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Les Livres

Ainsi parlait André Gide, Dits et maximes de vie, Gérard Bocholier (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 20 Octobre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Anthologie, Arfuyen

Ainsi parlait André Gide, Dits et maximes de vie, Gérard Bocholier, Arfuyen, mai 2022, 176 pages, 14 €

 

 

La question qu’on pose ici est très simple : comment Gide peut-il en même temps haïr le mensonge et révérer la poésie ? Autrement dit : comment s’en tenir à la vérité dans l’irréel (car ce que la poésie rend réel, elle ne le tient en tout cas pas de lui) ? Car le mensonge lui est odieux – mentir, dit Gide, c’est jeter l’interlocuteur sur un terrain où le libre examen lui sera impossible, car on ne peut pas considérer librement ce qu’on ignore être faux – et la poésie lui est pourtant indépassable. Mentir, c’est enrayer l’esprit critique d’autrui, car on ne juge sainement que là où l’on peut contrôler (enregistrer, et rectifier) sa propre distance à la vérité, et toute victime – s’ignorant telle – d’un mensonge en est empêchée. Mais comment un poète ne mentirait-il pas, puisque tout récit se façonne, toute métaphore est méandre et diversion, et toute inspiration jaillit d’un (peu sécurisable) amont du réel ?

En sortant de l’école, Jacques Prévert (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 19 Octobre 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Jeunesse, Gallimard Jeunesse

En sortant de l’école, Jacques Prévert, juillet 2022, ill. Jacqueline Duhême, 20 pages, 15,50 € Edition: Gallimard Jeunesse

 

Tableaux et jeux de mots

L’excellent album En sortant de l’école a été élaboré par Jacqueline Duhême, née en 1927, qui a été aide dans l’atelier chez Henri Matisse. Peintre et journaliste, elle a travaillé pour le cinéma, fait des cartons de tapisserie, côtoyé les grands peintres et poètes du XXème siècle, innové en inventant, à l’occasion du voyage des Kennedy en France, le reportage en dessins (avec de Gaulle en Amérique du Sud et le pape Paul VI en Terre sainte). Plusieurs prix lui ont été décernés, dont L’Octogone d’honneur pour l’ensemble de son œuvre en 1998, et le grade de Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres en 2016.

La couverture de ce délicieux album jeunesse marque le choix de Jacqueline Duhême d’enluminer un texte de son ami, le poète Jacques Prévert (1900-1977). Les paroles du célèbre poète et scénariste, qui incarne sans doute le mieux le Paris populaire de l’entre-deux-guerres, ont été mises en musique par Joseph Kosma, compositeur juif hongrois, naturalisé français (1905-1969).

After®, Auriane Velten (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 18 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

After®, Auriane Velten, Folio SF, septembre 2022, 288 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Comme l’indique son titre, After®, et la collection dans laquelle il est réédité, Folio SF, le premier roman d’Auriane Velten appartient au genre post-apocalyptique, celui qui raconte la Terre et, surtout, l’humanité d’après une catastrophe, généralement liée à une grosse bêtise bien humaine – chez Dick ou d’autres, la faveur allait à la bombe atomique. Chez Velten, cela reste peu clair, car on est loin désormais des années cinquante ou soixante, ou même soixante-dix, durant lesquelles la crainte que la Guerre Froide s’échauffe voire se mette à bouillir générait des angoisses, tant littéraires qu’existentielles, et il ne s’agit plus pour cette jeune autrice de mettre en garde contre la bombe, mais bien contre la perte d’humanité, le réel danger contemporain. Car c’est ce dont il s’agit dans ce bref roman, de notre part d’humanité, celle qui nous incite à contempler par exemple les six tapisseries composant La Dame à la licorne, et de la perte – et donc la redécouverte – de cette part.

Coupez !, Chris Brookmyre (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 18 Octobre 2022. , dans Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Métailié

Coupez !, Chris Brookmyre, Éditions Métailié, mars 2022, trad. anglais (Ecosse), David Fauquemberg, 512 pages, 22,50 € Edition: Métailié

 

L’action se déroule en 2019. Deux personnages en sont les principaux protagonistes. Millicent Spark, née le 25 avril 1947, âgée de 72 ans, qui réapprend à vivre après 24 ans de prison pour le meurtre de son amant. Avant son incarcération elle exerçait, dans des films de série B, la profession de maquilleuse. Elle était devenue particulièrement douée pour réaliser les effets spéciaux. Millicent a beaucoup de mal à se réintégrer dans le monde contemporain, durant sa captivité, coupée du monde, elle est devenue acariâtre, peu bavarde, dans cet univers qui l’a oubliée, elle ne se reconnaît plus et pense même à mettre fin à ses jours. Deux femmes d’un certain âge l’ont accueillie au sein de leur domicile en tant que colocataire, Vivian et Carla. L’enthousiasme et l’optimisme de Vivian l’aident à supporter cette situation. Cependant, elle doit tout apprendre de la modernisation des lieux où elle se trouve, à commencer par l’utilisation d’un téléphone mobile.

Le Retour de la décadence, Penser l’époque postprogressiste, Pierre-André Taguieff (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 18 Octobre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, Essais, La Une CED

Le Retour de la décadence, Penser l’époque postprogressiste, Pierre-André Taguieff, Presses Universitaires de France, mars 2022, 248 pages, 19 €

 

Au début des années 80 du XXe siècle, le philosophe Julien Freund (1921-1993) publia deux ouvrages, La Fin de la Renaissance (1980) et La Décadence (1984), qui consonnaient avec Histoire et Décadence de Pierre Chaunu (1981). La réception de ces livres, quand réception il y eut et qu’on ne les ignora pas purement et simplement, fut dans l’ensemble froide, voire hostile. Mais traiter par la froideur, l’hostilité ou le mépris des livres qui analysent une réalité désagréable n’a jamais fait disparaître la réalité en question. Certes, et Julien Freund en était lui-même conscient (comme le montre le sous-titre de son livre : Histoire sociologique et philosophique d’une catégorie de l’expérience humaine), la perception et l’angoisse du déclin sont des traits historiques consubstantiels à notre civilisation, comme s’il existait quelque rapport secret, souterrain, un pacte non écrit, entre l’Occident – le pays du couchant (Abendland) – et la décadence.