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Les Livres

Traduire Hitler, Olivier Mannoni (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 16 Novembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Traduire Hitler, Olivier Mannoni, éd. Héloïse d’Ormesson, octobre 2022, 128 pages, 15 €


« J’allais replonger dans le texte d’Hitler, ce marécage dont la boue n’avait pas fini de coller à mes bottes de traducteur ».

« Historiciser le mal, Une édition critique de Mein Kampf, 2021, 700 pages, 2 livres, 27 chapitres, pour le livre d’Hitler, entouré d’un appareil critique d’une rare ampleur ». Qui ne s’en souvient ? Le projet, les historiens, l’opinion ; les différents points de vue ; le faire, ne pas le faire. La longue – et argumentée – polémique faisant la « une » pendant plusieurs mois, agitant le fond de notre conscience à tous, historico-morale ; pas si souvent qu’on a l’occasion d’un débat de ce type. Celui qui parle ici, c’est le traducteur, et quand on sait l’importance de la traduction, cette « autre » voix d’une œuvre, on ne peut qu’être très attentif à son récit – son rapport, pourrait-on dire.

Un fils de notre temps, Ödön von Horváth (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Novembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Gallimard, En Vitrine

Un fils de notre temps (Ein Kind unserer Zeit, 1938), Ödön von Horváth, trad. allemand, Rémy Lambrechts, 155 pages, 7,50 € Edition: Gallimard

Le temps des menaces qui a oppressé l’Europe dès le milieu des années 20 et surtout dans les années 30, fut fatal pour l’histoire mais riche en voix littéraires qui avec lucidité nous ont fait entendre le grondement du désastre qui s’annonçait. Joseph Roth, Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Hugo von Hofmannsthal, Robert Musil, Leo Perutz, ces écrivains magnifiques qui anticipaient la fin d’un monde et témoignaient de son effondrement en cours constitue un moment littéraire sublime. Von Horvath est moins connu mais sa voix pourtant, singulière, nous touche avec une acuité et une force remarquables. Une force d’autant plus puissante qu’elle est en douce, mezzo voce, comme une insinuation obstinée qui finit par bouleverser.

Par les propos d’un narrateur lambda, soldat d’une armée que l’on devine nazie, von Horváth va peu à peu déconstruire l’idéologie désastreuse qui dévaste son pays et va le mener au désastre le plus total. Patriotisme aussi aveugle qu’imbécile, haine de tout autre (y compris les femmes), culte du chef et du héros, culte de la violence stupide, notre narrateur décline, une à une, toutes les tares qui ont saisi et ravagé un peuple tout entier. Le marigot idéologique est complété par la société mâle que constitue la vie militaire, toujours en bordure d’une homosexualité malsaine, non assumée, non dite.

Sur Âmes d’automne de Jean Lorrain (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mardi, 15 Novembre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

La situation de Jean Lorrain, dans notre paysage littéraire, est singulière : ni franchement visible, ni vraiment invisible. On l’évoque ici et là quand on s’intéresse à ceux qu’il croisa, dont il se moqua, avec qui il se brouilla, qui le détestèrent. On cite des anecdotes où il eut rarement le beau rôle. On s’attarde sur des faits biographiques, toujours les mêmes, comme son célèbre duel avec Proust en février 1897 après la publication des Plaisirs et les Jours et ses insinuations venimeuses (selon Proust) sous le pseudonyme sans mystère de Raitif de La Bretonne, dans un article du Journal. On le révoque parfois pour sa misogynie supposée, son antisémitisme imbécile, son aristocratisme de pacotille. On ne le lit guère. Et c’est dommage : le recueil de nouvelles Âmes d’automne (1898), réédité en 2015 par Le Chat Rouge, nous rappelle qu’il fut à sa façon, sinon un écrivain majeur (l’œuvre est trop disparate et inégale pour cela), du moins un écrivain mineur de première importance – si tant est que ces nuances fassent sens.

Par petites touches, Philippe Cassard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 14 Novembre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Récits, Mercure de France

Par petites touches, Philippe Cassard, Mercure de France, Traits et Portraits, septembre 2022, 200 pages, 19 € Edition: Mercure de France

 

« La connaissance intime qu’avait Merlet des cantates, des Passions et des œuvres d’orgue du Cantor, rendait au Bach qu’il nous enseignait, à travers les préludes et fugues du Clavier bien tempéré, les toccatas et les suites, sa jubilation au contrepoint, son rebond aux rythmes de danses et son expression intensément vocale aux fugues lentes et aux sarabandes ».

C’est donc Par petites touches que Philippe Cassard déroule sa vie d’apprentissage de la musique et du piano, sa vie de rencontres et d’études auprès de grands serviteurs de la transmission musicale. Il faudrait, non pour illustrer, mais pour éclairer comme le fait un vitrail, joindre à cette recension des enregistrements de pièces musicales sous les doigts de pianistes qui n’ont cessé et ne cessent peut-être de l’accompagner. Nous pourrions ainsi proposer : Jardin sous la pluie de Claude Debussy par Philippe Cassard, Miroirs de Maurice Ravel par Vlado Perlemuter, et Barcarolle op. 60. de Frédéric Chopin par Nikita Magaloff.

Le loup et les sept chevreaux, Philippe Lechermeier, Charline Picard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 14 Novembre 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Jeunesse, Gallimard Jeunesse

Le loup et les sept chevreaux, Philippe Lechermeier, Charline Picard, Gallimard Jeunesse, Coll. Mes contes à déplier, juin 2022, 32 pages, 12,90 € Edition: Gallimard Jeunesse

 

Loup solitaire

Un autre album vient compléter la jolie Collection Mes contes à déplier, dans lequel l’auteur, Philippe Lechermeier, signe à nouveau la variante d’une fable, d’après un conte populaire allemand qui figure parmi ceux recueillis par les frères Grimm. L’action commence de suite par trois coups de théâtre « Toc, toc, toc ! », juste après la mise en garde de mère chèvre. L’auteur construit son récit en introduisant des dialogues souvent de style indirect. Ici, la référence au Petit Chaperon rouge est nette mais ce sont des animaux anthropomorphisés qui entrent en scène, les sept chevreaux. Le chiffre sept a une forte charge symbolique, comme par exemple dans Le Loup et les Sept Chevreaux, Blanche-Neige et les sept nainsles sept marraines de La Belle au bois dormant chez Charles Perrault, les sept fils dans le conte Le Petit Poucet et les bottes de sept lieues ou encore les Sept voyages de Sinbad le marin. En outre, « montrer patte blanche » fait penser à la fable de La Fontaine, Le Loup, la Chèvre et le Chevreau (1668), elle-même inspirée d’une fable d’Ésope.