Identification

Les Livres

Constance Pascal, Une pionnière de la psychiatrie française, Felicia Gordon (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 25 Août 2023. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Constance Pascal, Une pionnière de la psychiatrie française, Felicia Gordon, éd. Des femmes-Antoinette Fouque, mai 2023, trad. anglais, Danièle Faugeras, 368 pages, 22 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Vie et mort d’une femme aliéniste innovatrice

L’étude remarquable de Felicia Gordon (historienne, spécialiste du féminisme français dans ses dimensions sociales et politiques et de l’histoire de la médecine, professeure émérite du Wolfson College à Cambridge, notamment autrice d’une biographie sur Madeleine Pelletier, non traduite), sort de l’ombre et de l’oubli l’une des premières femmes psychiatre, novatrice, née en Roumanie en 1877, morte en France en 1937. Felicia Gordon puise dans les archives familiales de Jeanne Pascal-Rees et aux sources de Jean-Michel Barbier, auteur d’une thèse de médecine sur Constance Pascal en 1997. La grande scientifique Constance Pascal a « ouvert une fenêtre » sur les personnes atteintes de troubles mentaux, considérés alors comme « anormaux », « dégénérés », « imbéciles », « crétins », « déments », « aliénés », et cela dans le climat délétère d’une propagande en faveur des « qualités féminines et maternelles » incarnées dans « l’idéologie domestique » et donc, « dévolue » aux femmes.

Julie de Carneilhan, Colette (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 24 Août 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Julie de Carneilhan, Colette, Folio 192 p. . Ecrivain(s): Colette Edition: Folio (Gallimard)

 

Il n’y a pas, chez Colette, de guerre des sexes mais des affrontements de personnalités. Colette, une féministe ou pas ? La question n’a guère de sens. Le génie n’est le porte-parole que de l’humanité. Car hors le carcan des conventions et des lois, qui assignent à chaque sexe un statut, un rôle et même un caractère supposé naturel, qu’est-ce qu’être un homme ou une femme ?

« Julie se savonnait comme un homme, tête comprise, dans son bain », raconte la romancière de son héroïne éponyme. Et celle-ci a beau déclarer « Je ne raisonne pas sur la guerre. Ce n’est pas l’affaire d’une femme, de raisonner sur la guerre », c’est plus par dégoût pour ce possible cataclysme que par croyance en une quelconque incapacité naturelle féminine. Les seuls frappés d’incapacité, chez Colette, sont ceux qui ont renoncé au bonheur. Julie n’en est pas.

Parisienne de noble ascendance bretonne, fière et pauvre comme il se doit à cette noblesse, elle n’hésite pas à corriger gentiment un domestique colportant qu’elle a quarante-quatre ans : elle en avoue crânement quarante-cinq ans. Elle a le talent pour faire changer de côté la gêne que la bienséance serait censée lui faire éprouver. C’est sa force et sa fierté de femme déclassée.

Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 24 Août 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo, Gallimard, Folio, mars 2023, 288 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Jean-Baptiste Del Amo Edition: Folio (Gallimard)

 

Prix FNAC 2021, ce roman vaut par l’atmosphère pesante, angoissante que l’auteur y crée et qu’il y maintient du début à la fin.

Une première partie, dont le caractère hors texte est exprimé par l’usage de l’italique, plonge le lecteur dans l’oppressante mise en scène d’une tribu nomade préhistorique en marche en un milieu naturel inhospitalier, voire limbique. L’élément narratif essentiel consiste en un accouchement risqué, dans des conditions élémentaires, et à la naissance d’un enfant, « le fils de l’homme », dont la survie est hypothétique tant les circonstances d’existence sont précaires, périlleuses, en cette avance forcée vers un ouest onirique que jalonnent les cadavres des plus faibles.

Mais pour l’heure, l’enfant appartient encore au néant ; il n’est qu’une infime, une insoutenable probabilité tandis que la horde des hommes avance tête baissée dans la bourrasque, troupeau vertical, opiniâtre et loqueteux.

Flambeaux de vie, Parme Ceriset (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 24 Août 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Flambeaux de vie, Parme Ceriset, Poésie, Pierre Turcotte éditeur, avril 2023, 54 pages, 13 €

 

Parme Ceriset nous dit-elle, avec ses mots à elle, de réinventer l’Humain, se rappelant une de ses sources culturelles : « En craquant dans une figue savoureuse/tu te souviendras parfois/que tu fus chassé de l’Eden… Cruelle chair d’étamines et de rêves » ? Entre errance et ténèbres, la lueur se fait fulgurante, envahissant tout jusqu’au « cœur/incandescent/gardien des passions ». Mettre un chant à l’abri est sans doute la façon la plus sûre de le rendre accessible : « tu marcheras au bras de l’Amour/ A ses côtés tu te sentiras invincible ». Persuasive, la guerrière de l’Humain nous invective à la lutte de et pour la Lumière : « Sois un fragment de constellation/un rêve/ une pépite d’Eden/ une étincelle/ de passage/ mais infiniment brûlante ». Le recueil, dans son esprit de sauvegarde, m’a parfois fait penser à l’Arche de Noé : « Tu es amant de la terre/…/Délivre-les des fléaux/ de toutes les épées de Damoclès/…/Sois chevalier veillant sur sa pérennité/rends sa souveraineté immortelle ».

Comme la poétesse elle-même peut le faire, sa poésie préserve « l’instant fugace et précieux/le trésor inestimable/de chaque seconde de vie offerte/ dans l’immensité de la lumière ».

Le Livre, suivi de L’expérience des mots, Gérard Pfister (par Jacques Goorma)

, le Mercredi, 23 Août 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arfuyen

Le Livre, suivi de L’expérience des mots, Gérard Pfister, Arfuyen, mars 2023, 225 pages, 17 € Edition: Arfuyen

 

1. Ce n’est pas du livre /qu’il faut parler // mais de l’expérience

Tel est le premier des 500 tercets répartis en cinq centuries qui composent Le Livre et dont la même formule décisive se retrouve à la fin de L’expérience des mots, l’essai en prose qui clôt l’ouvrage.

Pour obéir à cette injonction initiale, parlons donc d’une expérience qui ne peut être en l’occurrence que celle d’un lecteur. Ou plutôt d’une expérience de lecture qui ne sera peut-être pas la même demain. L’expérience de ce que peut être le poème, mais surtout de ce que peut faire le poème par sa puissance performative dont il sera largement question dans L’expérience des mots. L’expérience est celle d’un voyage intérieur qui ne cesse de commencer.

Puisque Le Livre est fait de mots, dès son ouverture, il met en évidence et interroge leur nature foncièrement paradoxale. Aussitôt se met en marche une dialectique continue entre ce que les mots dévoilent et ce qu’ils dissimulent, ce qu’ils permettent et ce qu’ils empêchent. Ils nous éclairent et peuvent nous égarer, ils nous éveillent et arrivent à nous tromper, ils nous blessent et parviennent à nous soigner.