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Les Livres

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Le Livre de Poche, En Vitrine, Cette semaine

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann, Le Livre de Poche, trad. allemand, Félix Bertaux, Charles Sigwalt, Axel Nesme, 138 pages . Ecrivain(s): Thomas Mann Edition: Le Livre de Poche

 

Roman d’un déclin inéluctable inscrit dans une Venise glauque, écrasée de soleil et de puanteurs, assaillie par une épidémie de choléra, La Mort à Venise est un thrène dédié à la vieillesse et à la déchéance d’un homme. Loin, très loin des clichés de la Venise des fêtes et des touristes de la Place Saint-Marc, cette novella nous invite à entendre les derniers élans, la dernière passion, les derniers doutes, le dernier désespoir, le dernier souffle de Gustav Aschenbach, un écrivain quinquagénaire, venu à Venise pour nourrir son amour des arts et échapper un temps à sa ville d’origine, Munich, qui le déprime.

C’est un Ange qui va l’accompagner dans ce dernier chemin. Un Ange droit sorti d’un tableau de Léonard, aux traits fins, presque féminins, aux cheveux longs et ondulés. Tadzio. Dans les lignes qui suivent, surgit le Saint Jean-Baptiste de maître Leonardo, et Mann place l’image réelle au-dessus de celle de l’artiste.

Bestiaire, Alexandre Vialatte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arléa

Bestiaire, Alexandre Vialatte, Editions Arléa, février 2023, Illust. Philippe Honoré, 168 pages, 11 €

Dérision

C’est principalement le mot dérision que je retiens de ma lecture du Bestiaire d’Alexandre Vialatte. Absurdité au même titre que la retrace la pièce La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco. Donc quelque chose qui mêle le tragique et le dérisoire, la profondeur et la légèreté, le sérieux et l’amusant. Cet échange entre l’ironie parfois mordante et une sorte d’émerveillement devant la nature des animaux, fait du bien au lecteur lequel s’abreuve des animaux du chroniqueur du quotidien régional La Montagne, comme il le ferait des Caractères de La Bruyère. Avec l’humour en plus.

L’intérêt du liseur c’est que les textes restent verticaux et ne fonctionnent que par verticalité. Replier ces dactylogrammes sur le syntagme ferait rater tout le suc de la pensée de Vialatte, fine, humoristique, mêlée d’une pointe d’angoisse. On apprécie cette littérature que conçue comme tentative de saisir dans l’axe paradigmatique l’intelligence de ces portraits d’animaux lesquels fournissent une impression de léger vertige, allant vers de l’inconnu, au travers de ces bêtes touchées d’étrangeté. Il s’agit de pointer un faux sérieux, là où le paradigme permet des choix, de préférer tel plan de l’expression, celui de la dérision.

Évohé ! Évohé !, Carmen Pennarun (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 06 Juin 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Évohé ! Évohé !, Carmen Pennarun, éditions Constellations, février 2023, 82 pages, 12 €

 

Une poésie à la fois profonde et fraîche, des mots « bulles-vert chlorophylle », des « arpèges sensitifs » qui font entrer le lecteur en résonance avec la nature, voici l’univers dans lequel on pénètre en lisant Évohé ! Évohé !, de Carmen Pennarun. Très proche du monde végétal, de la forêt et de « ses gardiens » qui « élèvent de jeunes pousses loin de la sauvagerie humaine », l’auteure se sent portée par une forme de « solidarité sylvestre ». Ainsi considère-t-elle les arbres comme des « témoins silencieux qui filtrent le défilé de la vie », et auxquels elle accorde « la confiance qu’on ne doit qu’aux grands maîtres ».

Et c’est sur les sentiers de la sagesse que la poète avance, partageant généreusement ses mots vecteurs de sérénité, d’acceptation :

« Regarde tomber les fruits que tu n’as pas choisis, accepte tout sans rien trier ».

Elle sait que la patience est indispensable à celui ou celle qui est en quête d’apaisement :

« Hier – une paix s’annonçait que demain attend toujours ».

Terres, Marwan Hoss (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 06 Juin 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

Marwan HOSS - Terres - Arfuyen, 96 pages, juin 2023, 13€

 

"Terres" ... Le plus beau mot du monde (en tout cas le plus hospitalier, le plus fondateur, le plus familier) est ici mis, par le titre, au pluriel. Pourquoi ? Pour multiplier les sites de vie de rechange possibles ? Pour suggérer que chacun voit la planète au bout de son nez, et du fond de sa rue ? Pour assurer sols de réception innombrables à notre inévitable chute ? Pas du tout. Marwan Hoss n'écrit pas pour nous alerter (c'est de toute façon trop tard), ni non plus pour nous consoler (chacun est toujours assez doué pour se mentir), mais parce que chaque court poème est ici une petite terre de mots, oui, exactement une terre (et non un ciel, une mer, une lune, car aucun de ces trois ne formerait socle, habitacle, ni mémoire) de mots. "Terres" sont donc pays de mots, car ces mots - toujours simples, communs, courants - sont là, à chaque page, pour former pays, c'est-à-dire contrées où notre action se sente chez elle, que cette action soit, respectivement s'élever, flotter, cueillir ou même fuir :

Aux Îles Kerguelen, Laurent Margantin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 05 Juin 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Voyages, Tarmac Editions

Aux Îles Kerguelen, Laurent Margantin, éditions Tarmac, mars 2023, 142 pages, 16 € Edition: Tarmac Editions

 

« Il pleut trois cent soixante jours par an à Kerguelen. Donc hier il pleuvait. Et aujourd’hui également. Et il y a de fortes chances qu’il pleuve encore demain. Vivrai-je ici une des cinq journées de l’année sans pluie ? En attendant ce jour lointain, ma fenêtre est un mur de pluie, et donc pour le paysage il faudra attendre aussi. Je lis Moby Dick assis à la petite table que j’ai placée face au mur de pluie. Je bois du thé ».

Laurent Margantin a pris le bateau pour prendre le large depuis la Réunion jusqu’aux Îles Kerguelen, l’autre bout du monde pour un écrivain. Laurent Margantin n’est pas parti pour écrire, ou si peu, mais pour lire, il invente dans ce petit livre saisissant une résidence de lecture dans la tourmente – Intensités de la lecture quand on lit la nuit. Il n’y a que le livre – les mots et les phrases se déployant – et soi – ou plutôt sa rêverie. Avec lui dans ses cantines marines, embarquent : Kafka (1), Moby Dick, René de Chateaubriand, Les îles de Jean Grenier, Dostoïevski, Le Tour du monde en 80 jours, Simenon. Comme un écrivain lisant et relisant ses cahiers et ses prémices de roman, Laurent Margantin lit et relit les livres qui l’accompagnent.