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La Une CED

Vache enragée (Chokers en Survivors), Nathan Trantraal (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 24 Août 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Vache enragée (Chokers en Survivors), Nathan Trantraal, éditions Lanskine, juin 2020, trad. afrikaans, Pierre-Marie Finkelstein, 132 pages, 16 €

 

« Ce poème je l’ai écrit deux fois

parce que ma mère la première fois qu’elle l’a lu

elle m’a dit : “Tu peux pas écrire ces choses-là,

j’vais me retrouver en taule”.

C’est elle qui m’a appris

à m’débrouiller.

Pas à m’débrouiller façon gangster,

mais à m’débrouiller façon femme-seule-avec-six enfants

à m’débrouiller dans le bon sens du terme.

Un peigne pour Rembrandt et autres fables pour l’œil, Daniel Kay (Par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 23 Août 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Gallimard

Un peigne pour Rembrandt et autres fables pour l’œil, Daniel Kay Gallimard, mai 2022, 112 pages, 12,50 €

 

Image peinte/image écrite

Le dernier recueil de poésie de Daniel Kay permet de disserter sur la relation de l’écrit et du peint. Peut-être est-ce stricto sensu une illustration du ut pictura poesis tiré de l’art poétique d’Horace, ici appliqué à la lettre si je puis dire. Et puis, à la fin de la lecture de ce recueil, j’ai trouvé à quoi correspondait le mieux cette tentative de faire de la poésie conçue comme image. J’ai pensé aux premières statues du Trocadéro à Paris, emballées par Christo. Là était le secret pour moi d’une langue qui enveloppe la chose, qui rend l’œil actif. Le poème est une espèce de pellicule qui se saisit de son objet par les voies de la clarté du rendu, du modelé. Et cela sans hésiter à aller chercher dans la philosophie ou la linguistique. Donc des tableaux écrits.

Matière d’Outre-Atlantique Emmanuel Laugier : Poèmes du Revoir américain (par Alain Mascarou)

, le Lundi, 22 Août 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

 

ou petit feu gitan ordinairement muet (1)

 

L’orientation des lectures d’Emmanuel Laugier révèle en lui rien de moins qu’un radiesthésiste, un détectoriste de métaux. Le poète est attentif à percevoir des ondes stimulatrices au secret des terres, des âges et des œuvres, d’Est comme d’Ouest. Qu’il s’agisse du tchernoziom fertile de Mandelstam dans Chant tacite, comme ici de Robert Creeley et de ses cavernes à peintures, ces références sont exemplaires d’un ressourcement en amont de l’histoire de l’homme. Elles jalonnent un exil libérateur – qui est aussi éloignement géographique pour le Revoir américain. Le paradoxe d’ailleurs se redouble, à constater que le créateur avait anticipé les découvertes du lecteur : l’auteur de L’Œil bande, des Crâniennes, explorait déjà à travers ses motifs et modes d’écriture le filon d’une poétique du desserrement formel, mental, où l’oralité prend le pas sur l’écrit.

Règles de la vie quotidienne, Louis Lavelle (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 19 Août 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Essais, Arfuyen

Règles de la vie quotidienne, Louis Lavelle, éd. Arfuyen, 2004, Préface, Jean-Louis Vieillard-Baron, 151 pages, 15 €

 

« Faute de pouvoir se donner à eux-mêmes le bonheur, les hommes finissent par faire des objets de gloire du malheur et du trouble qui les accable : mais s’ils haïssent ceux qui ont cessé de les ressentir, ils méprisent ceux qui comme eux y sont encore plongés. Ils n’en reçoivent aucune consolation, tandis que le bonheur des autres est pour eux un reproche de tous les instants » (chap.19).

Le philosophe Louis Lavelle (1883-1951) avait laissé dans ses papiers un formidable et éclairant inédit, publié pour la première fois chez Arfuyen en 2004, puis 2010, à nouveau disponible en 2022. Le ton et le contenu du court extrait qui précède fustige, comme on le voit, un peu prophétiquement la communauté d’envie, de déploration et de ressentiment dans laquelle nous nous enlisons fièrement. Mais dénoncer n’est pas le fort de ce penseur, qui s’abstient précisément d’ajouter ainsi à la misère psycho-culturelle dont son petit livre souhaite, au contraire, nous extraire et au fond, nous sauver !

Sweet homme in Florida (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 18 Août 2022. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Pourquoi, selon vous, deux nanas de quarante ans passeraient trente heures dans une voiture ?

Je vais vous raconter le road trip de Mary-Lee et Cassandra. Quatre jours sur la route avec un couteau, deux mangues encore vertes, un pack d’eau minérale gazeuse, elles préfèrent dire, pétillante. La voiture, elle s’appelle Sue, c’est écrit sur la plaque à l’arrière. Et la fleur qu’elles ont volée aux plates-bandes de la résidence, c’est pour décorer le pare-brise, elles l’ont baptisée Holly et avec deux ales. Mary-Lee est brune, Cassandra est blonde. L’une est native de Destin, en Floride. L’autre de Naples, en Floride également. Deux amies qui le sont devenues parce qu’elles boivent leur Ice latte tous les matins, au même endroit, chez Panther’s, à Mayami Beach. Trente heures ou quatre jours pour aller à un mariage qui va durer douze heures, le mariage du cousin de Mary-Lee, le cousin dont elle était amoureuse jusqu’à ses vingt ans. Cassandra espère y rencontrer l’amour. Les deux y vont pour se persuader du contraire.