La Styx Croisières Cie (V) Mai 2019 (par Michel Host)
La porte est défoncée. Le Père Ubu et les forcenés pénètrent.
Père Ubu : – Eh ! Bougrelas, que veux-tu faire ?
Bougrelas : – Vive Dieu ! Je défendrai ma mère jusqu’à la mort ! Le premier qui fait un pas est mort.
Père Ubu : – Oh ! Bordure, j’ai peur ! Laisse-moi m’en aller.
Un soldat avance : – Rends-toi, Bougrelas !
Le jeune Bougrelas : – Tiens, voyou ! voilà ton compte ! Il lui fend le crâne.
La Reine : – Tiens bon, Bougrelas, tiens bon !
Alfred Jarry, Ubu Roi, Acte II, Sc. IV
Jules de Montalenvers de Phrysac, noté dans le Livre de mes Mémoires
Lµ-1. Où l’on voit (où Alfred Jarry nous fait voir) combien la violence guerrière s’accommode de traîtrise et de lâcheté. C’est l’essentielle leçon des révolutions de palais, tueries diverses et combats de rues. Que l’on repense à ces ignobles voyous de notre histoire européenne, entre autres à celui que les démocrates européens, dans leur lâcheté sans fin ni fond, appelèrent longtemps, avec crainte et respect, « Monsieur Hitler ».
µ-2. Mercredi 1er mai. Fête du travail. On défile en France, selon la tradition ouvrière. Peu d’affrontements. Mélangés, les GJ et les prolétaires ordinaires. Allure d’une promenade sur les boulevards. Les Syndicats font pâle figure. Le service d’ordre de la CGT n’a plus les moyens de tenir les troupes. La CFDT défile ailleurs dans Paris, on ne sait trop où. Image de la France de toujours, désunie, divisée, morcelée… Oppressés par une charge de police et les gaz lacrymogènes, des manifestants forcent les grilles de la Salpêtrière, tentent de pénétrer les locaux. Le personnel les en dissuade. Le préfet de police Castanerius, comme à son habitude, parle d’« attaque ». Ce n’était qu’une tentative d’autoprotection. Le mot lui est reproché par l’opposition : mot mensonger jeté trop tôt sous la pression des médias et autres réseaux sociaux ! Sa démission réclamée. Presque amusant ce rituel de l’insurrection de chaque samedi et du retour de tous à leurs occupations hebdomadaires. Un nouveau rituel s’est mis en place. Tout va très bien, Madame la marquise !
µ-3. Samedi 4 mai. XXIVe représentation révolutionnaire. Environ 40.000 manifestants pour la France entière. Le mouvement s’effiloche lentement, quoique promettant la reconquête des ronds-points sur tout le territoire. Sauf à la Roche-sur-Yon, où les heurts avec les forces de l’ordre ont fait la une des journaux et émissions voyeuristes. Les forces de l’ordre auraient fait exploser trois grenades lacrymogènes, et un voyou déguisé en sans-culotte leur aurait lancé une barre de fer avant de s’enfuir en courant. On commence à avoir envie de rire.
µ-4. Ici Londres. Dernières nouvelles. Le prince Harry nous annonce que son épouse, la princesse Meghan, vient de donner un petit prince supplémentaire à la couronne britannique. Un héraut d’armes en costume d’époque proclame l’événement aux portes du palais. Des dames pleurent de joie. Robin Hood est absent. Selon la rumeur, le nouveau né affichait sur la balance un peu plus de trois kilos, soient six livres bien pesées, et il se fit attendre, comme s’il n’était pas décidé à quitter le sein de sa mère. On le comprend : pourquoi entrer dans un monde où l’on parle une langue monosyllabique insaisissable par toute oreille normalement constituée, où ministres et députés sont englués dans le Brexit depuis une éternité et où la reine ne sort qu’en manteau rose bonbon et coiffée de chapeaux ébouriffants conçus par une modiste aztèque dont le nom doit être gardé secret ?
