Il se cogne aux rochers d’Omoa. Aux falaises hurlantes. Le bateau s’éloigne, reprend un peu d’élan puis revient à la charge entre deux vagues. La vague, la nuit, la terre. La puissance. Le sel, le fer, l’huile noire du moteur.
Il est plus de trois heures du matin et il s’agit d’accoster, de bien sauter, de ne pas se fracasser. Les sacs sont jetés sur le quai. On se parle à voix basse, on s’embrasse. Quelques minutes pour rejoindre la demeure de sa cousine, Aline est revenue à Fatu-Hiva.
Le pain et les papayes étalent leurs bienfaisances sur la toile cirée, la cuisine est ici le centre de l’habitation. Une table, des chaises de jardin en plastique blanc, la télévision et des matelas au sol. C’est presque tout. On y entre en enlevant ses chaussures, le carrelage est propre, le carrelage est frais à cette heure. Ça sent bon, ça sent le café. Aline veut partir pour Hanavave dès l’aube, qu’importe la fatigue, elle est fermement décidée à effectuer ces trente-quatre kilomètres aller-retour dans la journée. Reprendre la route de son enfance, là où elle distinguait les deux volcans unis pour former l’île, les deux caldeiras s’ouvrant à l’ouest pour abriter les deux villages de Fatu-Hiva. Omoa et Hanavave. Là où précisément des teintes de rose vieilli, de mauve éthéré abondent. Le parfum des herbes sauvages.