On ne devrait jamais parler de « relire », car « lire » suffit à tout, quand bien même défilerait un bouquin, lu et relu, pour la énième fois. La découverte, l’histoire, le bruit des personnages et les tons du décor, le goût de l’écriture, sa musique, tout est nouveau, toujours, la première page ouverte, et la lecture démarrée, ce sport, cette nourriture, unique en son genre. Alors, relire, revisiter forcément autrement ? et qui plus est Proust !
Largement plus de cinquante ans, le fossé, entre une classe de seconde éblouie de littérature et aujourd’hui. « – Pour Proust, contentez vous d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs », avait dit le professeur à qui je dois tant, pas vraiment dans l’axe pourtant – nous étions si près de Mai 68 ! Du coup, « le » Proust de la liste – après avoir cédé le pas à Flaubert, Balzac, quelques Romantiques dont je me régalais alors, mélangés de Beauvoir, Sartre et déjà Camus – a-t-il été lu sans grand appétit, sans enthousiasme exagéré… – quelques crinolines sur les plages de Normandie, quelques états d’âme me semblant hors d’âge, voilà je crois la couleur proustienne qui m’était restée, guère plus, j’en ai bien peur.