On apprendra quelques jours plus tard que le royal baby devra porter toute sa vie durant ce prénom de bande dessinée : Archibald !
µ-5. Moins drôle. En Arabie saoudite, région dirigée par le prince Mohammed Ben Salman, alias MBS, on découpe en menus morceaux les opposants au régime dans ses ambassades à l’étranger. En peu de jours il s’y procède à 36 décapitations et à une crucifixion, châtiments réservés par ces sunnites à des jeunes gens chiites dans leur majorité. Les serviteurs et ouvriers venus de l’étranger ne sont pas épargnés : une jeune femme indonésienne a été exécutée récemment pour avoir tué son employeur-violeur. La plupart des capitales commercent avec ces monstres si proches de la barbarie nazie ; à l’ONU et dans les instances internationales, à Paris, on traite les Saoudiens avec considération ; nous leur vendons du matériel de guerre, ils nous vendent du pétrole. On oubliera que Daech (l’État islamique), qui assassine partout dans le monde, est né dans ce pays. Dans un prurit islamophobe inattendu, on déclare dans Le Monde du 4/V : « Ils (les princes saoudiens et Daech) partagent la même vision du monde fondée sur le rejet de l’altérité et de la liberté d’expression, et sur l’usage de la terreur comme unique vision du monde, la peine de mort comme instrument » (Raphaël Chenuil-Hazan, Directeur général d’ECPM, Ensemble contre la peine de mort).
µ-6. Mon islamophobie. Elle rejoint, je l’ai plusieurs fois écrit, mon horreur des fables religieuses dont on berce les croyants. Elle rejoint aussi mon hitlérophobie : très jeune, je vis passer sous les fenêtres de mes grands-parents les troupes – les S.S. et la Wehrmacht –, retour de leur expédition touristique de quatre ans sur les terres de France. On n’oublie pas de telles visions ! Pour les mahométans du type islamistes fanatisés, j’éprouve les mêmes réserves, voire la même peur. Ils massacrent chrétiens (plus de 350, il y a peu, en Indonésie) et musulmans inoffensifs avec une ardeur qui forcerait l’admiration si l’on avait l’âme assassine. Qu’on me pardonne, je crois difficilement que le prophète se rendit de Jérusalem à La Mecque par la voie céleste, monté sur la jument Al-Burak ! Je crois que le prophète avait « fumé sa moquette » (son tapis de prière, qui sait ?) pour ajouter une fable de cette farine à toutes celles déjà inventées par les Israélites et les chrétiens ! Trop c’est trop !
Si j’avais quelque influence sur les dames musulmanes de nos tranquilles banlieues, je les inviterais volontiers à se convertir à une autre religion que celle du Prophète, de façon à les entendre plus souvent protester lorsque leurs conjoints et familiers radicalisés massacrent des non-musulmans. Elles n’auraient plus à porter cette honte en silence. Comme Sade aux Français autrefois, je leur dirais : « Mesdames, encore un effort ! ». Inscrivez-vous chez les Libertins et les Rationalistes délivrés des fables et revenus à la Raison. Cela, bien entendu, si vous n’êtes pas trop attachées à la nécessité de croire ! Vous ne devriez en vivre que mieux, selon moi du moins. Un avis tout subjectif, naturellement, et une fantaisie de mon esprit idéaliste et délirant.
Seuls les Chinois, il me semble, remettent Allah à sa place : ils sinisent les mosquées de style trop « arabe » en les détruisant puis les reconstruisant à la mode « pagode ». Ils s’occupent, un peu brutalement certes, des Ouïgours établis sur leur territoire. Leur idéologie totalitaire sait parfaitement qu’une autre idéologie plus totalitaire encore reste une menace sérieuse. Peut-on leur donner tort ?
