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Les Livres

La main sur le cœur, Yves Harté (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 13 Avril 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Arts, Le Cherche-Midi

La main sur le cœur, Yves Harté, Le Cherche-Midi, Coll. Les Passe-Murailles, août 2022, 160 pages, 18,90 € Edition: Le Cherche-Midi

 

« À mesure que se croisent le souvenir de Veilletet et le portrait de Juan de Silva, comme deux images au-dessus de ces plaines où nous avions si souvent roulé, je vois naître leur tristesse soigneusement masquée. Trop d’exubérance chez l’un. Trop de solennité chez l’autre ».

« Ici je me sens sudiste, et j’ai mes zones humides jusqu’au fond de l’Andalousie, dans La Marisma. La vache flamande ou médocaine y est remplacée par le taureau de combat, mais c’est le même territoire imbibé, que le soir enveloppe de vapeurs et de silence, le même horizon bas qui s’affale pour laisser toute la place au ciel dans le tableau » (Pierre Veilletet) (1).

La main sur le cœur est un livre, où un tableau, un portrait unique et admirable, déclenche chez l’auteur une effervescence de mémoire. Il retrouve, par le miracle d’une toile du Greco et de son modèle, un temps qu’il croyait perdu. Ce temps qu’il partagea avec Pierre Veilletet (2), sur les routes d’Espagne, entre les musées et les arènes, dans des années déjà anciennes où un toro noir d’Osborne, perché sur une colline, veillait sur les voyageurs.

A ceux qui ont tout perdu, Avril Bénard (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 13 Avril 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

A ceux qui ont tout perdu, Avril Bénard, Editions des Instants, janvier 2023, 195 pages, 19 €

 

Que feriez-vous si demain des soldats vous demandaient de faire vos bagages en 2 heures pour prendre un bus et se sauver ? Comment « faire le bagage d’une vie » ? C’est ce qu’a imaginé l’auteure à travers 8 personnages : Manon et Jeanne (sa fille), Louis (son mari), Paul, Marek, une dame âgée, Shoresh (sourd de naissance), Guy (« SDF ») et Totem (son chien). Ainsi qu’une famille nombreuse, qui forme la psyché d’une famille unie et un « je », né comme l’auteure en 1986. La date est importante car elle témoigne du début d’un certain désenchantement du monde industriel. Les années 80 ont créé de jeunes adultes fragiles, une génération qui croit en l’avenir et non pas en dieu. Mais à quel saint se vouer une fois que l’avenir se dissout et que l’on ne réussit plus à l’imaginer ?

Ce roman est particulièrement incisif car il reflète à la fois la légèreté de la vie moderne et sa fragilité. Tout peut basculer du jour au lendemain. L’auteure arrive à jouer plusieurs partitions à partir d’un même évènement. Elle sait mettre en valeur la différence de coloration psychique d’un fait identique qui rebondit de chapitre en chapitre à travers chaque personnage.

Imprécations nocturnes, Grégory Rateau (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 13 Avril 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Imprécations nocturnes, Grégory Rateau, Éditions Conspiration, novembre 2022, Préface Jean-Louis Kuffer, 78 pages, 10 €

 

Contre qui le poète Grégory Rateau lance-t-il ses « imprécations nocturnes » ? Quels oiseaux de malheur tente-t-il d’anéantir ? La poésie semble dans tous les cas la forme requise, puisque l’imprécation est du registre de la prière, ici invocatrice plutôt que de recueillement. Le titre rappelle la magie noire versus la magie blanche, les oiseaux nocturnes à différencier des espèces diurnes, Artaud le Mômo invoquant et proférant/vociférant dans le martèlement de la Langue qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec l’Imposture… La Voix du poète lance l’anathème contre : contre les impasses de l’amitié (« j’ai échoué en suivant des ombres / dans les impasses de l’amitié »), les inepties du déterminisme (« bringuebalé aux douanes du hasard »), l’imposture des croyances, des attaches et des liaisons mensongères (« mythes sans fondation » ; « inconnus sans adresse/poussière noire balayée au fil du patronymes/ et malmenée par les unions indignes »)… On se souvient des « fureurs » lancées par Léo Ferré et son fils Mathieu reprenant ce terme même pour désigner l’intégralité de l’Œuvre du poète-chansonnier, Les Chants de la fureur.

La Côte Sauvage, Jean-René Huguenin (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Avril 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

La Côte Sauvage, Jean-René Huguenin (1960), Points, 1995, 172 pages, 6,50 € Edition: Points

 

Une vie foudroyée, un succès foudroyant, un oubli qui ne l’est pas moins. Voilà résumé le passage de Jean-René Huguenin sur cette terre, passage marqué au fer rouge par cet ouvrage en particulier, roman de la jeunesse traversé par les lumières et les ombres qu’elle implique, inévitablement. Huguenin est mort broyé dans une voiture le 22 septembre 1962, à 26 ans, à toute vitesse, dans la cruelle ardeur de son âge. La lecture de son brûlant Journal (Points Signatures) nous découvre un jeune homme ardent, blessé par la mollesse de son époque, fasciné par le dépassement de soi et la recherche de la force de caractère. Tous les témoignages de ceux qui l’ont connu concordent pour dresser le portrait d’un garçon redoutablement séduisant, exerçant une forte influence sur ses camarades, cassant et hautain. Ce jeune homme ressemble fort au héros de ce roman, Olivier, personnage doté d’une grande puissance mais souffrant de blessures intimes aussi irréparables que d’origine mystérieuse.

Elizabeth Finch, Julian Barnes (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 11 Avril 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Mercure de France

Elizabeth Finch, Julian Barnes, Mercure de France, septembre 2022, trad. anglais, Jean-Pierre Aoustin, 197 pages, 19 € . Ecrivain(s): Julian Barnes Edition: Mercure de France

 

Neil, la trentaine, ex-comédien qui a du mal à se trouver s’est inscrit à un cours pour adultes. Son professeur, Elizabeth Finch, cadre d’emblée la teneur de ses interventions. Son enseignement de « culture et civilisation » fera plus référence à la maïeutique, au dialogue socratique qu’au bourrage de crâne et à la prise de notes. Elle s’adresse à des adultes et souhaite une classe active. Malgré ou à cause de sa vêture : ses chaussures plates, sa jupe qui descend juste au-dessous du genou mais aussi grâce à sa langue juste, précise, son intelligence aiguisée, il émane de sa personne une aura très particulière qui attire entre autres Neil. Ce dernier captivé très vite par ses cours devient un inconditionnel d’E.F. Ainsi, celui qui passait pour un instable, devenu platonicien en herbe ne tarde pas à succomber à ce qu’il faut bien appeler le charme singulier de son professeur. Après avoir entendu un peu de son message sur sainte Ursule et ses onze mille vierges, puis beaucoup plus sur Julien l’Apostat, source inépuisable de « dialogues » il osera l’inviter à déjeuner.