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La Une CED

L’humanité en péril, Virons de bord, toute !, Fred Vargas (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mercredi, 05 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

L’humanité en péril, Virons de bord, toute !, Fred Vargas, Flammarion, mai 2019, 256 pages, 15 €

Fred Vargas vient de publier un livre à vocation pédagogique, d’une lecture assez fastidieuse, malgré le ton, un tantinet « maternaliste » qui se veut léger, voire rigolard – style « on est entre potes » – sous le contrôle d’un pénible CEI, son Censeur d’écriture intégré. Son titre accrocheur, L’humanité en péril, Virons de bord, toute !, nous dit son éditeur, « explore l’avenir de la planète et du monde vivant », et souhaite mettre fin à la « désinformation dont nous sommes victimes et enrayer le processus actuel ».

Tout le gratin intellectuel ou presque s’est empressé d’applaudir ce foisonnement d’informations et d’arguments, parfois confus qui n’apporte souvent rien de nouveau. Un cumul, témoin à charge de ce que son auteur qualifie de « crime épouvantable », un crime qui fait écho en elle à « une sorte de nécessité implacable ». Il faut réveiller les inconscients, les naïfs, voire les demeurés mentaux, que nous sommes. De la fonte des glaces aux anchois et aux sardines transformées en huile, elle entraîne le lecteur dans son punching ball verbal, le faisant tour à tour acteur et spectateur de ce drame planétaire, tout en l’implorant d’être « héroïque jusqu’au bout », d’autant plus qu’elle est parfaitement consciente combien « c’est emmerdant à lire » !

Conversation dans un parc sur Constantin Cavafy (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 05 Juin 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

« J’aime Cavafy, me dit-il en s’asseyant sur un banc du jardim da Estrela, ce soir venteux d’avril, j’aime Cavafy car je ne me sens jamais autant chez moi quand je le lis et jamais autant, pour mon bonheur, détaché de moi. J’aime Cavafy car il a incarné par excellence ce que j’entends par modernité, ou ce qu’on m’a appris qu’elle était : la banalité minutieuse du quotidien frôlée par l’aile de l’Intemporel. J’aime Cavafy car il a été moderne sans l’avoir vraiment cherché, à rebours de modernités plus voyantes ou plus ostentatoires, n’ayant jamais voulu posséder d’autres moyens que ceux qu’il s’est choisis et qu’il a maitrisés, en vérité, à la perfection. Qu’il m’a procuré de riches rêveries ! Quelle Grèce lumineuse même dans sa chute s’exprime dans ses vers, si différente pourtant de la Grèce académique où mon adolescence (j’ai trente ans de plus que toi, ne l’oublie pas !) s’est ennuyée. Peut-être lui fallait-il cette distance alexandrine, ce provincialisme africain (il a à peine mis les pieds à Athènes, tu le sais) pour s’approprier cette Grèce-là, décentrée et désolennisée, et nous en offrir le profil. Que ses marins et ses sculpteurs, ses garçons de boutique aux poches vides, ses amoureux sans espoir mais sans renoncement à l’espoir, ses éphèbes promis au tombeau, ses monarques menacés et ses empereurs apostats, ses philosophes et ses déclassés (Pierre Herbart est l’autre écrivain majeur du déclassement, comme tu me l’as prouvé) me sont proches !

Noces de cendres, Éliane Serdan (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Noces de cendres, Éliane Serdan, Le Serpent à Plumes, 2006, 127 pages, 17,30 €

Après avoir lu (et aimé) trois livres d’Éliane Serdan (née à Beyrouth en 1946) – La Ville haute (Serge Safran), Le Rivage intérieur (Éditions du Rocher) et La Fresque (Serge Safran) –, l’envie m’est venue de lire Noces de cendres.

La justesse des phrases, leur teneur poétique, nous caressent dès le début : « j’avais l’air d’une petite fille bien vivante ».

Mais la caresse n’a qu’un temps. Les phrases vont devoir s’attaquer à plus rude. Elles le feront sans rien nous cacher – quoique avançant à pas feutrés. Délicates et pudiques, elles composeront, page à page, un bouquet de fleurs vénéneuses – mais après leur avoir ôté les épines pour éviter qu’elles ne nous piquent.

Les voilà donc à la recherche du venin qu’il faut extraire, avec le risque d’échouer. Comment fouir en effet le cerveau ? Comment en exhumer des images enterrées mille pieds sous terre ? Des images « enkystée[s] au fond de l’inconscient », au plus loin de l’enfance (quatre ans !) : « Autour de ces points mouvants, tout s’est effacé. Je n’ai pour leur donner un ancrage que des matériaux bien incertains ».

Trois poèmes (in Grignons, recueil en cours) (par Clément G. Second)

Ecrit par Clément G. Second , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

 

 

Un chiffre gisant attendrait-il,

sorte de minceur entrante,

comme une clef plate au sol, poussiéreuse,

que l’on ne sait pas ramasser, bien saisir,

dont nos pas nous éloigneraient

là ou vers quelque ailleurs, peut-être même ici ?

Des mécanismes diaboliques de la langue de bois (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 03 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

L’expression russe « langue de chêne », devenue « langue de bois », et en termes savants « xyloglossie », qualifie le langage impénétrable de la bureaucratie, qui ne s’impose que par ses codes arbitraires. Un langage particulièrement répandu dans les classes dirigeantes parce qu’il permet, en toute circonstance, de se sortir des impasses argumentaires par des acrobaties verbales abracadabrantes. Il s’agit d’une névrose jargonnière, qui falsifie, dénature, flétrit toutes choses sous prétexte de les perfectionner techniquement. Les litotes, les idées préconçues, les comparaisons outrancières, les fausses évidences, ne servent qu’à noyer le poisson. Les wishful thinking, qu’on pourrait traduire par vœux pieux, drainent des loquacités inintelligibles, des périphrases intangibles, des absurdités incorrigibles, font plier les réalités aux interprétations fantasmatiques et trouvent dans les discours politiques les meilleures illustrations. L’artificieux parler-vrai envoile, dans sa prétendue transparence, des platitudes désolantes. Les démonstrations brouillardeuses se balisent de notions sibyllines. Les précisions ne dessinent en définitive que les contours des imprécisions. L’idéologie vacuitaire imprègne tout ce qu’elle traite d’insignifiance.