Ici, entre la rue de Lille, la place de l’Étoile et la mairie de Paris, tout en pleurant sur la cathédrale blessée, on se moque bien que les chrétiens d’Orient par centaines subissent la mort : ce n’est à chaque fois qu’une anecdote à citer distraitement… mais qu’un musulman logé sur notre territoire soit seulement bousculé ou regardé de travers, nos organisations dites antiracistes, nos politicaillons Jivaro-Progressistes protestent à l’unisson que ce pays n’est peuplé que de racistes, xénophobes, colonialistes et, tout compte fait, de nazis à peine masqués. Nos autorités, islamolâtres dans l’âme quoique se déclarant laïques, s’excusent pour l’horrible outrage et concélèbrent pieusement l’ouverture du ramadan. Je voudrais, pour ce qui tient à moi seul, la paix et la réconciliation. Cela s’obtient, je crois, à travers les femmes plus que les hommes. Je sais que des intellectuels musulmans, persécutés eux aussi, voulant rejoindre la modernité, luttent et meurent pour cette cause depuis des siècles. Cette impossibilité des islamistes à se mouvoir hors du champ de la mort et de la haine est le ressort de mon islamophobie. Suis-je un coupable ?
Lµ-7. René Char. Admirons-le, c’est évident, pour ce courage qu’il eut de prendre les armes. Pour sa poésie, elle est prêcheuse et fatigante. C’est d’un diacre qui se voudrait en chaire le dimanche, tel un Bossuet à Meaux. Ses leçons empesées m’ennuient. Elles ne naviguent que dans les eaux troubles de la bonne pensée en vigueur. Pensée qui rappelle à tous qu’ils n’ont qu’à se taire. Pour l’allure, la marche de la phrase, c’est d’un Héraclite périphérique. Certains tentent de l’imiter, ils y réussissent sans peine. Quelle misère.
µ-8. Le souci écologique global dont fait mine de se prévaloir ces jours-ci notre président Macron lui sied autant que la croix pectorale au président des Turcs. Qu’attendre d’un homme qui partout protège les meurtriers : diminution du prix du permis de chasse ; interdiction au vulgum pecus de s’opposer aux monstrueuses tueries des équipages de la vénerie ; autorisation maintenue de capturer les passereaux, pourtant si menacés, avec le piège cruel de la glu ; désintérêt absolu pour la torture des animaux d’élevage dans leurs élevages et les abattoirs, tout comme à l’égard de l’irrespect de la dignité humaine dans les mouroirs où pourrissent les vieillards et les personnels soignants, tous ceux qui exigent « un pognon monstre » (Macron dixit) et ne sont plus d’aucun rendement financier pour personne. Mépris et dérèglement moral, telle est la loi macronienne.
Le vrai souci est celui des proches élections « européennes » que suivront nos élections municipales. Il s’agit de devancer les dits « populistes », les élus de Mme Le Pen. M. Macron lui a lancé ce défi personnel d’une place de la capitale bulgare. Qu’ont à en faire les Bulgares ? En revanche, nos concitoyens pourront-ils oublier que M. Macron se considère davantage à la tête d’une faction que d’une nation ? S’il échoue dans sa comptabilité électorale, il se délégitimera de son propre chef.
Lµ-9. On ne peut mieux servir le romancier ! Cette manchette intérieure du Monde des Livres concernant le roman Comment se dire adieu, de l’Italien Marcello Fois : « Un polar intime et hivernal, où se croisent un enfant disparu et un père mourant. Le Haut-Adige sous un linceul neigeux ». Il faudra être un optimiste à tout crin pour demander le livre au libraire et sortir son portefeuille.
Lµ-10. Michel Houellebecq à l’Élysée. Comédie double. M. Macron le fait chevalier de la légion d’honneur : tout ce que démentent ses livres à longueur de pages. En outre il gratifie le coquin de cette déclaration grotesque : « Vous êtes un romantique perdu dans un monde devenu matérialiste. Vous avez réinventé le roman français ». La question est : Houellebecq ment-il quand il écrit ou quand il court le ruban et les honneurs ? Frivolités de la vie parisienne dans une France sinistrée !
