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Les Livres

La souveraineté du bien (The Sovereignty of Good), Iris Murdoch (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 17 Mai 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La souveraineté du bien (The Sovereignty of Good), Iris Murdoch, Éditions de l’Éclat/Poche, janvier 2023, trad. anglais, Claude Pichevin, 192 pages, 8 €

 

Ce titre (abstrait, ronflant) ne doit ni rebuter, ni faire peur : il ne cherche pas du tout à nous intimider, mais à nous faire réfléchir sur ce que, dans nos vies, nous respectons ou non inconditionnellement. De plus, la division du recueil en trois articles séparés ne menace en rien son unité, car chaque article examine une des caractéristiques de cette souveraineté (problématique) du Bien. « Souveraineté » (le terme anglais sovereignty vient lui-même du français depuis le XVIème siècle, et a exactement même sens), c’est en effet trois choses : une autorité (une aptitude à se faire obéir, comme foyer de légitimation et de justification des libertés sous son commandement), une suprématie (l’instance souveraine n’a rien au-dessus d’elle dans son domaine propre, elle est indépendante des instances qu’elle supervise, qu’elle peut donc juger et réguler), et une excellence (toute souveraineté tient sa noblesse et son rang élevé de sa fonction même d’anoblir, élever ou perfectionner ceux sur lesquels elle s’exerce) : il ne peut donc y avoir  de souveraineté bafouée (ou négligeable), subordonnée (ou dépendante) et vile (ou médiocre).

Colombian Psycho, Santiago Gamboa (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Métailié

Colombian Psycho, Santiago Gamboa, Métailié, mars 2023, trad. espagnol, François Gaudry, 592 pages, 23 € . Ecrivain(s): Santiago Gamboa Edition: Métailié


Après Des Hommes en noir, traduit et publié aux Editions Métailié en 2019, Colombian Psycho est le second volet des enquêtes d’Edilson Jutsiñamuy, un procureur colombien originaire de l’ethnie indigène Huitoto et d’une journaliste d’investigation, Julieta, flanquée de son assistante Johana, une ex-guérillera des FARC.

« Une main solitaire émergeait de la terre, comme si elle s’était lassée de reposer au milieu des cailloux et des fourmis et voulait indiquer quelque chose. Ou dire simplement : Je suis là, maintenant vous devez m’écouter. /…/ Une sombre fleur au milieu de l’herbe et de la pierraille. Tels ces crabes noirs qui, sur l’ile de la Providencia, descendent pour pondre au bord de la mer et s’arrêtent en chemin, surpris par la lumière.

Une main abandonnée, poing fermé. Une tarentule immobile indiquant quelque chose ».

Ehrengarde, Karen Blixen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Folio (Gallimard)

Ehrengarde, Karen Blixen, Folio, février 2023, trad. anglais (Danemark), Doris Febvre, 112 pages, 3 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dû à l’adaptation cinématographique du roman La Ferme africaine (1942) sous le titre Out of Africa et de la nouvelle Le Dîner de Babette (1958) sous le titre Le Festin de Babette, le reste de l’œuvre de la Danoise Karen Blixen est quelque peu éclipsé par ces deux récits, plus qu’appréciables au demeurant. L’occasion est donc belle d’évoquer son talent narratif le temps d’un conte publié de façon posthume, Ehrengarde.

En une centaine de pages, Blixen démontre un talent de conteuse ludique extraordinaire, se jouant du lecteur comme des règles narratives. En effet, la narratrice d’Ehrengarde prétend au secret (« Je ne vais pas vous donner le véritable nom de ce pays, ni celui des dames et des nobles seigneurs de cette histoire ; cela leur aurait déplu ») mais dévoile peu à peu un certain rapport au réel – qui éclate à la fin du conte de façon plus que plaisante. De surcroît, Blixen mélange les genres : Ehrengarde débute tel un des contes collectés par les frères Grimm (« Le grand-duc et la grande-duchesse de Babenhausen demeurèrent longtemps sans enfants, ce qui les affligeait profondément »), et continue à la façon d’un conte libertin du XVIIIe siècle français (le personnage masculin principal, Cazotte, envoie des lettres dignes d’un Valmont), pour finir avec l’éclat d’une belle ironie historique :

Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Plon

Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez, éd. PLON, mars 2023, 235 pages, 20 € Edition: Plon

 

En 1967 les rues de Téhéran sont en liesse. Reza Pahlavi se fait empereur en intronisant par la même occasion l’impératrice Farah. Le peuple, lui, souffre et les opposants du régime sont traqués par la Savak. L’impératrice Farah inaugure, en grandes pompes, le Musée de Téhéran où seront exposées les toiles de plusieurs impressionnistes et des peintres modernes, tel Warhol, Pollock, etc.

Cyrus est engagé comme chauffeur pour véhiculer les œuvres. Cyrus se pose en observateur d’un monde qui change tandis que son amie Azadeh, opposante au régime, est arrêtée : « L’Iranien moyen n’a jamais assisté à un tel show dans le pays, la collision entre les deux mondes est brutale. Les souverains ne sont-ils pas déconnectés de la réalité ? Il se demande si tout ne va pas trop vite, si cet Ouest inaccessible n’est pas une vision caricaturale qu’on leur jette à la figure sans ménagement ».

L’auteure fera d’habiles raccourcis entre l’Art et la révolution qui éclate : « Le chemin tortueux de ses pensées le conduit vers la toile de Pollock et la fureur de ses taches colorées. La puissance de cette colère serait-elle en réalité celle de son peuple qui ne demande qu’à éclater ? Les couleurs en furie sont-elles prêtes à s’échapper de leur cadre étriqué ? ».

Les Hospitaliers, Caroline Girard, Franck Magloire (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les Hospitaliers, Caroline Girard, Franck Magloire, Editions L’Ire des Marges, janvier 2023, 130 pages, 14 €

 

Les Hospitaliers ne renvoie pas à un lointain passé mais à la faillite bien actuelle d’un idéal : l’hôpital public. Jadis fierté nationale, il semble devenu le miroir de nos défaillances. On sait que l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris connaît un énorme déficit et que nombre de soignants, soumis à des cadences épuisantes, quittent l’hôpital, découragés par la déshumanisation des soins et les risques croissant d’erreurs. A partir de soixante-dix heures d’enregistrement audio effectués à la demande d’une soignante auprès de 35 agents travaillant dans les établissements publics de soins, c’est un véritable travail de réécriture que Caroline Girard et Franck Magloire ont entrepris pour nous livrer 108 pages incisives et percutantes d’une écriture dense.