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Les Livres

La connaissance de la douleur (La cognizione del dolore), Carlo Emilio Gadda (par Leon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points, En Vitrine, Italie, Cette semaine

La connaissance de la douleur (La cognizione del dolore, Einaudi 1963), Carlo Emilio Gadda, Ed. Points, trad. italien, Louis Bonalumi, François Wahl, 247 pages . Ecrivain(s): Carlo Emilio Gadda Edition: Points

 

Gadda est un écrivain fasciné par le semblant littéraire, la faculté de la littérature de tordre la réalité pour la sertir mieux dans l’écriture fictionnelle. Le cadre même de ce roman est un masque qui cache la réalité : le pays imaginaire inventé par Carlo Emilio Gadda, le Maradagàl, situé dans une Amérique du Sud fantasmée, sert d’écran à une géographie dont on ne peut douter qu’elle soit celle du nord de l’Italie, de la Lombardie milanaise. Toutes les descriptions locales en attestent, des paysages vallonnés, piquetés de villas bourgeoises. Un personnage, Bertoloni, est un émigré lombard. Même le fromage – qui a droit à une description inoubliable et burlesque – le croconsuelo cache à peine le très fameux gorgonzola dans un paragraphe à la saveur… dégoulinante !

La Famille, Naomi Krupitsky (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Gallimard

La Famille, Naomi Krupitsky, Gallimard, mars 2023, trad. anglais (USA) Jessica Shapiro, 400 pages, 24 €

 

C’est l’histoire d’une (deux en fait) famille d’origine sicilienne, aux États Unis des Années trente aux années d’après-guerre, qui appartiennent à la Famille, la mafia donc. « Le Parrain » un et deux, en littérature ? À la fois différent, et mieux. Remarquable fresque qui déploie son impeccable tissu, chaîne et trame, sans oublier les couleurs, sur deux (et demi) générations d’Italo-Américains, installés dans un Brooklyn d’avant celui qu’on connaît, mélangeant le quotidien des familles – parfait rendu historique, le déroulé des saisons si particulières à New York, et le point de vue choral des principaux intervenants.

C’est la grande Histoire brassant le vécu de ces émigrés débarquant, perdus et apeurés à Ellis Island, au début du XXème siècle, avec au fond de leurs cartons un peu de la terre sicilienne, puis pendant la guerre, fuyant l’Europe nazie.

Botaniska poesi, Pierre-Olivier Lambert (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Botaniska poesi, Pierre-Olivier Lambert, éditions Ars-Poetica, mars 2023, trad. suédois, Laure-Hélène Dardelay, 111 pages, 18 €

 

Âpreté

Dire en quoi ma lecture s’est appuyée sur le style de l’auteur bordelais Pierre-Olivier Lambert, c’est désigner une pointe sèche, une âpreté de la touche, un caractère maigre (comme on l’oppose au gras en peinture), un lyrisme sourd, une pratique de l’épure, une absence d’emphase, somme toute une poésie taillée sans aucune exagération, une sorte de poésie d’une rigueur crue presque rude. Du reste, la répartition physique de l’ouvrage reprend bien l’idée d’un ordre esthétique. Calme énonciation distribuée en 10 sections de 4 poèmes, assorties d’une dernière section d’un seul poème, correspondant en un sens à la chronicité des saisons et des cycles de la nature. Ici, tout tourne autour du Jardin botanique de Göteborg – d’où la traduction en suédois (ce qui est original pour un livre publié en français).

Sur la terre des vivants, Deborah Levy-Bertherat (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 22 Mai 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Rivages

Sur la terre des vivants, Deborah Levy-Bertherat, Rivages, avril 2023, 384 pages, 21 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Sur la terre des vivants est une fresque familiale qui retrace, à travers le vingtième siècle, la destinée des arrière-grands-parents paternels de l’auteure, Elkan et Fiete Levy, gérants d’un hospice (Altenhaus) sur les rives de l’Elbe à Hambourg et parents d’une nombreuse fratrie.

Mais ce livre évoque plus particulièrement le destin rocambolesque de leur fille cadette Irma, femme rebelle, indomptée. L’ouvrage commence d’ailleurs par le récit de sa naissance en 1903, et s’achève au soir de sa vie. Petite sœur du grand-père Kurt, Irma Levy, survivante du camp de concentration, est animée d’un caractère bien trempé et tournera toute sa vie le dos aux conventions et aux traditions. Ainsi, elle refusera de se marier comme le veut la tradition juive et gardera toujours son esprit espiègle d’enfant malgré les épreuves terribles qui jalonnent son existence comme sa détention au camp de Theresienstadt, « … la forteresse est un vaste hôpital, un asile de fous et les vingt-neuf camarades du dortoir arrivent parfois à en rire. Entre elles, pour plaisanter, elles appellent Theresienstadt : “chez Marie-Thérèse” ou “chez l’impératrice”. Elles évitent le mot humiliant de ghetto ».

Vivre à ta lumière, Abdellah Taïa (par Luc-André Sagne)

, le Lundi, 22 Mai 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Maghreb, Seuil

Vivre à ta lumière, Abdellah Taïa, Le Seuil, mars 2022, 208 pages, 18 €

 

Vivre à ta lumière, le dernier ouvrage paru d’Abdellah Taïa, met en scène une femme marocaine à la forte personnalité, Malika, des années 1950 aux années 1990. Met en scène au sens propre tant est forte l’impression d’être sur les planches d’un théâtre, devant une parole toute-puissante qui se livre, celle de Malika, en un long monologue que viennent parfois interrompre, mais toujours brièvement, d’autres paroles. Une oralité qui emporte tout. Si l’on suit ici un ordre plutôt chronologique (le précédent ouvrage de l’auteur en revanche, Celui qui est digne d’être aimé, remontait le temps), c’est peut-être parce qu’Abdellah Taïa a voulu faire de ce monologue un récit, historique autant qu’intime, celui de la vie de cette femme, de la jeune veuve de 20 ans à la « vieille » femme de 65 ans, dans un Maroc en pleine mutation, de la décolonisation au règne du roi Hassan II.