µ-11. Gilets Jaunes. C’est l’Ite missa est. Le rite s’accomplit désormais chaque samedi, non sans coups férir : on se battit à Lyon et à Nantes. C’était, ce 11 mai, la XXVIe rencontre. Le gouvernement annonça 18.000 fidèles ; les fidèles revendiquèrent 36.000 pratiquants. Les statistiques des soutiensn’apparaissent plus dans les médias. Il semble que le gouvernement ait laminé ces soutiens à force d’appeler indifféremment « casseurs » les GJ et « GJ les casseurs ». L’élan est-il définitivement brisé ? On ne sait. Le président a berné les foules avec un « grand débat » dont n’est sortie qu’une crotte de moineau. Il a toréé victorieusement ces « bons à rien », ce vieux « populo » qu’il n’a jamais cessé de mépriser. Celui-ci, qui eut le tort de ne pas se faire représenter dans les premiers temps du mouvement, a donné dans la muleta, ou si l’on veut le chiffon rouge trompe-grenouilles. « Toréer », rappelons-le, c’est vaincre la bête sauvage à l’aide d’un simple leurre au prétexte qu’elle meurt plus élégamment dans l’arène qu’aux abattoirs… Il est vrai que ce peuple n’a jamais eu la tête politicienne. Il souhaitait rencontrer un dirigeant, un chef ou un père attentif et il n’a entrevu qu’un manipulateur, un hologramme sur écrans, le chef d’un seul parti, celui de l’ultralibéralisme mijotant dans l’infect bouillon mondialiste. Quelque chose s’est rompu au plus profond des âmes. Ce quelque chose se paiera sans doute… Quand et dans quelle monnaie ?
µ-12. Héros. Deux soldats, officiers des forces spéciales de la marine, ont perdu la vie en arrachant quatre otages des mains des djihadistes. Un hommage national, avec remise de la légion d’honneur, justifiée cette fois, leur a été réservé aux Invalides. Il s’agit des commandos Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, jeunes hommes beaux physiquement et moralement. Ils ont, à la frontière du Bénin et du Burkina-Faso, sauvé deux professeurs français, une femme coréenne et une autre américaine dont on ne connaît ni le nom ni le visage : on ignore pour quelles raisons cette dernière a été ainsi escamotée, les médias eux-mêmes, si friands de rumeurs, se gardant de la mentionner. Quant aux professeurs, partis pour un safari-photo dit-on, leur légèreté, leur irréflexion, leur égoïsme, leur impardonnable bêtise sont pour le moins inquiétants. Ils ont trois morts sur l’inconscience si l’on veut bien ne pas tenir pour négligeable leur guide africain criblé de balles et probablement mutilé par les brutes islamistes.
µ-13. Queue de comète. Une polémique s’est éteinte rapidement : certes, les deux professeurs qui visitaient une zone réservée à la faune sauvage n’avaient guère réfléchi – peu de tête, ce qui est regrettable pour des professeurs ! – avant de s’aventurer dans ces régions hantées par les criminels djihadistes-esclavagistes. Doit-on les en blâmer ? Leurs détracteurs les voient comme complices des criminels. Mais condamne-t-on l’irresponsable, celui qui « instruit » les enfants tout en n’étant lui-même instruit de rien ? Quant aux soldats tués, leurs défenseurs disent qu’ils n’ont fait que leur job ! Il semble que le terme « devoir » n’ait plus cours en ce pays. Quoi qu’il en soit, les véritables coupables sont ces islamistes criminels qui tuent, violent et enlèvent sans autre caution que celle d’Allah. Ils font commerce d’êtres humains de toutes couleurs de peau, selon une tradition antérieure à l’islam et que l’islam actuel prolonge. « La religion » fait sans doute pour eux office de paravent et d’alibi, si toutefois ils parviennent à penser à de telles hauteurs.
