Le loup et les sept chevreaux, Philippe Lechermeier, Charline Picard (par Yasmina Mahdi)
Le loup et les sept chevreaux, Philippe Lechermeier, Charline Picard, Gallimard Jeunesse, Coll. Mes contes à déplier, juin 2022, 32 pages, 12,90 €
Edition: Gallimard Jeunesse
Loup solitaire
Un autre album vient compléter la jolie Collection Mes contes à déplier, dans lequel l’auteur, Philippe Lechermeier, signe à nouveau la variante d’une fable, d’après un conte populaire allemand qui figure parmi ceux recueillis par les frères Grimm. L’action commence de suite par trois coups de théâtre « Toc, toc, toc ! », juste après la mise en garde de mère chèvre. L’auteur construit son récit en introduisant des dialogues souvent de style indirect. Ici, la référence au Petit Chaperon rouge est nette mais ce sont des animaux anthropomorphisés qui entrent en scène, les sept chevreaux. Le chiffre sept a une forte charge symbolique, comme par exemple dans Le Loup et les Sept Chevreaux, Blanche-Neige et les sept nains, les sept marraines de La Belle au bois dormant chez Charles Perrault, les sept fils dans le conte Le Petit Poucet et les bottes de sept lieues ou encore les Sept voyages de Sinbad le marin. En outre, « montrer patte blanche » fait penser à la fable de La Fontaine, Le Loup, la Chèvre et le Chevreau (1668), elle-même inspirée d’une fable d’Ésope.
Une fois leur mère partie faire quelques courses, l’ennemi des petits mammifères herbivores, le grand méchant loup, ourdit un plan pour attraper les sept chevreaux. Le loup n’a pas bonne presse dans la littérature, affublé de tous les maux, considéré comme diabolique, sauvage et prédateur. La loi de la nature est injuste, cruelle, et le pauvre Canis lupus lupus finira douloureusement. La morale du conte est édifiante car elle apprend qu’il faut se méfier des ruses et contrefaçons de l’ennemi déguisé (et écouter les conseils de ses parents). Il vaut mieux donc réfléchir avant d’ouvrir sa porte à n’importe qui. Afin de tromper les sept fragiles chevreaux, le grand loup noir contrefait sa voix et adopte un ton mielleux. Or, le plus jeune des chevreaux mais le plus intelligent, ne se précipitera pas pour ouvrir la porte au loup vorace, et il lui faudra mettre en garde ses frères et sœurs trop étourdis !
Les illustrations de Charline Picard (née à Annecy en 1983, diplômée de l’école Émile Cohl de Lyon en Dessinateur concepteur, option illustration, en 2008), accompagnent les aventures des sept chevreaux aux cornes rose, aux fins sabots ongulés, au pelage blanc taché de marron clair ou foncé. Le loup se distingue par son admirable fourrure noire bleutée et ses yeux d’or, sa gueule rose tyrien et ses dents blanches comme craie. La planche dépliée où cinq actions se superposent donne à voir un loup à la panse très enflée et volumineuse. Quelle différence y-a-t-il entre la griffe puissante du loup et l’inoffensive patte blanche de maman chèvre ? Les enfants devront le chercher dans cette partie de cache-cache un peu risquée…
Album très original, dès 4 ans.
Yasmina Mahdi
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