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Les Livres

Ainsi parlait, Stefan Zweig (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 13 Mars 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

Ainsi parlait, Stefan Zweig, éditions Arfuyen, janvier 2023, trad. allemand, Gérard Pfister, 192 pages, 14 €

 

Humanisme

Comprendre Zweig, c’est comprendre l’être humain. Bien sûr parce que l’écrivain est une créature, mais surtout parce que lire Zweig nous place au cœur d’une vision humaniste de l’être, fait la place à qui se dresse depuis la Renaissance – vision de l’homme qui semble s’achever de nos jours (avec l’importance croissante des machines et des intelligences mécaniques). De ce fait on est loin de Nietzsche et plus près de Montaigne. Cette créature que Zweig décrit, avec l’aisance d’un lettré témoin de deux guerres mondiales, est prise dans l’histoire, dans le déroulement historique de l’Europe à laquelle il appartient (notamment avec son amitié indéfectible pour Romain Rolland).

Le plus évident reste que la vie de Zweig revient à penser, à faire agir un discernement aigu sur les sociétés et les hommes – jusqu’à sa fin tragique au Brésil où son désespoir le conduit au suicide. Je dis discernement mais je ferais mieux d’écrire intelligence, à la fois dans l’acuité du jugement, et aussi intelligence de la personne humaine exerçant son talent d’écrivain au service de grandes idées humanistes qu’il porte en lui comme un bien précieux.

Les passantes, Michèle Gazier (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 10 Mars 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Mercure de France

Les passantes, Michèle Gazier, Mercure de France, septembre 2020, 174 pages, 16,50 € Edition: Mercure de France

 

Le dernier roman de Michèle Gazier, Les passantes (Mercure de France, 2020), est tissé (le mot et sa métaphore apparaissent souvent sous la plume de l’auteur) de mystères. Et comme chez les romanciers de talent, leur élucidation progressive, loin d’assouvir notre curiosité, nous incite, l’ultime page refermée, à recommencer la lecture.

Mystère de madame Prat d’abord, qui ne se prénomme peut-être pas Marie mais Esther (mais alors, qui est Marie et que lui est-il arrivé ?) et de sa douleur hautaine, parfois méchante, de ses cauchemars, du drame qu’elle porte en elle depuis trente ans.

Mystère de ces infirmières de Montpellier, les narratrices successives, Madeleine, Léonor et Lilas, qui viennent soigner chaque jour madame Prat pour son diabète, et de la fascination que la vieille dame sans douceur exerce sur elles : quels accidents anciens, quelles souffrances enfouies ses silences et ses secrets réveillent-ils pour les conduire à s’attacher à elle bien plus qu’elles ne le devraient et, après sa brusque disparition, à enquêter sur elle ?

La vie est une affaire personnelle, Valérie Fauchet (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Vendredi, 10 Mars 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La vie est une affaire personnelle, Valérie Fauchet, Editions Ipanema, octobre 2022, 167 pages, 17 €

 

J’ai rencontré Valérie Fauchet grâce à La Cause Littéraire au moment de la sortie de son premier livre, Une voyante passe aux aveux, cet hymne aux rencontres. C’était précisément rue Saint Benoît dans le sixième arrondissement de Paris, tout près du 5 rue Saint-Benoît où Marguerite Duras résida jusqu’à sa mort. Les détails sont importants car Valérie loue une profonde admiration pour les grands écrivains de la même veine que Marguerite Duras. « Il reste toujours quelque chose de l’enfance, toujours… » (Marguerite Duras). L’enfance, ce parfum poétique qui irrigue toujours l’envie d’écrire et d’en découdre. D’en découdre de quoi exactement ? Personne ne sait, tel est le mystère de l’enfantement. Car écrire, c’est enfanter des personnages et encore des rencontres.

Dans le tournis de ces folles jolies rencontres, Valérie m’a confié la préface de La Cheville, le premier opus de la trilogie de La vie est une affaire personnelle. Roman dans lequel l’été est invincible, où les maisons peuvent être roses et noires, comme dans un défilé d’Yves Saint Laurent et où les parfums sont aussi puissants que le bleu Majorelle. J’ai été tout de suite séduite par cet effluve d’élégance.

Cercles intérieurs, Thibault Biscarrat (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 09 Mars 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Cercles intérieurs, Thibault Biscarrat, Conspiration Éditions, janvier 2023, 70 pages, 9 € . Ecrivain(s): Thibault Biscarrat 

« Les violons incisent les chairs sublimes. La terre tremble. La canopée caresse les cieux. L’encre recouvre ta peau ; l’encre recouvre ton visage. Écris par-delà la marche du temps. Le Livre est une tombe éternelle, à jamais vibrante d’amour » (Cercles intérieurs).

« Tes lèvres sont comme un fil d’écarlate

et ta langue est jolie,

ta joue est comme une tranche de grenade

derrière ton voile » (Cantique des cantiques) (1)

« Mon aimée, te souviens-tu du Cantique des cantiques, du roi Salomon et de la Sulamite ? Viens et vis au plus près des versets, au plus près du poème que tu nourris de ton amour. Ta voix répand son parfum, tu brilles comme les étoiles » (Cercles intérieurs).

Le Festin sauvage, De la Minsk soviétique au Brooklyn d’aujourd’hui, le récit et les recettes de cuisine d’une famille juive athée, Boris Fishman (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 09 Mars 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits, Editions Noir sur Blanc

Le Festin sauvage, Boris Fishman, Les Éditions Noir sur Blanc, mars 2022, trad. anglais (USA) Stéphane Roques, 382 pages, 23 € Edition: Editions Noir sur Blanc

 

On est (ou on devient) ce que l’on mange, affirme la sagesse populaire. Encore faut-il qu’il y ait quelque chose à manger. La faim est une sensation qui renvoie l’être humain le plus éloigné de la nature à l’état primitif, animal. Nous ne parlons pas du petit creux qui se manifeste quelques heures après le repas précédent et dont on sait qu’il sera comblé un peu plus tard, fût-ce en mangeant de la mauvaise restauration collective. Non, nous parlons de la faim qui dure, depuis si longtemps qu’on ne sait plus à quand remonte le dernier repas digne de ce nom, ni quand aura lieu le prochain, d’une faim qui vous accompagne jour et nuit, même dans vos rêves. La vision d’épouvante qu’offrent les marchés traditionnels chinois, dont les étals présentent les animaux les plus improbables – pas seulement du pangolin – s’explique dans la mesure où la grande majorité de cette immense population croupit dans la misère la plus noire et qu’au bout d’une semaine sans manger, même le végan le plus résolu, le plus fanatique, se précipitera sur n’importe quel bout de viande.