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Les Livres

Francis Picabia, Catherine Hug, Anne Umland, Hatje Kantz

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Arts

 

Un printemps aux aguets

Selon Picabia « Les cubistes voulurent couvrir Dada de neige : ça vous étonne mais c’est ainsi, ils veulent vider la neige de leur pipe pour recouvrir Dada ». Le tout parce que le mouvement né à Zurich leur empêchait de pratiquer leur odieux commerce. Et soudain la peinture tourne et se détourne des « chiures de mouches ». A qui en réclame, il vaut mieux proposer des reproductions ou des autographes.

Picabia fut donc détesté et s’en satisfaisait. Mais son œuvre tient : elle ne date pas. Plutôt que de « cuber les tableaux des primitifs, et les sculptures nègres, cuber les violons, les guitares, les journaux illustrés, la merde », l’artiste a semblé cultiver le rien. Il est devenu un tout que les toutous du Surréalisme ont largement annexé à leur profit.

Son art reste vivant et dégagé des « huîtres sérieuses » aimées par snobisme. Celui qui se refusait à être sérieux et qui considérait « le seul mot qui ne soit pas éphémère, est le mot mort » a fait de son œuvre un voyage dans la vie.

Le Garçon, Marcus Malte

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Août 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

Le Garçon, août 2016, 535 pages 23,50 € . Ecrivain(s): Marcus Malte Edition: Zulma

 

On est en 1908. C’est l’histoire du garçon. Vous le suivrez tout au long de ce livre, avec passion et curiosité, tout au long de son parcours initiatique. Mais vous ne l’entendrez pas, jamais. Il ne parle pas, ne dit pas un mot. Il est muet le garçon. Depuis sa naissance, mis au monde par une femme qu’il porte sur ses épaules au début de ce roman, parce qu’elle est malade, parce qu’elle va mourir. Et elle meurt. Et le Garçon brûle son corps. On est en 1904, dans le sud de la France. Le chemin du Garçon commence.

Marcus Malte nous offre une œuvre ambitieuse, d’une parfaite maîtrise narrative, dans un style éblouissant. C’est un roman initiatique certes, mais comme on en a peu vus. Le jeune héros n’a pas de nom, pas plus que sa mère. A-t-il seulement eu un père ? Il part seul vers le monde, sans désirer l’aborder vraiment. Il n’a jamais vu d’autres humains que sa mère, à peine une silhouette furtive peut-être.

La première étape est le monde qu’il connaît déjà un peu, la nature sauvage. Moments de pure poésie tant les noms des plantes sont beaux, comme dans une page de Thoreau, comme dans Walden, ou comme dans un lieu de Giono.

Coffret de 3 romans de David Foenkinos, Gallimard Coll. Folio 

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 18 Août 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Le potentiel érotique de ma femme (2004, 179 p.), La délicatesse (2009, 210 p.), Nos séparations (2008, 218 p.), 20,70 € le coffret . Ecrivain(s): David Foenkinos Edition: Folio (Gallimard)

Le potentiel érotique de ma femme (2004, 179 p.), La délicatesse (2009, 210 p.), Nos séparations (2008, 218 p.), 20,70 € le coffret

 

Lorsqu’un lecteur découvre un écrivain sur un ensemble de trois volumes qu’il lit d’affilée avec un plaisir qui ne faiblit pas jusqu’à la dernière ligne du troisième, on peut affirmer, indéniablement, qu’une immédiate et permanente empathie s’est installée entre eux.

Pourquoi ? Comment ? Quelle est la recette ?

Foenkinos est un romancier malicieux, qui vous entourloupe dans ses histoires dont l’originalité tient au fait qu’elles se fondent à la fois, paradoxe habile, sur l’imbrication d’une série de faits courants marquant la vie quotidienne du couple et de situations des plus inattendues accompagnées de réflexions et commentaires des plus surprenants (au sens propre de l’adjectif) frôlant parfois l’ubuesque le plus débridé. Ainsi, quand le présumé cocu s’interroge sur le cinq à sept de son épouse :

Jamais mieux, Jean-Pierre Georges

, le Mercredi, 17 Août 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions Tarabuste

Jamais mieux, 2016, 160 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Georges Edition: Editions Tarabuste

 

Ce dixième titre… C’est drôle ! Il y a vingt ans, paraissait au Dé bleu Je m’ennuie sur terre. C’était déjà un dixième titre – que voilà rétrogradé à la quatrième place « du même auteur » de Jamais mieux. Lecteur, avec Georges, la circonspection est de rigueur, ne serait-ce que pour ne pas pisser de rire. Car il y a vingt ans, Je m’ennuie sur terre paraissait un long poème en vers brefs, non ponctués, avec une majuscule à chaque début de strophe dont la longueur variait de un à seize vers, le tout entremêlant des réflexions caustiques et des fragments de récit immobile en vers. Or depuis, Jean-Pierre Georges a jeté le vers aux oubliettes. Il fait référence, dans Aucun rôle dans l’espèce (Tarabuste, 2003), « à l’époque où je ne savais pas encore qu’il n’y a pas de grands poètes ». Et, s’il écrit, dans Jamais mieux, « il fut un temps où je rêvais d’un “achevé d’imprimer par l’Imprimerie Floch à Mayenne” » il oublie la parution de La Plainte dans La Nouvelle Revue française de septembre 1988, entre des pages d’Octavio Paz et de Karen Blixen. Il y notait déjà : « Je n’ouvre aucun livre car je sais ce que j’y trouverai ; au pire l’insoutenable rhétorique au mieux la banale confirmation ». C’est là qu’il a trouvé sa voie, entre le poème en prose, assez voisin de Jean-Claude Martin, et ces sentences drôles, cruelles, désabusées. Emprunté à Cioran, son exergue offre une fusée éclairante : « On ne peut rien dire de rien. C’est pourquoi il ne saurait y avoir de limite au nombre de livres ».

Deauville, Pierre de Régnier

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 17 Août 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Voyages

Deauville, La Thébaïde, mai 2016, 85 pages, 10 € . Ecrivain(s): Pierre de Régnier

 

A-t-on déjà lu un article de quatre-vingt cinq pages ?

Un guide à l’usage des hôtes lointains de Deauville. On y trouvera de l’humour, de l’enthousiasme, de la désinvolture, de l’élégance et de bien jolies manières. Un ton assurément. Un verbe affûté.

L’auteur est un œil. Un habitué des villégiatures d’été, d’hiver et de toute nature dont il a fait ici son théâtre.

Et puis il y a le jeu d’ombres, derrière.

Une ombrelle et un parfum. Deauville hier, avant 1914, après la guerre, Deauville avant. Agaçante et fascinante. Le ton n’est pas seulement perçant, il est étonnamment intemporel. Ou prémonitoire. S’y produisent des modes, les mêmes, des illustres aux illusionnistes dont l’art consiste à mettre en scène son droit profil et ses plus nobles rivalités.