µ-14. Mme Nathalie Loiseau, tête de liste des macroniens aux élections européennes. Aux dires de beaucoup de gens, cette dame manquerait totalement de charisme. Beaucoup d’autres préfèrent ne rien en dire. Je vais y voir. C’est vrai : visage, diction, expressivité, élan de la conviction… elle subjugue autant qu’un quart de brie fait au lait pasteurisé oublié dans le frigo. Désolé de grogner cette fois-ci avec les chiens de la meute !
µ-15. XXVIIe manifestation des GJ. Le mouvement fatigue. Polémique assourdie sur la participation. À Reims, des vitrines de commerçants sont détruites. As usual.
µ-16. Dimanche matin, 10h, sur France-Culture, heure du « culte catholique ». Premiers mots de l’officiant : « Préparons-nous à célébrer l’eucharistie en reconnaissance du fait que nous sommes pécheurs ». Je tourne le bouton, me lève. Envie de vomir. Je ne me crois innocent d’aucune faute, mais n’ai nul besoin non plus qu’on me roule dans cette farine de la culpabilité générale originelle dès mon réveil.
µ-17. XXVIIIe représentation des GJ. Presque rien. Du verre cassé à Amiens. Le gouvernement de Macron Ier, entre « Grand débat » bidon, intermèdes télévisuels, élections dites européennes, mépris affiché (« ceux qui ne sont rien… « ceux qui coûtent un pognon dingue »…), laminage hebdomadaire de la représentation des GJ, est parvenu à laminer le mouvement. Un mouvement qui s’est voulu hors du jeu politique, loin des partis. A-t-il eu tort ? L’avenir proche le dira. Les mêmes difficultés sont là.
µ-18. Élections européennes. Dimanche 26 mai. Macron Ier, en réduisant le champ électoral à son combat contre Mme Le Pen, non seulement a perdu de peu, mais perdu tout de même son pari qui était de devancer son adversaire, mais il s’est désigné comme président de son seul parti (Je l’appellerai désormais « le Président au 1/3 ») – la LRM, République en marche ! (les ultras du parti de la Finance et du libre commerce sans foi ni loi) – et non plus président des Français, la moitié desquels sont maintenant ses ennemis clairement désignés : Lepenistes (dits « les populistes ») et GJ (ceux qui ne sont rien ni personne, avec les périphériques, les « sans-dents » du regretté M. Hollande). La France est binarisée : les numéros pairs d’un côté, les impairs de l’autre. À quand la bastonnade organisée ? L’anesthésie générale des citoyens ?
µ-19. L’Irak détient cinq « Français » passés au djihadisme sportif, à savoir aux égorgements de civils, aux attentats aveugles, aux viols et assassinats en tous genres… Les autorités irakiennes vont les juger car ils ont commis leurs crimes sur leur territoire. Elles souhaitent les pendre. Le Président au 1/3 ne les veut pas sur notre territoire. Notre ministre des affaires étrangères joue un jeu ambigu : il ne veut pas non plus qu’on leur administre la peine de mort, mais veut que les Irakiens les jugent. Il veut donc la chose et son contraire. En vérité, il aimerait qu’on les pende pendant qu’il se voile la face et que les Irakiens méritent seuls le titre de sauvages. Les Français interrogés sont majoritairement pour la pendaison : ne déchirèrent-ils pas leurs passeports et cartes d’identité ? Jugèrent-ils les quelque 600 victimes civiles innocentes qu’ils firent en France au nom de l’islam ? Ne sont-ils pas des traîtres au plein sens du terme ? Les Jivaro-progressistes, belles âmes attachées à nos principes humanistes, veulent les récupérer afin qu’ils soient ici condamnés « à perpétuité », c’est-à-dire à 30 ans de prison dont ils ne feront au mieux que 12 ans, puis relâchés dans nos rues et campagnes, prêts à nouveau à la vengeance pour le sort injuste que leur aura réservé la république. La majorité des Français interrogés répondent « Qu’ils aillent au diable ! Qu’on les pende ces traîtres ! » Ou encore « Je me contrefiche de leur sort ! ». Mon avis : la corde en Irak, les fossés de Vincennes à Paris ! Ne comptons pas sur Paris, capitale du faux-semblant et de la morale de contreplaqué. Laissons-les à L’Irak. Pourquoi se laisser assassiner au nom des plus beaux principes de la terre par des monstres à forme humaine qui ne seront jamais que les marionnettes de la haine ? Pour nos Jivaro-progressistes, si l’on veut bien un peu d’objectivité, la guillotine ne fut-elle pas la meilleure alliée des idées humanitaires ?
