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La Une CED

Les Péniches-restaurants, Histoire levantine (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 02 Mai 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

1) L’homme fut arrêté au commencement de l’émeute. Etait-il ivre et avait-il provoqué les policiers casqués qui avaient bouclé le quartier à l’approche du couvre-feu ? Avait-il oublié ses papiers chez lui ? L’émeute débuta de façon banale. Un groupe de jeunes devant un café. Le patron voulant fermer. Les jeunes, un peu excités sans plus, résistant. La police stationnée à proximité intervenant sans ménagement. D’autres jeunes descendant secourir leurs camarades puis, traînant dans le secteur, les désœuvrés des banlieues pauvres toujours prêts à en découdre avec la flicaille. L’homme était-il un client du café ? Rôdait-il pour une chasse nocturne ? Il habitait un bel appartement dont une terrasse donnait sur le Fleuve. On ne savait pas qui le lui avait loué. Ni même s’il en réglait personnellement le loyer. Le quartier était cher. Hormis ses cours à l’Institut français, l’homme n’avait pas de revenus fixes. On le connaissait bien ou très mal. On se méfiait de lui. Il se prétendait écrivain mais l’enquête prouva qu’il n’avait rien publié bien qu’on découvrît dans son bureau une masse de manuscrits raturés et inutilisables. On disait qu’il avait vécu dans la cave d’un faubourg éloigné avant d’emménager dans son immeuble actuel. Il faisait souvent monter un garçon. Enfin, un ou plusieurs.

L’Algérie rêvée ! (par Amin Zaoui)

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 30 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Le sommeil n’est pas le lit des rêves. Creusez profondément dans la matrice de la société, vous découvrirez les racines du rêve collectif ! Je creuse ! Le réel mène au rêve ! Et le rêve est le capital énergétique du réel ! Ainsi, je rêve d’une Algérie pleine de vie ! Ce beau pays est congelé, vidé de vie ! Un pays congelé est un pays de pâture, de procréation et d’hypocrisie morale, politique et culturelle.

Et je rêve, et le rêve est une résistance ! Bien que le rêve soit un état personnel, selon Freud, il arrive que des personnes ou des groupes sociaux rêvent collectivement. Cela, la rue algérienne l’a bien vécu ces jours-ci. Nous ne sommes pas somnambules. On rêve en marchant avec le rêve qui marche en nous ! Sur la Place Maurice Audin se réveille le rêve commun ou presque ! Le rêve d’un changement radical, identique pour toutes les citoyennes et tous les citoyens qui marchent dans les rues, sur les trottoirs, qui labourent avec affection leur morceau de terre aride ou fertile, qui, ensemble, poussent un tracteur en panne, qui somnolent dans un transport en commun, qui posent leur tête pleine d’inquiétude, à la fin de la journée ardue, sur un oreiller froid.

L’anarchie ou le chaos, Philippe Godard (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 29 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

L’anarchie ou le chaos, Philippe Godard, éditions Le Calicot, décembre 2018, ill. Vincent Odin, 220 pages, 10 €

 

« L’édification d’une société d’êtres libres ne peut être que l’effet de leur libre évolution », Errico Malatesta (1853-1932)

 

Voici un ouvrage qui amène un peu d’air frais dans le grand marécage idéologique de ce début du XXIe siècle, un air qui souffle librement sur les grandes questions contemporaines. Sont-ce vraiment des questions ? Dans la mesure où toute réponse ne visant pas à perpétuer le système tel qu’il est a peu de chances de trouver un espace officiellement autorisé d’expression, on peut s’interroger, alors disons donc : les grands problèmes contemporains. Il n’en manque pas. Le titre peut sembler ironique, tellement dans l’esprit commun anarchie et chaos semblent synonymes, mais le chaos, le grand désordre, n’est-ce pas ce que l’on vit déjà ?

Mehdi Qotbi célèbre les cinquante ans de son activité artistique à Paris (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 29 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Arts

 

Paris. Avril 2019. Mehdi Qotbi célèbre les cinquante ans de son activité artistique sur les Champs Elysées, dans l’hôtel Marcel Dassault, siège d’Artcurial. L’artiste, redevenu lui-même, affiche, sans ambages, sa joie de revivre un vernissage après plusieurs années d’absence. Le président des musées marocains peut se prévaloir d’un bel activisme pour le rayonnement culturel du Maroc. Les expositions prestigieuses se succèdent. Les partenariats avec les institutions internationales se multiplient.

Je revois Mehdi Qotbi en tête à tête le lendemain matin. Il me confie son désir de se retirer le plus possible dans son atelier : « J’ai besoin de cette solitude de la création, de ce dialogue avec mes pinceaux et mes peaux de peinture, de ce corps à corps avec la toile, sans regard extérieur qui scrute et juge. Je n’oublie pas que je suis né artiste peintre, que je serai artiste peintre jusqu’à mon dernier souffle. La peinture est mon seul langage ».

Une saison à Hydra, Elizabeth Jane Howard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 19 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, La Table Ronde

Une saison à Hydra (The Sea Change, 1958), Elizabeth Jane Howard, La Table Ronde, mars 2019, trad. Cécile Arnaud, 448 pages, 24 €

 

Sarah la morte et Alberta la vivante

Au début du roman Une saison à Hydra, Elisabeth Jane Howard campe des personnages très modernes en cette fin des années 50, précurseurs de ceux par exemple du film de Mike Nichols, sorti en 1966, Qui a peur de Virginia Woolf (d’après la pièce éponyme d’Edward Albee, 1962), ou d’Opening Night de John Cassavetes, film de 1977. Des situations contrastées défilent sous la plume éblouissante de la romancière anglaise, dans une grande maîtrise, notamment, des descriptions. Le roman est découpé à la façon d’un scénario, et l’on rentre à l’improviste dans cette micro-société, nantie et fermée, qui gravite autour d’un artiste-roi adulé, qu’un pouvoir exorbitant rend parfois ignoble. C’est en observatrice avisée et sans complaisance qu’Elisabeth J. Howard en cerne les caprices et les manques. Ainsi, le couple Lillian et Emmanuel Joyce, l’imprésario Jimmy Sullivan et la secrétaire débutante Alberta Young, se récitent, se confient, du passé au présent, du matin au soir. En dépit de tics et d’envies superficielles générés par le luxe et la courtisanerie, la vieillesse est inéluctable, les réveils douloureux, accompagnés de troubles narcoleptiques.