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La Une CED

Les Forcenés, Jean Desbordes (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 23 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Les Forcenés, Jean Desbordes, Interstices Editions, mars 2022, 181 pages, 22 €

Comme le souligne Renaud Lagrave dans son éclairante postface, Les Forcenés de Jean Desbordes (Interstices Editions, mars 2022 ; première publication par Gallimard en 1937) se caractérisent, sous de nombreux aspects, par une facture plus théâtrale que romanesque. Le récit se construit sur une succession de scènes (à tous les sens du mot) souvent paroxystiques, nous rapprochant tantôt de la tragédie (une tragédie bourgeoise évidemment), tantôt du mélodrame, qui justifient bien le titre.

Acte I : le narrateur, Georges, jeune officier en garnison à L., fiancé à la plus jeune encore Marie-Thérèse, répond aux avances de Blanche R., rencontrée lors d’une soirée costumée et qui a deux fois son âge, qui pourrait être sa mère, parce qu’elle tombe dans les escaliers. Acte II : la passion de Blanche pour Georges coûte à celle-ci son rang social et la conduit à quitter son mari, pourtant peu encombrant. Acte III : Blanche et Georges se réfugient en Provence dans une petite maison à flanc de colline ; cohabitation exaltée et par nécessité décevante ; les revenus s’amenuisent, le futur s’assombrit. Acte IV : les deux amants apprennent le suicide (raté) de Marie-Thérèse et celui (réussi) du mari ; lors d’une nouvelle dispute, chacun finit par se donner la mort, à quelques minutes d’intervalle, avec le revolver acheté par Georges.

Les événements, suite, Isabel Ascencio (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 22 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, La Brune (Le Rouergue)

Les événements, suite, Isabel Ascencio, Le Rouergue, La Brune, mars 2022, 245 pages, 20 €


Il y a dans ce livre tout ce qu’on recherche dans un roman ; une histoire, croisée avec l’Histoire, des personnages forts et attachants, du mystère, une enquête, tout ça posé dans le décor, un personnage en soi, du Var, de la Corse et de l’Algérie. Alors, qu’on puisse hésiter en avançant, sur le mot roman – et si c’était le récit et des tranches de vie de l’auteure ? n’enlève rien au plaisir qu’on prend à ce livre-roman-récit, captivant d’un bout à l’autre. Ajoutons, le tout servi par une magnifique écriture, ce qui en fait un produit littéraire parfaitement réussi.

Le titre, à la fois ouvert et fermé, « les événements, suite », couvre l’histoire, tissée – trame, chaîne – et agencée telles de multiples poupées gigognes qui n’en finissent pas de nous tromper quant à leurs tailles et de chatoyer à ces soleils du sud – encore un personnage.

Petit éloge amoureux de l’Occitanie, Alain Monnier (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 21 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Petit éloge amoureux de l’Occitanie, Alain Monnier, éditions Privat, mai 2022, 190 pages, 17,90 €

L’Occitanie telle que cet auteur l’aime hors de lui, et la respecte en lui, est un Midi complexe (même géographiquement, de Toulouse à Nîmes, de Figeac à Foix), rude (sans pétanques ni plages) et caché (caché, justement, dans les pudiques âmes du Midi), mais certain. En croyant quitter son pays natal, on emporte bien plutôt avec soi le « fatras des origines » dont on pensait se débarrasser. En y revenant, ce qui nous en a (ou aurait) fait partir nous pardonne. Comme une odeur (ou une voix) oubliée traverse d’un coup toute une vie pour nous atteindre neuve, le passé fondateur d’un écrivain sort de son livre nous rejoindre. Nous sommes alors de son ici.

Alain Monnier (né à Narbonne en juillet 1954) est un homme (ouvert, fin, raisonnable et souriant) qui rend ici justice à une enfance heureuse (« Il est facile de grandir dans un milieu bienveillant », p.22), qui rend raison du ridicule de ses premiers émois (« Les amours de jeunesse sont rudes pour les âmes romantiques. Les tourments pour cette Nicole S. dont je n’avais même pas effleuré un sein furent quelque peu démesurés », p.74), qui rend hommage au courage vivant (sans protection ni ressources) – celui d’un Jankélévitch traqué et banni pendant la guerre –, opposé au courage confortable, purement médiatique et complaisant d’un Sartre en 70 :

Carrousel pour les Tsiganes, Jovan Nikolić, Ruždija Russo Sejdović (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Théâtre

Carrousel pour les Tsiganes, Jovan Nikolić, Ruždija Russo Sejdović, éditions L’Espace d’un instant, mars 2022, trad. rromani, Marcel Courthiades, 120 pages, 13 €

 

 

Territoire

J’ai lu cette pièce intensément à trois reprises, suffisamment pour voir se dégager des items particuliers. Pour cela, j’ai lu plutôt que vu ce texte, et en ai fait un objet propre à la découverte, au creux d’un fauteuil de liseur et non de spectateur. Ces conditions de lecture m’ont permis de suivre quelques grandes lignes de la diégèse de la pièce. Ainsi, j’ai traversé des débats politiques sur l’indépendance de l’Albanie, du Kosovo, sur la guerre, sur les guerres, sur les différences entre Rroms et autochtones des Balkans, touchés par des questions de langues et de cultures – éléments notoires de la famille tzigane. J’y ai trouvé, à cause de drames sanglants, des histoires d’amitiés trahies et des relations à la mort. Donc, tout ce qui concerne notre condition humaine.

Je t’écris de Bordeaux, Giuseppe Conte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 16 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie, Italie, Arfuyen

Je t’écris de Bordeaux, Guiseppe Conte, éd. Arfuyen, Coll. Neige, avril 2022, édition bilingue, trad. italien, Christian Travaux, 240 pages, 18,50 €

 

Le seuil

Écrivain italien, Guiseppe Conte s’arc-boute à la poésie comme s’il s’agissait d’une porte, d’un seuil, et devant ce caravansérail le poète jette son regard, ses mots, son corps dans la maison même du poème. Il guette à la lisière de la pensée, l’image, les rythmes, le chant. C’est une poésie de la frontière entre la beauté et l’inquiétude. Que cela soit le corps, la frontière du corps physique, ou une passe vers l’énigme du langage, l’auteur interroge tout aussi bien le souvenir que le caractère organique qui le lie à lui-même. Qu’il s’agisse de suivre avec lui la floraison d’un amandier ou encore de parcourir les effets physiques de l’âge sur sa personne, le poète révèle son secret et sa capacité à se tenir droit devant le point initial de son imagination.