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Les Livres

Chasse à l’homme, Alejo Carpentier (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 21 Mars 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Folio (Gallimard)

Chasse à l’homme (El acoso, 1956), Alejo Carpentier, Folio Bilingue, 2014, trad. espagnol (Cuba), René L. F. Durand, 284 pages, 7,80 € . Ecrivain(s): Alejo Carpentier Edition: Folio (Gallimard)

 

La volonté du titre français de tirer ce roman vers le roman noir n’est pas totalement erronée. Carpentier, fasciné par le polar tant en romans qu’au cinéma, donne pleinement à ce roman le rythme, le cadre, le thème d’un pur roman policier. Cependant « l’homme traqué » eût été à la fois plus proche du titre original « El acoso » et surtout évocateur du halètement, de l’oppression qui pèsent de bout en bout sur le personnage principal et – par là-même – sur le lecteur. L’écriture de Carpentier, baroque, explosive, flamboyante mène tambour battant cette traque d’un homme devenu la cible du pouvoir dictatorial qui régit alors Cuba sous le régime de Machado (1925-1933). Le roman est écrit dirait-on pour pouvoir tenir narrativement dans le temps exact de l’exécution de la Troisième Symphonie de Beethoven, L’Héroïque, soit environ 45 minutes, dans la salle des concerts de La Havane où elle est donnée. Attachement ancien de Carpentier au compositeur allemand qu’il évoquera de nouveau dans Le Partage des eaux avec la Neuvième symphonie.

Les Miscellanées d’un bouquineur, Virgile Stark (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 21 Mars 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Anthologie, Les Belles Lettres

Les Miscellanées d’un bouquineur, Virgile Stark, Les Belles-Lettres, novembre 2022, 156 pages, 17,70 € Edition: Les Belles Lettres

 

On peut passer sa vie professionnelle à vendre des livres dans une librairie ou à les prêter et en assurer le retour dans une bibliothèque publique sans jamais en lire un seul. Le fait que le prix d’un volume soit désormais imprimé au bas de sa quatrième de couverture évite au commerçant de feuilleter le volume pour établir sa facture. Dans les bibliothèques publiques où un ouvrage se réduit désormais à un code-barre, le seul membre du personnel amené à ouvrir un volume est celui chargé de le cataloguer – et encore peut-il se contenter de copier les informations fournies par une base de données. Bref, ceux qui vivent au milieu des livres ne sont pas ipso facto les mieux placés pour en parler. Bien entendu, il existe d’heureuses exceptions et Virgile Stark en constitue une, qui manipule des livres les jours ouvrables à la bibliothèque où il travaille et bouquine sur ses heures de loisir. De sa longue et assidue fréquentation des livres, il a tiré un volume de Miscellanées d’un bouquineur, auxquelles les Belles-Lettres ont donné une forme particulièrement agréable, originale et réussie.

Ton absence n’est que ténèbres, Jón Kalman Stefánsson (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 20 Mars 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Folio (Gallimard)

Ton absence n’est que ténèbres, Jón Kalman Stefánsson, Folio, janvier 2023, trad. islandais, Éric Boury, 608 pages, 9,70 € . Ecrivain(s): Jon Kalman Stefansson Edition: Folio (Gallimard)

 

Ouvrir un roman de Jón Kalman Stefánsson est la certitude de plonger dans une « islandéité » poétique qui pourtant renvoie, comme toute grande œuvre, à l’universel des ressentis. C’est aussi le cas avec Ton absence n’est que ténèbres, Prix du Livre Étranger France Inter-Le Point en 2022 et aujourd’hui réédité au format poche : on retrouve ce qui a pu envoûter dans la trilogie Entre ciel et terre, La tristesse des anges et Le Cœur de l’homme, ainsi que dans Asta, mais, car il y un « mais », le sentiment qui ressort de Ton absence n’est que ténèbres est que la lumière ne parvient plus que par accident à percer dans une atmosphère appesantie.

Peu importe que la phrase-titre soit en fait l’épigraphe lue sur une tombe par le personnage principal, peu importe que soit composée au fil du roman une « Compilation de la Camarde » (aux choix aussi éclectiques que parfois surprenants) – ce qui marque le plus est une ambiance lourde, où le passé pèse et le présent ne réjouit guère (une réfugiée devenue proche des protagonistes qui a subi un viol drogué et filmé, pour ne citer qu’un seul exemple).

L’Offre des possibles, Alexandre Blaineau (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Mars 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

L’Offre des possibles, Alexandre Blaineau, éditions Milagro, décembre 2022, 96 pages, 12 €

 

Coalescence

Je trouve souvent en poésie, et ici c’est encore le cas, que le poème ressemble à l’eau d’un ruisseau, qui laisse entrevoir le visage du poète, ses attentes, ses questions et ses angoisses. Le portrait de l’intimité que dresse ce texte-là, s’apparente à ce qu’on appelle la coalescence, c’est-à-dire une superposition de miroirs renvoyant chacun à une réalité qui vient se fondre, se défaire et se refaire dans cette opalescence. On pourrait presque parler en ce lieu de miroir d’angle dont l’image scintille très rapidement, vient affleurer le livre comme sont capables de beaucoup de simplicité les haïkus japonais. Donc, une fulgurance, comme une truite dans l’eau vive d’un lac qui viendrait heurter les strophes aquatiques du livre. Oui, une rêverie de l’eau, que l’on connaît bien depuis Bachelard.

La Rafle du Vel d’Hiv, Laurent Joly (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 17 Mars 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Grasset, Histoire

La Rafle du Vel d’Hiv, Laurent Joly, Grasset, mai 2022, 400 pages, 24 € Edition: Grasset

 

Voilà un livre-événement qui va réveiller les consciences car il est la somme de recherches sur l’histoire de l’Occupation et d’un de ses plus sinistres faits, la Rafle de juillet 1942 qui coûta la déportation à plus de treize mille Juifs. Basé sur une documentation féconde (une soixantaine de pages de références bibliographiques, en fin de volume), l’essai historique fouille véritablement les circonstances qui préparèrent l’horreur.

Jamais un livre sur le sujet ne mit en cause d’une façon aussi argumentée et éclairante que ce document de Joly, qui pointe la totale responsabilité de la Police parisienne qui usa de tous ses ressorts pour « réussir » l’opération et faire plaisir (que de zèle du côté de nombre de commissaires) à l’Occupant. Bien sûr, Bousquet, Darquier de Pellepoix et autres pontes du gouvernement de Vichy sont aux sources mêmes de la tragédie.