algérien peut-il être touriste ? « Non », répond le voyageur, à l’amie écrivaine assise à côté dans l’avion du retour. Pour être touriste il faut avoir accès à de l’euro sans passer par la contrebande, puis avoir des droits devant le guichet et pas une collection de névroses et d’inquiétudes, ensuite il faut avoir un pays pour souhaiter en voir d’autres. Et non fuir son pays pour souhaiter le remplacer par d’autres. Ensuite, il faut sentir le monde comme promesse et pas comme délivrance, l’univers comme une interrogation et pas comme une salle d’attente. Ensuite il faut aimer la route et pas la craindre, attendre la nouveauté et non pas répéter qu’elle est après la mort, espérer l’Autre et non le craindre, chercher à le comprendre et pas à le convertir, songer à rêver avec lui et pas à le contourner parce que impie, différent, nu ou priant de gauche à droite. Ensuite, il faut être libre chez soi pour que le reste du monde augmente votre liberté et ne serve pas à éclairer votre prison par son jardin de contrastes et ses villes de lumières. Ensuite il faut réparer en soi la curiosité qu’ont tuée les religions, les certitudes, le ciel qui pèse, la fatwa, la peur et les ancêtres et la guerre et la méfiance. Il faut que l’Autre devienne un monde et pas une menace, que la terre soit vaste et pas étroite comme un avis, que la mer ne fasse pas peur et que le but soit l’air d’ici et pas les rivières au paradis et que cesse la terreur de se voir voler sa terre si on la quitte un moment ou que les siens n’oublient votre nom qui est votre seule adresse faute d’autres lieux de tendresse et d’appartenance.

Terrorisme islamique : 1+1+1+1+1+1 = 1, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Lundi, 23 Novembre 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

 

1+1+1+1+1+1 = 1, telle est l’équation qui définit la structure pyramidale du terrorisme islamique.

Les organismes islamistes terroristes se ressemblent tous. Ils sont identiques : les fronts, les groupes, les troupes, les partis, les armées, les clubs, les associations, les fondations. Ils changent ou s’échangent d’appellation mais tout en gardant les actes intacts. Changent la langue mais conservent le même esprit. Reproduisent les mêmes violences dans le discours comme dans la réalité. Changent de géographies tout en se partageant, héritant l’amour du sang et la culture de la haine de l’autre, le différent.

Daech (État islamique) + Ennousra + Takfir wa el-Hijra + Taliban + Jounoud Achcham + El-Fath+ GIA, Boko Haram + al-Qaïda = El-Ikhwane el mouslimine (les frères musulmans).

Que dire ?, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 19 Novembre 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

La nouvelle est tombée de nuit, sur ma tête, à Brooklyn. Une peur noire, étouffante, sèche. Car j'étais algérien, et je savais ce que cela signifiait, une guerre : la ruine de l'humain, la rupture, le triomphe des aveuglements. Quelque chose que je vois se dessiner depuis des années au coeur du monde pour le tuer. Je me suis donc senti traqué, acculé, pestiféré à cause de ma géographie : j'étais entre le monde qui tue et le monde qu'on assassine. À quoi pouvaient servir désormais des gens comme moi en temps de guerre ouverte ?

Ma première inquiétude, après le choc des morts, était la nationalité des tueurs. Car, aujourd'hui, le tueur tue sa victime mais aussi son pays d'origine.

Le plus dur était de réagir. Et il ne resterait rien à dire justement. La condoléance est usée et proclamer son indignation était insuffisant, banal, comme serrer la main d'un mort. L'humanité n'avait pas ma peau et le barbare avait mon visage. Toute la tragédie de l'otage. J'étais un homme brun entre deux rives, vendeur d'une vision du monde que démentait la déflagration. Ce cri, je l'entendrais souvent et il me terrorisait, « Allahou akbar », Dieu est grand. Et là, il venait encore de retentir, dans la bouche des tueurs, pour faire rétrécir le monde, apportant accusations, racismes, méfiance, insultes et cadavres. « Dieu est grand » vous fait sentir petit et présage la mort, pas l'extase face à une divinité.

Le 11 septembre permanent et ses effets calculés, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 17 Novembre 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

La nuit tombe très tôt à New-York. Et c'est sur le pont de Manhattan, dans un taxi, que le chroniqueur a essayé de trouver des mots après avoir appris que Paris brûle. Difficiles à trouver dans le débris de la stupéfaction. Les immeubles de Manhattan, reflétés par les eaux, étaient brillants mais l'esprit était obscur derrière la vitre de la voiture qui déroulait le monde nocturne. Une première pensée, fulgurante, pour les morts, les siens, ceux que l'on connaît. Ce sont des quartiers fréquentés par des amis. Et soudain, la peur devient sécheresse. Comme on l'a longtemps éprouvé en Algérie durant les années noires : on est en deuil, au début, puis la mort revient si souvent qu'elle provoque le dessèchement. Puis arrive l'autre peur, égoïste mais humaine : quelle est la nationalité des tueurs ? Non pas qu'ils en aient une, mais parce que le couteau tue la victime mais aussi le pays où il a été fabriqué : des tueurs parmi les refugiés accueillis en Europe ces derniers temps, signifiait des dizaines de morts en France mais des portes fermées en Europe. Cela voulait dire la fin de l'accueil, le repliement du monde et donc la fin du monde pour ceux qui fuient la guerre. C'est la catastrophe de la solidarité et le triomphe des extrêmes. Un Occident noir, clos, en colère et qui refusera de partager ou d'éclairer. L'Occident est coupable d'humanité et de crime contre l'humanité : il est sujet et objet. Désir et refus. On veut le tuer et nous mourrons en même temps. On veut y vivre mais ne pas l'accepter.

François Ier, Roi de France, Roi-Chevalier, Prince de la Renaissance française, Max Gallo

Ecrit par Vincent Robin , le Mardi, 17 Novembre 2015. , dans Les Chroniques, La Une CED

« Mon Dieu que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je déplu de m’avoir fait celui par lequel la chrétienté pouvait demeurer en repos » (p.349). Quand l’histoire surgit aux trois-quarts des présomptions, des états de conscience et du dialogue intérieur de ceux qui y prirent part, sa reconstitution ne saurait dépendre uniquement du recensement des marques physiques laissées par eux dans le marbre. Chambord ou Chenonceau ne sauraient de cette manière témoigner d’un savoir de bâtisseur glorifiant à jamais la pierre et sa sculpture éblouissante en-dehors de tout projet humain. Par extension, reconstituer l’agencement des temps anciens ne peut se réduire aux réassemblages de pièces mécaniques exhumées par l’archéologie pour remettre en action virtuelle la machine des déroulements antérieurs. Il nous est indispensable de connaître l’âme de ceux qui en furent les concepteurs et les agenceurs.  Habile sous cet angle et pour donner un sens aux extractions, dans le rôle d’un dénicheur de latences et décrypteur de filigranes, dans l’emploi délicat du littérateur-rassembleur doublé de l’historien à la connaissance solide, Max Gallo s’inscrit sûrement parmi nos précieux analystes et rapporteurs actuels de la trame du temps. Il est pourtant celui à qui certains puristes de « science froide » reprochent parfois sa propension lyrique et narrative, sous ce pli, le détournement d’un genre ou encore ses distances prises avec les institutions sacrales du « vrai de la discipline ». N’est toutefois pas qui veut, ni académicien ni maître de plume, a fortiori passeur de mémoire !