Citations, Déclarations et Commérages
§. Les humoristes du Monde (21, 22, 23 avril) ont relevé quelques citations savoureuses contre l’argent et les riches, partout haïs et jalousés, comme on sait. Deux me paraissent admirables :
– De Vautrin à Rastignac, dans Le Père Goriot : « Le secret des grandes fortunes sans cause apparente est un crime oublié, parce qu’il a été proprement fait ».
– De Karl Lagerfeld, le styliste de mode récemment disparu : « Je déteste les riches qui vivent au-dessous de leurs moyens » (in Le Monde selon Karl, 2013).
§. D’Alfred Nakache, champion de natation pour la France, dans les années 1930. Revenu d’Auschwitz, disant à son père qui avait conservé ses convictions religieuses : « Il était où, ton Dieu, pendant la guerre ? » (d’un article remarquable du Monde, signé par Alexandre Pedro (le M. 14-V-2019).
(Citant, A. Nakache, je sais que je vais à contresens de Madame de Sévigné, qui déclarait : « J’abonde rarement dans mon sens »).
§. Marc-Aurèle, au premier Livre de ses Pensées, se remémore les enseignements de ses maîtres, parmi lesquels ceux-ci, admirables, de Rusticus, un stoïcien : « avoir pris conscience que j’avais besoin de redresser et de surveiller mon caractère… avoir évité de [me] passionner pour la sophistique, rédiger des traités, de déclamer de piteux discours exhortatifs, et de frapper les imaginations pour [me] montrer un homme actif et bienfaisant ; m’être détaché de la rhétorique, de la poétique et de l’art de parler avec trop d’élégance… ».
§. Langue française. À défaut d’enrichir les Français, M. Édouard Philippe enrichit leur vocabulaire. Il déclare détester ceux qui « tapent » sur ses collaborateurs, ajoutant : « Ceux qui le font sont des pines d’huître » (Le M, 25/V/19). Singulière, non, cette fantaisie fort peu ostréicole ! Dans la langue de la rue, nous avions rencontré des « pines » de toutes sortes, des plus modestes aux plus imposantes, mais de celles-ci, pas encore. Ici, l’objet lui-même est nié. Il n’existe pas. Qui a gobé une huître a pu s’en assurer. En outre l’objet imaginaire n’est pas accompagné des pendentifs qui l’agrémentent depuis le dernier Paléolithique. Cela me semble suggérer une totale émasculation, cette marque des guerriers primitifs qui aiment à priver de leurs attributs virils leurs ennemis vaincus. J’éviterai de filer davantage la métaphore, l’huître étant essentiellement liquide et donc remplie des suggestions lexicales diverses auxquelles m’invite une époque si occupée de misogynie, de haine du sexe, de genres et de transgenres. M. E. Philippe ne prend-il pas de grands risques à nier ainsi toute anatomie animale et humaine et à vouloir discréditer l’ostréiculture française ?
§. Aphorisme « Il y a deux sortes d’hommes. Ceux qui servent. Ceux qui se servent » (d’un général français, lors de la Ière guerre mondiale).
