La fortune sourit aux audacieux, et le hasard aux curieux. Audacieux, Otte l’est naturellement. « L’âme serait-elle le bénéfice immatériel de l’audace ? », demande-t-il benoîtement, et c’est oui pour lui : ses excès de confiance réussis sont son capital spirituel. L’audace part vérifier dangereusement ce qu’elle a pensé possible, et cet auteur est cela même : avide de dangers, osant avancer, et ne décidant du bien et du mal qu’à l’intérieur du courage, jamais avant.
« Curieux », le mot est faible. Jean-Pierre Otte pousse (explicitement) plus loin le fameux mot de Pasteur (« Le hasard favorise les esprits préparés ») en un : prépare-toi, et le hasard te voudra du bien. Ne savoir que ce qu’on ne veut pas ne requiert aucune curiosité, mais « savoir inventer ce qu’on veut » (p.66), si : c’est un virtuose, non seulement de l’art de deviner les arcanes, mais de celui de renaître. Il semble y avoir de l’arrogance à estimer que « celui qui n’est pas en train de naître est occupé à mourir » (p.66), mais l’esprit humain ne choisit pas de devoir assumer tous les mystères, puisqu’il est le premier d’entre eux. L’activisme spirituel nous est un devoir, car il y a « nécessité pour nous de prendre présence dans le présent » (p.127), nécessité vitale, invitation indéclinable.