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Les Livres

A Rebours, Joris-Karl Huysmans (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 08 Février 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

A Rebours, Joris-Karl Huysmans, Folio, août 2022 (édition : Pierre Jourde ; gravures : Auguste Lepère), 592 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Flaubert avait pour ambition d’écrire un roman sur rien, ou presque ; ce sera Bouvard et Pécuchet, inachevé. Huysmans, quatre ans après la disparition du maître, publiera un roman où effectivement rien ne se passe, où les seuls événements sont avortés : À Rebours. Dix ans après un premier recueil de poèmes d’inspiration romantique, dix années où Huysmans s’inscrit dans la veine naturaliste (il participe aux soirées de Médan, organisées par et autour de Zola), le temps de trois romans et une longue nouvelle, il pousse jusque dans ses derniers retranchements le naturalisme et invente quasi le symbolisme en narrant la vie recluse d’un esthète maladif, tant de corps que d’esprit, Des Esseintes.

Comme à l’habitude lorsqu’il est question d’un classique lu ou relu des décennies ou des siècles après sa première publication, l’on est en droit de s’interroger : quel intérêt à l’ouvrir, à s’y plonger quelques heures, alors que foisonne une actualité éditoriale plus en phase avec le monde contemporain ?

Le Gardien du verger, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Février 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Points

Le Gardien du verger (The Orchard Keeper, 1965), Cormac McCarthy, éditions Points, 1999, trad. américain, François Hirsch, Patricia Schaeffer, 284 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Points

Si d’aucuns pensent, et disent, et écrivent, que ce roman, le premier du grand Cormac McCarthy, est une sorte de « hors-d’œuvre » (au sens exact du terme), nous n’avons pas lu le même livre. Tout McCarthy est déjà dans ce roman de l’aube du plus grand écrivain américain vivant. S’il faut pointer un décalage dans l’œuvre, ce serait que ce roman, avec l’immense Suttree, est l’un des rares où le déroulement n’est pas un déplacement géographique, un voyage, le « jardin » jouant pleinement son rôle de petit morceau de territoire, et le vieil homme un manant (du latin Maneo.ere : rester immobile). En plantant son décor dans le Tennessee, près de Knoxville sa ville natale, McCarthy annonce que son roman est une ode au terroir, aux racines, à l’osmose entre l’homme et la terre.

Autour du jardin errent des ombres, des hommes perdus, violents, hantés par la mort. Ils n’ont pas de but, pas d’espoir ; ils semblent attendre mais quoi ? Peu à peu, McCarthy nous convainc qu’ils n’attendent rien d’autre que la fin. D’eux-mêmes. De tout. Enfermés dans des paysages irréels de solitude et de silence, les trois principaux personnages sont écrasés par la puissance symbolique et sacrée de la nature qui les enserre. On pense irrésistiblement aux correspondances de Baudelaire et sa première strophe magique.

La Peur de peindre, Jacques Le Scanff (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 07 Février 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La Peur de peindre, Jacques Le Scanff, préf. Claude Louis-Combet, éd. Fario, 2022, 13€50

 

Je tordrai à dessein la citation de Boileau dans L’Art poétique : « Ce que l’on conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément », pour faire valoir ce que la représentation écrite recouvre parfois de difficultés, d’obscurités, de tensions littéraires, propres à décrire les états divers du peintre et de sa peinture. Ici, cela aboutit à une écriture intense, pleine, mais qui reste assez maigre, sur laquelle il ne faut pas hésiter à revenir plusieurs fois (ainsi que le peintre use de sa brosse ou de ses pinceaux). Ici, donc, un petit traité de l’art de peindre. Ici, le sujet agissant et le sujet disant, faisant acte de création et revenant sur cet acte par écrit. Ici, enfin, un univers personnel tout autant qu’universel, lequel se satellise sur la vérité intérieure, la profondeur exigée d’un tableau.

Ceci dit, il faut rentrer plus avant dans l’ouvrage (illustré richement par des reproductions des travaux plastiques de Jacques Le Scanff). Lecture légèrement âpre, à l’image des allées et venues de Cézanne vers la Montagne Sainte-Victoire, escarpements, confrontation du regardeur et du regardé, comme si l’œuvre peinte faisait parole, énigme, affaire de style, endroit de coupure du poème et de la toile, réflexions, agissements, connaissances et pratiques. Nous sommes en l’espèce dans une forme de schize. Le mystère : peindre.

Carnets secrets du Boischaut, Catherine Dutigny (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Lundi, 06 Février 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

Carnets secrets du Boischaut, Catherine Dutigny, Maurice Nadeau éditions, mai 2022, 275 pages, 19 € . Ecrivain(s): Catherine Dutigny Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Catherine Dutigny, dans ce livre, ne donne pas seulement l’impression de vouloir amuser son lecteur : on devine qu’elle-même s’amuse autant que nous. Abordant les franges du conte, elle nous invite à retrouver l’innocence de notre enfance et à élargir, au fil des pages, l’étroitesse du monde réel. Il était une fois… Arsène le chat « point d’interrogation sur un fond de ténèbres ».

L’histoire se situe dans le Berry, précisément dans un petit village perché sur son promontoire de granit au cœur du pays du Boischaut contrée de légendes, habitée par des follets, fades, Pierres-Sottes, Casseux et Grand-Bête ou chien blanc, martes aux doigts crochus et sorcières birettes. Imaginez ce vieux village dressant devant vous ces « fortifications sévères ». « Vigie de pierre sur la mer verte des haies », il est bordé de « chemins creux », de « buissons sarmenteux » et de « roches moussues ».

Ainsi parlait, Stefan Zweig, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Gérard Pfister (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Lundi, 06 Février 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Langue allemande, Arfuyen

Ainsi parlait, Stefan Zweig, Arfuyen, janvier 2023, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Gérard Pfister, Edition bilingue, 192 pages, 14 €

 

Zweig l’a lui-même remarqué : son œuvre plaît toujours et partout parce qu’il n’en garde, en la composant, que le mouvement essentiel. Il préfère « élaguer » un développement pourtant réussi, sacrifier tout ce qui ne serait que bien écrit pour que le lecteur, devinant un auteur en sachant méthodiquement plus qu’il n’en dit, ne quitte jamais des yeux le secret qu’avec art on lui porte plus loin et dérobe. Mais il n’a pu, bien sûr, élaguer le (formidable) succès même qu’il en obtint (la renommée n’est pas une intrigue qu’on puisse rendre plus agile et sobre !), et son vœu constant de limiter strictement son influence propre à celle de son œuvre n’a pu s’exaucer que dans toutes les tragiques – persécutoires – dernières années où l’anonymat personnel l’attendit aux divers lieux où l’exil le jetait (il n’y était plus le visage identifiable de son nom).

« Même l’exil – je l’ai appris à suffisance – n’est pas si difficile à vivre que la solitude dans sa patrie » (§.203).