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La Une CED

A propos de Sérotonine, Michel Houellebecq (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 17 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Sérotonine, Michel Houellebecq, Flammarion, janvier 2019, 347 pages, 22 €

 

Il n’y a que la forme qui sauve : pourquoi Michel Houellebecq est un grand écrivain

« C’était un lecteur exhaustif », annonce le narrateur de Sérotonine à la vue d’un patron de bistrot plongé dans France Football. Michel Houellebecq n’écrit pas un article de Paris Normandie mais une œuvre littéraire et l’on se doit d’être ce « lecteur inhabituellement attentif ».

Le roman tire son nom de l’hormone du bonheur indispensable à la survie de notre espèce, la sérotonine. On sait que nos humeurs se réduisent à présent à des neurotransmetteurs. Merci les neurosciences.

Ainsi le narrateur du roman qui porte ironiquement le nom scientifique du bonheur est un personnage suicidaire dégoûté par « l’insupportable vacuité des jours ». Le premier et le dernier chapitre du livre s’ouvrent par le « petit comprimé blanc, ovale, sécable », le Captorix, pilule du bonheur prescrite au narrateur, « vieux mâle vaincu » qui n’arrive plus même à se masturber.

La Styx Croisières Cie (III) Mars 2019 par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 17 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

« Père Ubu : Eh bien, mes amis, je suis d’avis d’empoisonner simplement le roi en lui fourrant de l’arsenic dans son déjeuner. Quand il voudra le brouter il tombera mort, et ainsi je serai roi.

Tous : Fi, le sagouin !

Père Ubu : Eh quoi, cela ne vous plaît pas ? Alors, que Bordure donne son avis.

Capitaine Bordure : Moi, je suis d’avis de lui ficher un grand coup d’épée qui le fendra de la tête à la ceinture.

Tous : Oui ! voilà qui est noble et vaillant ».

Alfred Jarry, Ubu Roi, Acte II, Sc. VII

 

Jules de Montalenvers de Phrysac, noté dans le Livre de mes Mémoires

Des voix, Manuel Candré (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mardi, 16 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Des voix, Manuel Candré, Quidam, février 2019, 214 pages, 20 €

 

Voici un opus qui ne conviendra pas aux amateurs d’intrigue et de littérature facile. Mais ceux qui savent goûter l’exigence et pour qui un livre, c’est d’abord une écriture, vont jubiler de page en page.

C’est une véritable pluie de paragraphes, c’est une grêle de phrases, qui vont les tremper jusqu’aux os.

La première déjà : « Aujourd’hui est un jour de fièvre »… (On est prévenus !). Des phrases qui, en plus de leur souffle, recèlent des « flocons d’images » qui font « mine de s’agréger pour délivrer une clé chiffrée ».

Plus j’avançais dans ma lecture, plus je plongeais dans les abysses de cette prose poétique incrémentale (sorte de parabole hélicoïde), et plus j’étais pris par le roulis du texte – semblable aux rouleaux de mer en bordure de plage qui ballottent nos corps et menacent de les noyer.

Et voilà qu’on en réchappe, voilà qu’on s’envole, voilà qu’on gravit des hauteurs :

Ainsi parlait, Léonard de Vinci (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Arfuyen

Ainsi parlait, Léonard de Vinci, Arfuyen, janvier 2019, trad. Louis Gehres, 172 pages, 14 €

 

Forces et formes de la connaissance

L’initiative de Gérard Pfister, directeur des éditions Arfuyen, de créer une collection capable de faire état, dans une synthèse du travail littéraire, d’un auteur important, joue son rôle ici pleinement. Les textes du célèbre peintre de la Renaissance, qui sont tirés de quelques 13000 pages où dessins, manuscrits, plans d’ingénieur ou d’architecte se côtoient à l’aventure, donnent un aperçu synoptique de l’univers intellectuel et artistique du créateur de La Joconde. Il en découle que le monde de Vinci est celui de la connaissance, offrant dans ses tentatives d’approche un univers stimulant, connaissance au sens strict et fort du terme. Du reste, le Quattrocento est déjà en lui-même un grand passage, le climax de la connaissance humaine, autant pour les arts que pour la science, voire la technique. De cela, Vinci se fait le miroir, interroge la mémoire, l’art, la vérité, le mensonge, la nature, la science, tout ce qui peut découler de la force de l’entendement.

Gare à Lou !, Jean Teulé (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 12 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Gare à Lou !, Jean Teulé, Julliard, mars 2019, 182 pages, 19 €

Un dessin. Du noir et du blanc. Ça commence par un dessin. Un poisson. Une chambre d’enfant. Lou a douze ans.

Lou-Moaï Seigneur a une mère, une mère qui a un talent, Roberte fabrique des vasarbres en argile et rêve d’avoir son atelier de poterie.

Lou est toute puissante. Ce qu’elle désire se réalise.

Amusez-vous à la contrarier et vous serez engloutis sous cent quarante kilos de crottin.

La mère dort sur le canapé, dort dans le salon, le salon cuisine, fait ce qu’elle peut pour payer la pièce qui sert à tout, un deux-pièces pour elles deux. À payer en euros-yens. Lou a sa chambre, Lou voit le monde depuis son petit donjon. Elle vit Avenue du Bonheur, habite une tour appelée L’Immeuble de l’Incendie. Au deux-cent-soixante-treizième étage, appelé l’étage des indigents, sans majuscules. Écorche-cieux ou crève-yeux. Le conte n’a pas sa place ici. Entre réalité et magie, entrons plutôt chez Jean Teulé par les double-portes, les grincements comme autant de ricanements, en poussant des portes coupe-feu. Pour voir soudain se métamorphoser les papiers en fleurs, les larmes en mers, les cheveux en vagues. Voir toutes nos injures se matérialiser.