Lexique de l’écrivain-II
Art : Il déclare aussi une tendance, la direction d’une civilisation. Parfois son état. Les très anciens Grecs, ceux des temps de l’Iliade, m’ont paru vénérer les femmes, au moins les plus belles et séduisantes : Europe, Hélène, Nausicaa, Circé… Des siècles plus tard, on comprit qu’ils les cantonnaient dans l’espace de la reproduction. Chez Aristophane, dans sa Lysistrata, l’envoyé de Sparte manifeste un vif intérêt pour les rondeurs d’une demoiselle légèrement vêtue. Aucun mépris ! Autrement, la statuaire grecque, en dévoilant les formes sublimes et harmonieuses des Aphrodite, des Eurydice, des Déméter, des Circé… ont préparé la venue des cultes courtois rendus aux femmes d’esprit et de beauté, parfois, à de certaines époques, symbolisées par une seule d’entre elles comme La Belle Hélène, Mme de Montespan, Marie-Antoinette, Greta Garbo… Cependant, le sexe de la femme resta longtemps mystérieux, ou ramené à son idée abstraite. Sans doute faisait-il peur. Les Cranach, les Modigliani, les Gustave Courbet ont achevé le grand tableau du féminin et, du même pas, l’antique civilisation. C’est l’illusion que porte l’art. Au-delà, en deçà, tout n’est comme toujours et partout que pornographie.
Artiste : J’en ai vu, côtoyé, qui du moins se déclaraient tels. Les moindres sont assoiffés d’une reconnaissance qu’ils considèrent comme leur dû. Leur narcissisme fait se fissurer les murs des salles d’exposition, des galeries. Ils ne sont même pas polis. Ce qu’ils supposent être leur génie les absout à leurs yeux de leurs grossièretés. Ils en ont du moins la certitude. Une grossièreté dont certains n’ont pas conscience. Pour les plus grands, parfois aperçus de loin, je me suis laissé dire qu’ils avaient les traits tout semblables, mais qu’ils les dissimulaient mieux sous le masque de la courtoisie feinte et de la fausse modestie. Pour la majorité, ils se savent si peu que l’énormité de leurs ridicules ne les dérange en rien.
Autofiction : Parler (écrire) de soi sous les habits de l’autobiographie romancée, c’est entrer dans le brouillard de l’indéfini et diverses formes de mensonge. Le faire sous ceux de l’autofiction peut aboutir à dire davantage sous les oripeaux romanesques. Mais on ne se dissimule pas longtemps, on se démasque, et là revient la fiction. On ne peut tout dire de soi, pas plus Jean-Jacques Rousseau, qui se voulait d’une absolue sincérité, que quiconque. J’évite donc le genre.
Aristocratisme : Je suis né un pied dans l’atelier de menuiserie, l’autre dans la terre à pomme-de-terre. C’est un fait auquel je ne peux rien changer ni n’en ai d’ailleurs l’envie. Les pommes-de-terre, mon grand-père les cultivait, les ramassait ; l’atelier était le lieu préféré de mon enfance : Louis Fruchart, le meilleur des ébénistes et des vernisseurs-au-tampon (un art aujourd’hui perdu) y résidait en prince tout puissant. Sa noblesse ne l’empêchait nullement de se saouler au point de parfois marcher sur les genoux ni de me fabriquer des jouets (1). Il était incapable de la moindre violence, mais je le devinais parfois en proie à une colère profonde mêlée de mélancolie.
Mon aristocratisme est de même nature que le sien, sauf que j’ai pu être d’une grande violence en bien des circonstances. Quant à mes colères intérieures, je les ai peu à peu maîtrisées, quoique, vieillissant, il m’arrive de les laisser affleurer. Comme mon grand-père je travaille constamment, selon mes forces intellectuelles et physiques. Me plaindre m’a toujours paru indigne. J’admire les bons écrivains, les femmes aussi pour leur joie et leur force, et les enfants. Pour ces derniers, il m’arrive d’en dire pis que pendre, mais leur conversation m’enchante parce qu’elle naît d’une source impolluée comme les claires rivières des légendes.
Je suis très négligent ou très paresseux en ce qui concerne mes rapports avec les éditeurs, et la nécessité de me faire publier dans les collections de poche. Cela me fatigue au-delà du pensable.
C’est mon aristocratisme.
Michel Host
(1) J’ai décrit ces choses et fait le portrait de Louis, dans Les Attentions de l’enfance.
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