Le vieil homme meurt. C’est sa dernière nuit dans le village fantôme dont il est le dernier vivant. Avec lui, va s’envoler la dernière âme, le dernier cœur battant, les dernières souffrances. Le bonheur, l’espoir, la joie, eux étaient partis depuis très longtemps, depuis que Sabina, la femme du vieil homme, est morte. Ils étaient les derniers habitants du village, tous les autres étaient déjà partis au fil des années, morts ou émigrés ici ou là.
La mort traverse ce court roman, celle du vieux comme un point d’orgue à celle du village de montagne dont il est le dernier souffle vivant. La mort non comme un événement mettant fin, mais comme un lent progrès de la décrépitude, du pourrissement, de la chute. Murs, toits, poutres, portes, fenêtres font écho dans leur anéantissement à celui des êtres qui, naguère, ont vécu ici, travaillé, parlé, aimé. La mémoire du vieil homme, comme un long thrène lugubre, résonne comme la malédiction inéluctable qui s’est abattue sur le village dans un destin ténébreux : après la rudesse des hivers, la dureté des travaux, la pauvreté extrême, toutes les plaies d’une humanité oubliée, est venu l’exode inexorable, le départ des jeunes rêvant d’ailleurs, puis celui des vieux, ne pouvant plus subsister dans ce mouroir abandonné qu’est devenu Ainielle (1).